Fontcouverte
 

Trois siècles et demis de natalité à Fontcouverte

La natalité est, dans la dynamique d’une population, le phénomène démographique principal qui incorpore un être à cette population (un autre phénomène, tout à fait marginal à Fontcouverte, est l’immigration).

La naissance d’un enfant est, en général, le résultat d’un nombres de faits dont la probabilité de survenir est une évidence presque certaine mais aussi, le plus souvent, de nombreuses circonstances qui nous échappent et qui n’ont, chacune, qu’une probabilité faible, donnant à la naissance un caractère très aléatoire au point qu’on peut se demander pourquoi nous sommes sur terre… et pourtant, c’est sûr, nous y sommes !

Une femme, de loin la plus concernée par un tel événement, doit, en principe et généralement (du moins à Fontcouverte jusqu’au milieu du XIXe siècle), être mariée ; elle doit avoir une capacité reproductive qui dépend de ses caractéristiques physiologiques, variables suivant les personnes et avec l’âge, au moins pendant une certaine durée, elle aussi variable, de sa vie ; elle veut peut-être ne pas (ou ne plus) avoir d’enfant pour des raisons personnelles ou économiques ; elle désire ou non vouloir combler le décès précoce d’un enfant ou craindre les risques d’une maternité… sans parler de la présence des propres capacités, des désirs et des déplacements éventuels de son conjoint.

On doit encore considérer, au plan de l’analyse démographique, que la maternité n’est pour une femme

On imagine alors la difficulté de l’analyse de la natalité à Fontcouverte pendant plus de trois siècles au cours desquels tous ces paramètres risquent de changer.

Les archives d’état civil et leurs limites

Les archives de la cure

Nous parlons de naissances mais, pendant très longtemps, seuls les baptêmes sont enregistrés. Nous prenons alors la date de baptême pour date de naissance si cette dernière n’est pas précisée. Cette approximation est largement justifiée par la constatation que lorsque les deux dates sont précisées, l’écart est toujours très faible, variant de 0 à 1 jour pour ne pas dire seulement une nuit, et par l’importance que les Fontcouvertins donnent à un baptême immédiat quitte à faire prendre des risques au nouveau né en hiver pour aller jusqu’à l’église parfois bien lointaine.

Il arrive que le baptême soit administré sur place par l’accoucheuse ou une voisine dans le cas de risques de mort très rapide sans que les cérémonies complémentaires aient souvent le temps d’être administrées à l’église : les dates de naissance, baptême et décès sont alors les mêmes. Dans ces cas, il est souvent impossible de savoir si le nouveau « né » est mort ou vivant, ou même s’il s’agit d’un accouchement prématuré d’un enfant non viable, ces distinctions étant pourtant indispensables à certaines études démographiques (on ne connaît parfois pas même le sexe de l’enfant).

En 1696, une fille morte à la naissance ou peu après (?), baptisée à la maison et enterrée le lendemain

Enfin, on doit noter deux importantes lacunes des archives. La première concerne partiellement les années 1599 et 1601 et totalement l’année 1600. La seconde correspond à l’exil du Curé Ignace Roulet de mars 1793 à juillet 1796. Une récupération des baptêmes est entreprise par les Curés Joseph Coche et Jean Michel Roges entre 1806 et 1817 puis par le Curé Dominique Deschamps en 1822. Ces baptêmes ne concernent, sans doute, que les enfants encore vivants à l’époque de la récupération et ne mentionnent donc pas les enfants morts entre temps.

Sous sceau impérial et formulaire pré-imprimé, le 24 septembre 1862,
présentation à la mairie d'une fille née la veille, avec l'âge de ses deux parents

Les archives de la mairie

Les actes de naissance qui suivent le rattachement de la Savoie à la France sont toujours assez verbeux mais très généralement bien renseignés avec âges du père et de la mère. Lors de la présentation d'un enfant déclaré sans vie, le doute reste toujours sur la vie réelle de l'enfant à sa naissance. A titre anecdotique, on peut seulement noter que des Fontcouvertins n’ont pas compris que, devenant Français, il leur faut, en plus de l’église, passer à la mairie d’où, par exemple, une régularisation vingt ans plus tard pour enregistrer la naissance d'une mariée !

Les archives des naissances et des baptêmes sont-elles fiables ?

Généralement, les archives d’actes de naissance/baptême sont moins suspectées de lacunes ponctuelles que celles de décès/sépulture.

Si l’on peut se méfier des documents établis par les curés à destination de l’évêché, ceux disponibles à la cure sont relativement très sûrs, les curés ne manquant pas d’enregistrer l’arrivée d’un nouveau paroissien, ni les maires celle d'un jeune citoyen.

Une difficulté importante apparaît cependant pour des naissances qui, fortuitement ou logiquement, se produisent en dehors de Fontcouverte et n’apparaissent pas dans les registres. Ce phénomène peut se présenter avec les familles qui ont l’occasion de migrer temporairement ou définitivement, provoquant des lacunes gênantes dans les fratries. Il est également possible que des accouchements de mères célibataires se produisent en dehors de Fontcouverte ; pourtant nous n'avons pratiquement jamais rencontré le cas inverse avant le XIXe siècle.

Les contraintes sur les données

Une analyse de la natalité dans les diverses familles nécessite au moins la connaissance :

Un phénomène important est suceptible d'altèrer les analyses. Il s’agit des émigrations, particulièrement celles des hommes dont l’effet est :

Pour éviter les biais que ces phénomènes peuvent introduire dans les analyses on est amené à ajouter aux critères ci-dessus des familles disponibles, la connaissance du décès des parents. Il s'agit de la reconnaissance délicate des familles complètes.

Une difficulté supplémentaire apparaît lorsque des grossesses conduisent à des fausses couches plus ou moins précoces. Des trous se manifestent dans les fratries perturbant la constitution progressive des familles. Les archives ne les mentionnent pas si bien qu’il est difficile de les identifier et de connaître leur durée.

Des études particulières peuvent entraîner certaines contraintes supplémentaires. Au contraire d’autres sont moins contraignantes.

Le nombre des naissances au cours des siècles

Un simple graphique du nombre annuel des naissances/baptêmes (et leur moyenne mobile sur 20 ans) à Fontcouverte montre les variations importantes qu'a subi ce nombre dans le temps. Pourtant, le nombre des naissances est directement lié au nombre des couples reproducteurs lui-même en relation avec le volume lentement variable de la population.

Si l’on exclut les anomalies dues aux lacunes partielles ou totales des archives des années 1599 - 1601 et 1793 - 1796, on note un premier accroissement long et rapide des naissances de 1587 à 1650 environ, date à laquelle un plateau à 50 naissances annuelles est atteint. Un creux apparaît ensuite entre 1700 et 1800 avec un minimum de 40 naissances annuelles vers 1740 à une époque marquée par le fléchissement momentané du volume de la population. Enfin, à partir de 1800, la décroissance du nombre des naissances est continue jusqu’en 1900 où il tombe à moins de 30 (avant de s’effondrer par la suite quand le volume de la population se réduit et lorsque l'habitude peut se prendre d'accoucher à Saint-Jeau-de-Maurienne).

Ces variations sont à interpréter en fonction des circonstances de la vie à Fontcouverte, aléas parfois très variables en ce qui concerne les possibilités de procréation.

Quelques caractéristiques des nouveaux-nés et de leurs mères

L’étude des naissances peut porter sur les enfants qui sont les premiers concernés. Les démographes et les démographes-historiens produisent souvent des analyses poussées des naissances dites illégitimes c’est-à-dire hors mariage. Nous sacrifions à cette habitude de façon très succincte dans la mesure où ces naissances sont extrêmement rares à Fontcouverte, au moins jusqu'en fin de la première moitié du XIXe siècle. Le fait de ne pas en tenir compte par la suite n’aurait aucune importance statistique significative.

D'autres questions plus intéressantes peuvent encore se poser concernant les enfants. Nous en abordons quelques unes telles la proportion des garçons et des filles parmi les naissances relevées à Fontcouverte, la naissance de jumeaux ou encore la saisonnalité des naissances.

Tout autant concernées sont les mères. Aussi sont-elles largement étudiées de façon à connaître les circonstances dans lesquelles elles enfantent. Un sujet particulièrement abordé par les démographes consiste à étudier la fécondité des Fontcouvertines, tout spécialement en fonction de leur âge et l'évolution de cette fécondité au cours des siècles, en particulier à partir du moment où une certaine limitation volontaire des naissances commence à être pratiquée dans les campagnes françaises.

Quant aux pères, s’ils sont bien indispensables, leur analyse est rarement faite de façon détaillée. Nous nous contentons de vérifier leur présence à Fontcouverte pour trier les familles résidant sur place de celles partiellement ou totalement absentes après le mariage.