Fontcouverte
 

Consigne des mâles de la paroisse de Fontcouverte de 1713

    

Ordres du 17 novembre 1713 du Conseiller d'Etat Gaud

Le document provient des archives de la cure déposées à l'évêché.

C’est par une ordonnance du 24 septembre 1713 que Victor-Amédée II prescrit le recensement, sous un délai d'un mois, des hommes de ses Etats en vue de la formation des régiments provinciaux de ses armées. Le recensement doit être fait tous les six ans au mois de décembre. Les archives de la cure de Fontcouverte donne un résulat immédiat de l'ordonnance par une consigne de mâles datée du 19 décembre 1713. Chez nous, les ordres de sa Magesté sont rapidements exécutés ! Nous retenons la date du 15 décembre pour nos calculs des âges au monent de la consigne.

Il s'agit donc d'une première consigne, la seule retrouvée par la suite sera datée de 1726. Les prescriptions royales de 1713 ne sont pas exactement respectées mais les informations contenues sont intéressantes et détaillées même si elles ne concernent que la moitié masculine de la population.

Première page de la consigne des mâles de 1713
La collecte des informations dans les maisons a été assurée par les syndics en activité à savoir Jean Baptiste Anselme et Jean Gilbert Collet assistés par le jeune substitut du secrétaire Jean Collet dont on trouve ici la premère œuvre à Fontcouverte mais que nous côtoierons fréquemment pendant plus de deux décennies.

Le secrétaire donne ainsi pour les différents groupements d'hommes qu'il a pu consigner :

On doit remarquer que tous les hommes sont consignés quel que soit leur âge, y compris les enfants de moins de un an ce que le roi n'a pas prévu.

Qualité de la consigne, difficultés

Respectant d'assez près les directives du roi, la consigne peut donc être considérée comme de bonne qualité surtout pour un tout début de XVIIIe siècle.

Les groupements de personnes ne correspondent pas exactement à la directive ni à la définition de feux que nous utilisons par ailleurs. Il ne s’agit pas des hommes vivant sous un même toit mais, en fait, de la lignée masculine des chefs puisqu’on trouve dans un même groupement des enfants qui ont quitté depuis longtemps le domicile de leurs parents ou des enfants orphelins dont le chef n'a que 10 ans qui, sans doute, ne vivent pas isolés.

Les états matrimoniaux ne sont pas systématiquement précisés. Lorsque c'est le cas, c'est peut-être pour éviter certaines ambiguïtés ou pour mentionner une particularité relevant de la gestion militaire. Quelques imprécisions sont possibles sur l'état matrimonial des hommes, les veufs ne sont pas distingués comme tels.

A l'occasion, il peut être difficile de déterminer le nombre exact des absents, du moins de séparer ceux qui ont quitté définitivement la paroisse de ceux qui, selon toute probabilité, reviendront.

Quant aux âges, ils semblent parfois très imprécis avec une nette tendance aux arrondis décennaux. Certains, notoirement faux, pourraient correspondre à des erreurs de transcription du secrétaire : deux âges de 95 ans sont très improbables et manifestement faux à en croire la structuration de la population.

On doit enfin noter Georges Belluard, récemment arrivé à Fontcouverte pour se marier, consigné deux fois... c'est plus sûr pour un « étranger ».

Résultats numériques globaux

Nombre de groupements recensés : 256

Ce nombre est très voisin de ceux produits par les recensements civils et les consignes du sel de l'époque (260 - 270) ce qui attribue à la consigne des mâles une exhaustivité certaine.

Population masculine consignée : 671

Consignés Présents Absents
Nombre d'hommes 671 603 68

Le nombre des hommes consignés est très voisin de celui donné par la consigne des mâles de 1726. Cependant, le nombre des absents est nettement inférieur à celui donné en 1726 (96). On note que :

Identification dans l’état civil des hommes consignés

La qualité du document, malgré l’absence des femmes qui sont parfois utiles dans l'identification des personnes d'un dénombrement, les risques d'homonymie et surtout des doutes sur les âges, permet un taux d'identification élevé.

648 hommes sur les 671 consignés ont pu être identifiés, soit un taux de 96,6 % pratiquement identique à ceux de la consigne des mâles de 1726 et du recensement de 1734.

Contrôle des âges

La corrélation entre les âges déductibles de l’état civil et ceux donnés par la consigne est logique et assez correcte pour l'époque. Elle prouve la bonne qualité du travail des recenseurs et du secrétaire.

Les écarts ne dépassent généralement pas 5 ans en valeur absolue. Quelques écarts plus grands correspondent à des erreurs des recenseurs ou du secrétaire, l'identification des personnes étant a priori, ici de façon générale, hors de cause : erreurs de 10 ans le plus souvent, erreurs manifestes, probablement de transcription par le secrétaire, dans 2 cas pour des personnes consignées pour 95 ans ce que contredit formellement la structuration de la population (ils auraient plutôt 75 ans).

La droite représentant l'égalité des âges de la consigne à ceux calculés à partir de la structuration de la population révèle une curieuse particularité : les âges consignés inférieurs à 20 - 30 ans sont en général inférieurs à la réalité tandis qu'il apparaît l'inverse au delà de 40 ans.

On peut encore noter une certaine attraction des valeurs rondes des dizaines mais, surtout, un déficit des âges de 39 ans et un excès pour 40. Il s'agit certainement d'une légère fraude sur ces âges, 40 ans étant l'âge pour quitter une quelconque activité militaire au cas où les circonstances le nécessiteraient. Le même phénomène se reproduit pour 60 ans, l'explication étant alors le peu d'intérêt de l'âge des personnes de plus de 40 ans ou la méconnaissance de l'âge précis des personnes âgées.

On doit alors garder à l'esprit la difficulté d'emploi des âges tels qu'il sont donnés dans la consigne.

Pyramide des âges

La première pyramide comporte tous les hommes consignés et estimés présents (correspondant à la population de fait) en utilisant les âges donnés par la consigne. Elle donne une image apparemment cohérente de la structure démographique des Fontcouvertins en 1713. Elle souffre cependant des anomalies connues sur les âges :

et d'un sous-enregistrement des garçons pour les tranches d'âge 5 - 10 ans et 0 - 5 (pour cette dernière tranche d'âge nous trouvons 66 garçons par notre estimation du nombre des mineurs de 5 ans d'après l'état civil).


Une seconde pyramide
est établie pour les hommes de la consigne que l'on a pu identifier et donc déduire l'âge réel (96 %) auxquels sont ajoutés les hommes non identifiés avec leur âge donné par la consigne (un peu moins de 4 %)

Cette pyramide apparaît plus régulière et plus plausible. Les effectifs des tranches d'âge les plus élevés sont réduits. On note toujours le volume de certaines tranches d'âge intermédiaire et le déficit des garçons de 0 à 10 ans.


Enfin, une troisième pyramide ajoute à la précédente les personnes absentes dont l'âge est déterminé comme pour la seconde pyramide.

Le graphique met en évidence :

Pauvreté et état sanitaire dans la consigne

Le secrétaire ne donne aucune indication sur ces points.

Fonctions et métiers

Les ordres donnés pour la réalisation de la consigne n'ayant pas été tous respectés, il ne peut être fait une analyse précise des occupations particulières des Fontcouvertins en 1713. Il est probable que nombre de ces occupations ne sont pas mentionnées comme le prouverait la comparaison avec la consigne des mâles de 1726.

Les fonctions « administratives »

On trouve un notaires Antoine Dompnier âgé de 50 ans (en fait 47), un sergent royal Antoine Bonnel âgé de 38 ans (en fait 40) et, naturellement, le jeune substitut du secrétaire de la communauté Jean Gilbert Collet âgé de 23 ans (il connaissait exactement son âge !).

On peut ajouter ici la catégorie des soldats bien sûr considérés comme absents. Ils sont au nombre de 9 tous en activité au Régiment de Savoie. Ils ont entre 30 et 37 ans. Trois seraient en service depuis 12 ans et auraient donc été incorporés en 1701 à des âges de 20, 24 et 28 ans. Nous n'avons pas d'informations pour les 6 autres.

Les fonctions « opérationnelles »

Deux « muniers aux molleins de Saint-Jean »

Ces activités concernent les hommes contribuant directement à la vie matérielle des lieux où ils ont émigrés car, pratiquement, seuls les métiers des émigrés sont consignés. On trouve ainsi :

On peut noter l'absence de mention des ecclésiastiques (sans doute exemptés) mais aussi celle des artisans locaux, d'aubergistes ou de cabaretiers.

Les étudiants

Les Rossat : une famille d'intellectuels à Fontcouverte

Le secrétaire mentionne 10 garçons étudiants. Ils pratiquent tous des études secondaire de la sixième à la classe de philosophie à Saint-Jean-de-Maurienne, sans doute au collège Lambert. Ils appartiennent à 9 familles, l'une d'entre elles donnant 2 étudiants. Ces garçons sont âgés de 10 à 19 ans.

Parmi les garçons de 10 à 20 ans signalés dans la consigne, ils représentent donc la proportion non négligeable de 1,5 %.

Les migrations

Peu d'informations sont données sur les personnes ayant quitté Fontcouverte ou étant venues s'y installer. Une analyse des phénomènes migratoires est alors difficile.

Emigrants

Sur les 672 hommes consignés, 68 sont mentionnés comme n'habitant pas Fontcouverte soit 10 %.

La consigne ne précise, au mieux, que la durée d'absence en 1713. On ne sait pas quelle sera la durée totale d'absence ni s'il s'agit d'une première émigration qui pourrait être suivie d'une ou plusieurs autres.

Les durées d'absence constatées se répartissent ainsi :

Durée connue Moins de 1 an 1 an 2 - 5 ans 6 - 10 ans 11 - 20 ans Indéterminés
Absents 16 21 8 4 7 12
Proportion absents (%) 24 % 30 % 12 % 6 % 10 % 18 %
Absents définitifs 6 6 5 2 5 5

Un quart des absents a quité Fontcouverte depuis moins de 1 an (en fait 6 mois au plus dans la plupart des cas) et guère plus d'un quart depuis 1 an. Il s'agit probablement de séjours souvent courts dont nombre dans le Piémont pour des activités agricoles plus ou moins saisonnières comme les foins. Cependant, certains hommes, un tiers d'entre eux environ, ne reviendront pas.

Les autres absents ont des séjours beaucoup plus longs. Plus de la moitié d'entre eux ne reviendra pas à Fontcouverte comme les trois frères marchands partis en Auvergne depuis 20 ans.

Un soldat mort depuis neuf ans parmi les vivants

La plupart des émigrants partent de façon isolée. Cependant deux fratries (de 3 et 4 frères) et un père et son fils sont partis ensemble.

Les soldats ont naturellement une destinée différente : sur les 9 soldats consignés, 2 seulement reviennent, au moins momentanément à Fontcouverte, ne serait-ce que pour leur mort. A leur sujet, on peut mentionner Jean Baptiste Sibué porté dans la consigne mais, en fait, mort prisonnier en 1704 à Toulon. Les nouvelles n'arrivaient pas vite au secrétaire de Fontcouverte ! Heureusement nous connaissons ce fait par l'attestation du curé de Fontcouverte pour le remariage à Saint-Martin-la-Porte en 1708 de son épouse Claudine Opinel qui connaissait donc bien, comme le curé, son décès.

Immigrants

Trois arrivées sont signalées intervenues de façon récente. Il s'agit de celles de Jean Louis Lamontagne originaire de la région de Paris mais dont on ne connait pas la raison de venue à Fontcouverte et de Georges Belluard originaire de Saint Pancrace, tous deux mariés à Fontcouverte, et de celle de Georges Fay de Saint-Jean-d'Arves, valet chez le notaire Antoine Dompnier.

Le solde migratoire

Il apparaît donc pratiquement orienté vers la seule émigration.