Près de trois siècles et demis de vie à Fontcouverte
vus sous l'angle démographique

Après de grands efforts pour faire entrer les diverses archives paroissiales et municipales (état civil, recensements, consignes du sel...) dans une base de données informatique ainsi que pour établir les liens familiaux que les habitants de Fontcouverte établissent entre eux, l'envie est grande de nous poser quelques questions sur la vie des Fontcouvertins au cours des XVII^e, XVIII^e et XIX^e siècles.

Par exemple, peut-on rencontrer une Fontcouvertine de 80 ans au début du XVII^e siècle ? Y a-t-il beaucoup de « vieilles filles » ou de « vieux garçons » au XIX^e siècle ou à quel âge se marie-t-on ? Les mères ont-elles beaucoup d'enfants ? Combien de ces derniers meurent à la naissance et combien en reste-t-il à vivre avec leurs parents ? De qui sont constituées les groupes qui vivent sous un même toit ? Les liens de parenté des habitants des divers villages de Fontcouverte sont-ils étroits ? Les pauvres sont-ils nombreux et très miséreux ? Y a-t-il des riches ? Quels sont les moyens de subsistance ?

C'est effectivement chercher à en savoir un peu plus sur la vie des anciens de Fontcouverte quand les sources sont avares en informations très personnelles concernant les habitants. Ces préoccupations relèvent de la démographie mais aussi de l'ethnographie, de l'histoire et de bien d'autres sciences dont nous ne sommes pas vraiment spécialistes.

La démographie

Les démographes sont les spécialistes de l'étude des populations humaines dans leur dimension, leur structure et leur évolution dans le temps. Toutes ces recherches se font essentiellement d'un point de vue quantitatif dans l'anonymat des personnes constituant ces populations.

Pour cela, les démographes disposent de moyens puissants d'investigation tels les recensements de la population à l'occasion desquels ils peuvent poser les questions qui les préoccupent et les sondages qu'ils réalisent aux moments opportuns. Ils disposent également des statistiques que peuvent leur fournir les services de l'état civil.

Suivant les populations étudiées, ils ont accès à des informations abondantes et précises comme c'est le cas dans les pays développés. Mais il en est autrement dans des pays qui émergent seulement d'une époque où ces questions n'étaient pas, pour ceux-là, de première importance mais deviennent actuellement cruciales.

Aussi, devant l'abondance des informations, les démographes peuvent-ils être contraints de les regrouper, par années par exemple, ce qui peut nuire à une certaine finesse d'analyse. Par contre, ils peuvent faire appel à des méthodes de traitement statistique de toutes leurs données, méthodes souvent très « sophistiquées » ayant recours à un important arsenal mathématique.

Dans l'espace, les champs d'études des démographes embrassent généralement de grandes étendues : un département, un pays, un continent, le monde ce qui conduit à des nombres d'individus concernés très élevés.

Dans le temps, les démographes s'intéressent principalement aux populations actuelles ou récentes et projettent leurs conclusions sur les sociétés à venir. Quand ils abordent des sociétés anciennes - ce sont alors des historiens-démographes - ils rencontrent bien souvent les difficultés constatées avec les sociétés peu développées actuelles dans la mesure où ils ne disposent que d'informations souvent très imparfaites sans pouvoir interroger les personnes mortes depuis longtemps. Aussi, n'est-il pas très fréquent qu'ils s'intéressent aux siècles antérieurs au XVIII^e tant les archives de ces temps anciens sont souvent rebutantes.

La vie à Fontcouverte

Dans le temps des personnes nées à Fontcouverte du XVI^e au XIX^e siècle, le but de notre étude et les moyens disponibles sont assez différents. Il n'est pas question de déclencher un recensement au milieu du XVII^e siècle ou de faire une enquête rétrospective sur la façon dont on vit dans chaque maison. Il faut se contenter de ce que les émissaires locaux du Duc de Savoie, précurseur en la matière avant même la France, ont bien voulu nous transmettre dans des inventaires de la population réalisés dans des buts bien différents des nôtres. Mais les curés de la paroisse, puis les maires après 1861, nous ont transmis des milliers de pages où ils ont enregistré laborieusement les évènements marquants de la vie personnelle de chacun de leurs paroissiens ou concitoyens.

Alors, une fois organisée notre base de données, pourquoi ne pas jouer aux démographes ? Rien de plus simple que d'« intérroger » au milieu du XVII^e siècle une mère pour savoir combien elle a eu d'enfants, à quel âge et combien sont encore vivants à une date qui nous intéresse ! Le tout en quelques clics... ou presque, comme on dit souvent. En pratique, il vaut mieux maîtriser le langage SQL de la base de données comme l'enquêteur de l'époque doit sans doute le faire avec le patois ! Nos questions peuvent être aussi complexes que nous le souhaitons mais nous restons bien sûr limités aux seules informations que nous donnent les archives ce qui demeure souvent frustrant.

Dans l'espace, le champ d'étude, se limite à une seule paroisse, certes assez importante, dans les montagnes savoyardes. Le nombre d'évènements à interpréter est donc relativement très réduit, ce fait étant à garder à l'esprit dans les conclusions présentées avec une certitude très relative. Inversement, la localisation très étroite conduit à étudier une population plutôt homogène de cultivateurs et d'éleveurs partageant la même culture, tous de religion catholique, plus ou moins riches mais pratiquant la même activité… même le curé et le notaire ont des vaches !

Fontcouverte est largement protégé des mélanges de populations diverses  de la montage et de la vallée, de la campagne et de la ville, du Duché de Savoie et de la France, sans parler des Papistes et des Parpaillots qui ne partagent pas les mêmes archives. Ainsi, avons-nous peu tenu compte des hétérogénéités internes de la population de Fontcouverte.

Ce type d'approche monographique est parfois décriée dans la mesure où les problèmes démographiques ne peuvent y être vus qu'à travers une lorgnette au champ particulièrement étroit. Mais cet instrument procure un bon grossissement et apporte une certaine netteté ! C'est ainsi que les Fontcouvertins nous ont fait le plasir de beaucoup d'originalité. Leur caractère particulier mais aussi les conditions spécifiques de leur vie en font des êtres « à part ». A part, en tout cas, à voir les grandes études démographiques couvrant l'Europe occidentale, mêlant les grandes fermes du nord de la France et Paris, l'Angleterre et ses grandes villes très tôt industrialisées, l'Allemagne des côtes de la Frise aux montagnes bavaroises. Aurions-nous osé présenter nos résultats si nous avions connu ces études avant de nous mettre au travail ?

Respecter notre patrimone, c'est choisir de ne pas se perdre dans une homogénéisation, dans une moyenne de tout
où tout le monde se trouve mais où personne ne se reconnaît vraiment.
Un auteur dauphinois non identifié mais sensé.

Pour comprendre notre étude, il peut être utile de connaître les principes qui nous ont guidés et les limites sur lesquelles nous avons buté.

Plus de trois siècles d'évolution de la population de Fontcouverte

L'histoire que nous connaissons de Fontcouverte commence, au mieux, en 1561. La population est alors de 1 000 âmes. En 1876, près de la fin de notre étude, elle est de 1330 citoyens. Il nous faut comprendre cette évolution qui est surtout marquée par une remarquable stabilité entre 1700 (probablement même 1650) et 1900 à une valeur voisine de 1 300 Fontcouvertins. Comment les Foncouvertins ont-ils assuré cette stabilité ? Comment ont-ils pu cependant évoluer  ?

Un peu de démographie...

Pour avoir une chance de comprendre comment se passe la vie à Fontcouverte au cours des siècles, il faut bien au moins savoir comment chacun vit à son époque c'est-à-dire faire un peu de démographie pas toujours enthousiasmante mais bien utile. Comment nait-on, se marie-t-on ou meurt-on ? La réponse à ces questions implique d'étudier les divers flux qui se produisent dans la population. Cela peut être très utile et pourquoi pas intéressant.

Il nous faut initialement connaître comment interviennent toutes les naissances, c'est-à-dire la natalité au cours du temps, et donc les aptitudes des Fontcouvertines à la procréation.

Cependant, comme la quasi totalité des naissances se fait dans le cadre du mariage, il faut au préalable analyser comment se font les unions, ce qu'on appelle la nuptialité, et ceux qui restent célibataires.

Tous les Fontcouvertins devant mourir, nous devons encore étudier comment ils disparaissent et en particulier à quel âge et de quoi, c'est-à dire leur mortalité.

Enfin, à ces phénomènes démographiques, on doit ajouter celui des migrations qui fait disparaître des Fontcouvertins de leurs villages, c'est l'émigration, et celui de l'immigration qui, au contraire, apporte des « étrangers ».

Tous ces flux se superposent mais, en les démêlant, on peut espérer comprendre les fluctuations du volume de la population de Fontcouveret au cours du temps.

... et de la vie des Fontcouvertins

En s'éloignant des chiffres et des analyses « techniques » pour se rapprocher des Fontcouvertins eux-mêmes, une vision plus synthétique, en particulier au cours du temps, peut être exquissée.

Une ébauche de synthèse (qui pourrait être améliorée par des études plus détaillées ou complémentaires) portant sur des points intéressants est donc tentée. Elle porte par exemple sur le volume de la population mentionnée plus haut, sur la répartition de cette population sur le terrtoire de Fontcouverte, sur les structures familiales des nombreuses chaumières, les métiers exercés et les statuts sociaux rencontrés mais aussi sur les animaux élevés qui constituent l'essetiel de la richesse ou de la pauvreté de nos ancêtres.

Retour généalogique

Enfin, pour faire un lien entre la partie généalogique et celle démographique de nos textes, encore quelques informations sont données concernant les arbres généalogiques qui peuvent être élaborés à Fontcouverte avec quelques surprises quand on les envisage sur de nombreuses générations.