Fontcouverte
 

Le volume de la population de Fontcouverte et ses évolutions

Connaître la population de Fontcouverte à une date donnée peut paraître assez simple surtout si cette date coïncide avec celle d’un dénombrement officiel de la population. Si la coïncidence n’est pas réalisée on pourrait penser que la population est bien estimée par son volume donné au dernier dénombrement connu augmenté du nombre des naissances et des immigrations intervenues entre temps, diminué du nombre des décès et des émigrations correspondant.

En fait, dans les deux cas, le problème est très complexe. Quels sont les types d'individus effectivement recensés ? Connaît-on exactement le nombre des naissances et des décès ? A-t-on la moindre idée du volume des migrations et si c’est le cas, ces migrations sont-elles définitives ou seulement temporaires ?

Bien qu’ayant à Fontcouverte une bonne expérience des naissances et décès mais aussi une grande méconnaissance des migrations, nous ne tentons pas ces calculs incertains. Nous nous contentons d’analyser en détail les résultats des dénombrements qui ont été effectivement réalisés, même s’ils sont assez peu nombreux, en partant des documents originaux produits sur place et en profitant de l'analyse aussi précise que possible que nous en faisons pour les contrôler. Nous évitons les valeurs publiées en dehors de Fontcouverte, entachées qu’elles puissent être d’erreurs de recopiage aux divers niveaux administratifs entre Fontcouverte, Chambéry et Turin ou Paris.

Quelques critères à contrôler

Le terroir de Fontcouverte vu par un paroissien vers 1680

Les limites géographiques du terroir de Fontcouverte.

Dans la période qui nous intéresse, une grande facilité est offerte par le fait que les limites de Fontcouverte n’ont pas évolué. En tout cas, les limites précisées dans le relevé de la Mappe Sarde de 1738 coïncident avec celles d’un relevé de 1900.

On peut cependant noter le cas du village de Riortier-dessus, à cheval sur la frontière avec Saint-Jean-de-Maurienne dont tous les baptêmes semblent longtemps avoir été célébrés à Fontcouverte. On ne sait quelle perception les recenseurs ont eu de cette limite. Nous ne connaissons pas ce qu'il en est du Tilleray qui présente, a priori, les mêmes difficutés.

Les dates exactes des dénombrements

Les documents originaux permettent généralement de connaître l’année de recensement. Une date plus précise est donnée par le recenseur en fin de document lors de sa transmission aux autorités administratives. Un délai entre l’exécution du dénombrement sur site et cette transmission peut atteindre quelques semaines, éventuellement à cheval sur deux millésimes. Les consignes du sel sont souvent intitulées « Consigne pour l'année A ». L'inventaire des personnes est alors réalisé en fin de l'année A - 1.

Dans la pratique, les informations que nous donne la structuration de la population nous permettent de connaître à 15 jours près la date d’exécution du dénombrement grâce aux naissances et décès encadrant le dénombrement. Du fait des lentes variations du volume de la population de Fontcouverte, une précision annuelle semble suffisante pour les humains (ce n’est pas le cas pour l’inventaire du bétail affecté d’importantes variations saisonnières ; le mois est alors indispensable).

La définition de la population à prendre en compte

Les recensements de l’époque française définissent, à partir d'ordres donnés assez précis, les personnes à prendre en compte en les regroupant sous diverses rubriques d’ailleurs variables dans le temps. La situation est moins claire pendant l'époque savoyarde. Sans entrer dans les détails, on doit au moins distinguer :

La définition d’un résident est loin d’être claire. Un Fontcouvertin possédant une maison dans la paroisse mais vivant la majorité du temps à Saint-Jean-de-Maurienne est-il un résident ? Nous tranchons en utilisant les informations qui sont parfois données (en particulier dans les consignes du sel) en admettant qu’un résident doit être présent au moins six mois par an. Un élève au Collège Lambertin à Saint-Jean revenant en vacances à Fontcouverte est-il résident ou non ? D’après les directives françaises, il ne l’est pas. Nous considérons qu’il l’est, jouant avec ses amis sur la place du village ou gardant les vaches en montagne dès les mois de juillet ou d’août revenus.

Consigne de mâles de 1726.
Avec les militaires la distinction présent-absent est pratiquement évidente !

La définition des absents est encore plus complexe. Depuis combien de temps faut-il avoir quitté Fontcouverte pour être considéré comme absent ? Se pose ici la question des émigrants saisonniers et de ceux qui partent plus ou moins longtemps et parfois ne reviennent plus. A l’époque française, le choix est relativement simple une rubrique étant réservée aux réputés absents. C’est loin d’être le cas plus tôt. Dans les consignes du sel, bien que réalisées en hiver, on suppose que les migrants réellement saisonniers sont enregistrés.

Nous ne nous intéressons pas à la «  population de droit » qui regroupe résidents et absents vivant ailleurs. Nous préférons considérer seulement les présents, les personnes susceptibles d’être rencontrées le dimanche devant l’église et qui constituent la « population de fait ».

Avec notre conception de la population de fait, il est évident que notre estimation du volume de la population est inférieure à celles données par les dénombrements comprenant, si l’on n’y prend pas garde, des absents. Ce fait est accentué dans les écrits des curés reprenant sans critique les résultats bruts des dénombrements, y ajoutant même, éventuellement, des personnes (en particulier les nombreux prêtres issus de la paroisse) qui, depuis longtemps, n’ont plus aucun lien avec Fontcouverte si ce n’est leur lieu de naissance.

Nos contrôles et nos calculs

Pour chaque dénombrement nos estimations sont toujours fondées sur la liste détaillée des habitants inventoriés par le recenseur et non sur les tableaux récapitulatifs en fin de texte. Même à l’époque française pour laquelle des formulaires pré imprimés sont fournis, ces tableaux récapitulatifs sont très souvent faux mais semblent souvent les seuls consultés par divers lecteurs un peu pressés.

Chaque maison d'un recensement est donc analysée précisément avec les corrections d’erreurs évidentes qui s’imposent. La structuration de la population permet ce diagnostic de façon sûre (on évite par exemple le doublon de personnes venant de se marier et portées une fois comme célibataires avec leurs parents et une fois mariées avec leur conjoint dans une autre maison).

L’analyse permet également de retrouver des personnes vivant manifestement à Fontcouverte mais omises dans le dénombrement, soit par négligence, soit par dissimulation du recenseur. Un cas particulier est celui des enfants de moins de 5 ans non enregistrés dans les consignes du sel. Ces enfants sont facilement inventoriés et pris en compte grâce à la structuration de la population si leurs parents sont portés dans la liste des présents.

Les dénombrements traités

Recensements civils

Le recensement de 1561 est le plus ancien connu. Il est difficile à interpréter en particulier pour distinguer les absents.

Les recensements savoyards n’ont été retrouvés à la cure que pour les années 1716, 1718 et 1734. On les considère comme relativement fiables.

Les recensements français ne sont traités que pour les années 1876, 1886 et 1896 bien que les recensements quinquennaux intercalaires existent. Ils sont un peu plus précis que leurs prédécesseurs mais comportent encore de nombreuses erreurs.

Il existe donc une lacune totale s’étendant de la fin du XVIe siècle au début du XVIIIe et une autre au milieu de ce siècle. Exceptionnellement, nous reprenons pour la période révolutionnaire française quelques valeurs publiées dans la bibliographie, valeurs que nous n'avons pas pu contrôler et que nous donnons à titre indicatif.

Recensements militaires

Ceux utilisables sont peu nombreux mais relativement anciens. Ils datent de 1689, 1713 et 1726. S’ils sont souvent de bonne qualité ils ne concernent que la moitié masculine de la population prise dans des tranches d’âge variables. Ils ne correspondent pas à notre définition de la population de fait puisqu'ils englobent de nombreux hommes de la lignée du chef de famille d’où de très nombreux absents mais souvent leur lieu de migration et la durée de leur absence au moment du recensement est mentionnée.

Consignes du sel

Afin d'estimer la qualité de ces consignes en tant que documents susceptibles de nous donner des indications sérieuses sur la population de fait, celles de 1726, 1727, 1729, 1734, 1759 et 1789, parmi celles disponibles, ont été analysées en détails et complétées des mineurs de 5 ans par la structuration de la population. Elles apparaissent en bonne concordance avec les recensements. Mais on ne sait pas quelle est la définition exacte de la population prise en compte ; on est porté à penser qu'il est question (sauf indication contraire dans la consigne) des seuls présents y compris les migrants saisonniers estimés devant revenir en fin de printemps.

Les résultats

Les différents types de documents susceptibles de nous préciser le volume de la population de Fontcouverte ont été réalisés avec des buts et par des auteurs différents ce qui rend les comparaisons difficiles malgré toute l'analyse la plus méticuleuse possible que nous en avons faite pour les rendre cohérents. Nous tentons cependant la synthèse suivante.

Le volume de la population de fait de Fontcouverte au cours du temps est donné par le graphique suivant.

Population de Fontcouverte aux dates où on la connaît avec précision

D'un point de vue simplement technique on peut noter :

Plus globalement on peut retenir les faits suivants correspondant à trois phases de l'histoire de Fontcouverte.

D’où viennent les nombres d’habitants nettement supérieurs à 1 300 de la bibliographie ?

Il n’est pas rare de rencontrer dans les écrits rédigés par les curés locaux ou les démographes officiels, des nombres d’habitants nettement supérieurs à 1 300 âmes. Le record absolu est celui de Monseigneur Billiet qui, en 1837, attribue à Fontcouverte une population de 1 616 paroissiens lors de la peste de 1630 alors qu’elle ne doit probablement pas dépasser 1200 à cette date !

Dans les écrits locaux, l’écart provient sans doute de l’ajout à la population de fait de nombreux absents, certains parfaitement fictifs.

Dans les statistiques données plus officiellement, les valeurs peuvent provenir de calculs, souvent erronés, faits au niveau régional (tenant donc compte des résultats globaux locaux transmis à l’administration).

Des estimations données reposent sur des calculs qui consistent à établir, au moment d'un dénombrement exhaustif, le rapport entre

En supposant que ce rapport ne varie pas entre la date du dénombrement de référence et celle d'un jour quelconque où l'on veut connaître le volume de la population, une simple division de la valeur de la caractéristique démographique (connue) par la valeur standard du rapport permet d’estimer le volume de la population au jour désiré. C'est la méthode utilisé par Monseigneur Billiet en 1837.

Il est évident que cette hypothèse de constance du rapport n’est pas exportable simplement dans le temps, voire dans l’espace si on s’intéresse à une autre paroisse. Elle dépend fortement, en effet, de la structure démographique de la population (la pyramide des âges).

Comme exemple à Fontcouverte, à l’occasion des dénombrements que nous avons contrôlés, nous pouvons établir dans la population de fait la valeur du rapport du nombre des Fontcouvertins de 5 ans révolus ou plus (soit environ 85 % de l'ensemble de la population) au volume total de cette population globale.

Recensements

Années 1561 1716 1718 1734 1876 1886 1896
Rapport 0,84 0,89 0,87 0,88 0,90 0,90 0,91

Le rapport varie de 0,84 à 0,91 entre 1561 et 1896. Il s’agit de deux valeurs extrêmes traduisant deux circonstances démographiques opposées.

Au XVIIIe siècle, correspondant à une situation démographique relativement stable, une valeur moyenne du rapport serait de l'ordre de 0,88.

A titre de simple illustration (aucun démographe ne saurait faire de telles extrapolations temporelles !), les populations calculées pour les différents recensements à partir des résultats du recensement de 1734 seraient les suivantes.

Années 1561 1716 1718 1734 1876 1886 1896
Population calculée (a) 963 1286 1225 1219 1352 1281 1228
Population recensée (b) 1003 1276 1244 1219 1331 1266 1176
Ecart ((a) - (b)) -40 10 -19 0 21 15 52

L’influence de la structure démographique apparaît évidente. Des écarts non négligeables apparaissent bien que le calcul se fasse dans des conditions particulièrement favorables : l’estimation de la population totale se fait par extrapolation de 15 % seulement.

Un calcul par le volume des naissances, souvent mentionné dans la bibliographie comme possible, est tenté ici à simple titre d'exemple mais ses résultats sont à prendre, a priori, avec la plus grande méfiance.

Nous essayons d'utiliser la méthode précédente de calcul du volume de la population de Fontcouverte pour chaque année du XVIIe au XIXe siècle à partir du nombre des naissances enregistrées au voisinage de l'année soumise au calcul. Afin d'utiliser les années de naissance les plus significatives et atténuer les variations aléatoires à court terme du rythme de ces naissances, on retient comme caractéristique démographique la moyenne du nombre annuel de naissances constatée lors des 20 ans précédant l'année du calcul. Nous prenons ainsi en compte une part importante (plus de 50 % mais comprenant les nombreux enfants morts en très bas âge n'apparaissant pratiquement pas dans la population) de la pyramide des âges ainsi que la trace reproductive des couples entre 20 et 40 ans.

Par ailleurs, le rapport de référence retenu est celui ainsi calculable sur l'année 1734 qui a servi dans l'exemple précédent et qui peut représenter un état démographique moyen dans l'histoire de Fontcouverte.

On peut s'attendre à ce que la courbe calculée du volume de la population, en bleu sur le graphique, ne soit que la transformée de la courbe des naissances avec une exagérations des situations s'écartant nettement de celle de 1734 et avec un décalage de 10 ans.

Un calcul un peu sipliste de la population de Fontcouverte

Ainsi est confirmée l'importance de la structure démographique de la population. Encore faut-il ajouter les variations des habitudes reproductives des individus pris dans leur ensemble. Ces deux critères pourraient être connus pour le dernier siècle mais restent pratiquement incontrôlables aux XVIIe et XVIIIe siècles. La courbe montre la limite de la méthode mais pose des questions interessantes.

Un calcul identique pourrait être réalisé en se référant aux mariages. Un calcul à partir des décès serait plus complexe car faisant intervenir des événements étalés sur 60 - 80 ans (durées de vie des derniers mourants) mais mettrait probablement en évidence les conséquences des migrations définitives.

Quoiqu'il en soit, la population des résidents à Fontcouverte semble être restée relativement stable de 1675 à 1875 au voisinage de 1 250 âmes sans avoir pratiquement jamais dépassé le volume maximum de 1 350, voire peu probablement 1400 au XIXéme siècle.