Fontcouverte
 

Recensement de la population de Fontcouverte de 1716

    

Le recensement de 1716, conservé dans les archives de la cure, est le premier que nous ayons retrouvé après le recensement de 1561. Victor Amédée II vient d’être fait roi par le traité d’Utrecht en 1713 et veut remettre en application, sur des bases saines, la gabelle du sel qui sera effective en 1720. C’est probablement cette décision qui est à l’origine d’un recensement en 1716, le volume de la population savoyarde servant d’assiette à l’impôt ayant certainement évolué depuis 1561.

La première page du recensement de 1716
L’ordre du 6 octobre 1716 est donc donné à la communauté de Fontcouverte par l’avocat Rol de « recenser toutes les personnes des familles et celles sous leur conduite suivant la forme de l’ordre » ; nous n'avons pas retrouvé l'ordre mais nous avons le résultat de son application.

Le recueil des informations dans les maisons est réalisé par le secrétaire de la communauté Jean Gilbert, assisté de Louis Chabert et de Claude Taravel « modernes syndics ». L’ordre est exécuté très rapidement entre le décès de Claudine Cuchet le 13 octobre, Claudine n’apparaissant pas dans le recensement, et le 22 octobre date à laquelle nait Sébastien Gilbert Collet mentionné dans le recensement. Pour nos calculs d'âges au recensement nous avons retenu la date du 15 octobre.

Le document que nous avons eu entre nos mains précise pour chaque maison les noms et prénoms des habitants ainsi que les relations familiales qu’ils entretiennent entre eux. Sont également mentionnés l’âge des personnes et, éventuellement, leur état de santé ainsi que leur état de pauvreté qui pourrait les dispenser de la taxe du sel. Un récapitulatif des pauvres et mendiants est fourni, distinguant les valides et les invalides, dans la mesure où ne sont pas soumis à la gabelle les personnes réputées pauvres n’ayant pas les moyens physiques de subvenir à leurs besoins.

On s’étonne de ne pas rencontrer le curé Jean Baptiste Favier qui est recensé, peut-être, au Chatel d’où il est originaire, ni son vicaire.

On retrouve enfin quelques professions dignes d’être mentionnées : un notaire, un notaire collégié, deux sergents royaux et plus simplement un soldat (Georges Chaudet), un maréchal... ferrant (son nom : Opinel déjà !) et une seule servante Urbaine Ancellin originaire de Fontcouverte.

Le terme de « famille » est utilisé comme unité de regroupement des personnes par le recensement. C'est lui que nous utilisons dans la suite.

Résultats numériques globaux

Nombre de « familles » : 290

Population

Recensés Présents Absents Majeurs présents Mineurs présents Totaux présents
Totaux 1287 1276 11 1132 144 1276
Nombre d'hommes 627 616 11 545 71 616
Nombre de femmes 660 660 0 587 73 650

Nombre moyen de personnes par « famille » : 4,4

Identification dans l'état civil des personnes recensées

Sur 1 287 personnes recensées, 1 254 ont pu être identifiées dans la structuration de la population soit 98 %. Sur 1 276 personnes recensées comme présentes à Fontcouverte, 1 243 ont pu être identifiées soit 97 %. Ces taux relativement très élevés pour le début du XVIIIe siècle sont dus, en particulier, aux informations concernant les âges. Ils traduisent en tout cas le fait que la structuration de la population à cette époque est bonne.

Contrôle des âges

La corrélation entre l’âge des personnes donné dans le recensement et celui calculable à partir de l’état civil donne une idée de la précision avec laquelle les Fontcouvertins connaissent leur âge ou celle avec laquelle le secrétaire prend ses notes. Des écarts de ± 10 ans se rencontrent mais la plupart ne dépassent pas cinq ans en valeur absolue. On peut noter une certaine attraction des âges finissant par 0 : beaucoup de personnes ont 40 ans alors que les âges de 39 et 41 ans sont rares. Certains écarts nous ont permis d’améliorer la structuration de la population.

Quant à Louis Sibué d’Alpettaz donné pour 98 ans, nous ne lui en trouvons que 69, âge conforme aux 70 ans de sa femme Jeanne Collet précisé par le recensement. Si les âges notés dans le dénombrement sont une aide précieuse pour l’identification des personnes dans des cas d’ambigüité, il faut être prudent dans leur usage !

Dans le détail et concernant les âges les plus faibles qui devraient être les mieux connus, le graphique des âges réels en fonctions des âges (révolus) du recensement confirme l’imprécision de ± 1 an, voire plus.

Les âges des enfants de moins de 1 an apparaissent logiquement alignés sur la bissectrice des axes ; ils correspondent aux âges exprimés en mois dans le recensement. Pour le reste, on peut donc s'attendre à obtenir un nombre inexact d'enfants par année d'âge à partir du recensement, anomalie qui s'estomperait dans la pyramide des âges pour la tranche globale 0 - 5 ans.

Estimation du nombre des mineurs de 5 ans

Le recensement de 1716 donne la liste de tous les enfants quel que soit leur âge et précise cet âge avec probablement une faible erreur qui peut cependant dépasser 1 an. Il paraît alors intéressant de contrôler dans quelle mesure la proportion des mineurs de 5 ans dans la population peut être estimée par une méthode applicable aux dénombrements ne permettant pas de calculer cette proportion, en particulier toutes les consignes du sel.

L'estimation de la proportion des mineurs de 5 ans dans la population totale par le recensement de 1716 conduit au nombre de 147 mineurs alors que le nombre donné par le recensement est de 144, valeur que nous retenons, la première pouvant être estimée par très léger excès. En tout cas, la méthode d'estimation est ici validée avec une précision suffisante pour nos études.

Proportion des mineurs de 5 ans dans la population totale

La proportion qui peut être calculée à partir des 144 mineurs s'élève à 11,3 % de la population de fait (1 276), ordre de grandeur voisin (voire un peu faible) de celui admis généralement en Maurienne pour l'époque.

Pyramides des âges

Il est possible d'établir différentes pyramides des âges des personnes présentes. Nous les donnons ci-dessous de façon à déterminer la méthode donnant la pyramide la plus vraisemblable.

Pyramide des âges à partir des âges donnés par le recensement.

Cette pyramide est réalisée à partir des âges mentionnés dans le recensement. Elle porte sur 1 253 personnes présentes dont l'âge est précisé (98 % des présents).

La grande majorité des personnes du recensement s'y trouvent mais avec des âges entâchés des erreurs que nous connaissons. Ce fait conduit à une certaine irrégularité dans les effectifs des tranches d'âge, en particulier pour les femmes.

Pyramide des âges à partir de la structuration de la population.

Elle porte sur les seules 1 239 personnes présentes qui ont pu être identifiées dans la structuration de la population et dont l'âge a pu être calculé à partir de leur date de naissance. La pyramide est alors amputée des personnes très peu nombreuses (3 %) qui n'ont pu être identifiées mais évite les erreurs d'âge du recensement.

La régularité de la forme de la pyramide est nettement affirmée, en particulier pour les femmes (ce seraient elles dont l'âge serait le moins bien connu par le secrétaire), forme tendant vers un profil triangulaire plus régulier.

Pyramide des âges à partir de la structuration de la population complétée par les âges donnés par le recensement.

La pyramide porte sur les 1 239 personnes correspondant à la pyramide précédente complétée par les 37 personnes mentionnées dans le recensement mais que nous n'avons pu identifier et pour lesquelles l'âge pris est celui donné dans le recensement. Toute la population recensée présente est prise en compte et une faible part est entachée des erreurs d'âge du recensement.

Il apparaît que les pyramides établies à partir de l’état civil et de la structuration de la population, bien que voisines de celle issue du recensement, sont moins soumises aux fluctuations des tranches d’âge. On retiendra la troisième solution comme étant la meilleure après vérification que la part des personnes non identifiées reste relativement faible.

Quelle que soit la solution retenue, la pyramide avec son profil triangulaire correspond à une population de type ancien caractérisé par une forte natalité et corrélativement une forte mortalité, peu de personnes dépassant l'âge de 70 ans. On note cependant un déficit en hommes dans les âges intermédiaires (20 à 30 ans) comparativement aux femmes. Enfin, l'effectif de la tranche 5 - 10 ans des hommes apparaît anormalement réduite.

Pauvreté déclarée dans le recensement

Début de la liste des pauvres de la paroisse de Fontcouverte
19 « familles » sont déclarées comporter au moins un pauvre. Il est difficile d’interpréter qui se rapporte à cet qualificatif. Si l’on admet, comme il est probable, que toute la « famille » est pauvre dès que le qualificatif est porté sur au moins une personne, on peut estimé que le nombre de ces personnes est de 60 (il se peut cependant qu'une famille ait recueilli une personne en état de pauvreté et plus ou moins proche du chef). Parmi ces indigents, on ne retrouve que 12 valides et 16 invalides dans le récapitulatif final qui ne rapporterait que les cas les plus dramatiques relevant des aumônes de la communauté. Il y aurait approximativement 5 % de la population caractérisés comme pauvre.

Quant aux mendiants, 2 sont précisés dans la liste des personnes alors qu’on en retrouve 20 dans le tableau final. 1,5 % de la population seraient donc officiellement des mendiants.

Etat de santé de la population

Une famille bien accablée...

63 « familles » présentent au moins un problème soit 22 % :

Il est difficile, à la vue des informations données, de distinguer les problèmes d’infirmité dus à des accidents de ceux qui pourraient être acquis dès la naissance. Un estropié pourrait avoir été accidenté alors qu’un bossu ou un infirme des deux yeux serait invalide dès sa naissance.

Par contre le crétinisme est certainement, dans la grande majorité des cas, une tare de naissance pouvant atteindre un ou plusieurs enfants de la même famille (nous ne savons pas si la mère était atteinte de goîtrie).

Structure des « familles »

Les relations qu’entretiennent entre eux les membres d’un groupe de Fontcouvertins mentionné dans le recensement conduisent à différents types de familles si les liens sont biologiques, aux ménages s'il apparait de plus des liens de simple cohabitation et aux maisonnées si plusieurs ménages habitent sous le même toit.

Les familles

Elles peuvent être distinguées suivant la classification de Peter Laslett :

  1. Solitaires
  2. Sans famille
  3. Familles simples ou nucléaires
  4. Familles élargies
  5. Familles multiples
  6. Indéterminés

Dans les lignes qui suivent, les petits logos affichés pour chaque type de famille ne sont qu'un exemple parmi bien d'autres configurations possibles.

Par ordre décroissant de fréquence on rencontre les types de familles suivants.

Les familles simples ou nucléaires (type 3)

Il s’agit de couples mariés avec le plus souvent leurs enfants

Avec 60 % des « familles » et 59 % des personnes, c’est le type largement le plus répandu.

Dans 72 % des cas les deux époux du couple sont vivants (type 3a et 3b). La grande majorité d’entre eux ont avec eux leurs enfants. Les autres sont sans enfants et il s’agit alors

Globalement, on constate donc :

Les familles multiples (type 5)

Représentant 16 % des « familles » et 26 % des personnes, ce sont des familles simples complétées par un ou plusieurs couples :

On peut y ajouter quelques rares familles répertoriées dans les types 3a et 3b complétées par des enfants adoptés ou des personnes étrangères à la famille (3 « familles »).

Parmi les 42 familles de type 5b il est possible d'analyser quel(s) enfant(s) marié(s) reste(nt) avec leurs parents :

Les 39 chefs vivant avec leurs fils, brues et éventuellement petits enfants permettent de constater :

Les filles mariées n'apparaissant qu'exceptionnellement. On est porté à penser que c'est le fils ainé vivant qui restera dans la maison de ses parents. Il n'est cependant pas possible d'être catégorique dans le cas de 1716 dans la mesure où de nombreuses familles marient leurs fils dans l'ordre chronologique des naissances : le fils ainé marié est très souvent accompagné de frères cadets célibataires qui se marieront ensuite sans qu'on en connaisse le devenir. En tout cas, les sœurs plus âgées ou plus jeunes n'auront de chance de rester avec leurs parents que si elles n'ont pas de frères.

Les solitaires (type 1)

Ces familles sont constitués de personnes isolées et représentent 11 % des « familles » et 3 %. des personnes.

Les sans famille (type 2)

Représentant 7 % des « familles » et 4 % des personnes, ils sont constitués de frères et sœurs non mariés et sans leurs parents : jeunes, voire très jeunes ou plus âgés restés célibataires.

Les familles élargies (type 4)

Avec moins de 6 % des « familles » et 8 % des personnes, ces groupes sont constitués d’une famille simple de type 3 ayant accueilli un ou plusieurs parents plus ou moins proches du chef ou de son épouse :

Ainsi, vit-on plutôt chacun chez soi en 1716 que l’on soit isolé ou avec sa femme et ses enfants. Seuls les probables futurs héritiers de la maison restent, bien que mariés, avec leurs vieux parents pour assurer l’avenir, les autres enfants quittant la maison en se mariant, en trouvant un toit pour se regrouper ou en émigrant.

Les ménages

Il s'agit de « familles » hébergeant une ou plusieurs personnes ne faisant pas partie de la famille biologique : personnes « étrangères », en particulier le personnel de service. 10 « familles » ajoutent ainsi 11 personnes à leur effectif propre.

Les maisonnées

A un niveau supérieur de complexité se trouvent des ménages, à chaque fois jamais plus de deux en 1716, qui résident sous le même toit constituant alors une maisonnée.

Dans le recensement chaque « famille » est précédée d’un numéro qui pourrait indiquer une maison. On constate en effet cinq occurrences de deux « familles » portant le même numéro de maison (il n’y a pas lieu de tenir compte des erreurs de numérotations commises par le secrétaire pour les maisons notées 159 à 171 et 186 à 188 qui sont en fait 259 à 271 et 286 à 288). S'il ne s'agit pas d'erreurs du recenseur, il pourrait alors s'agir de maisonnées.

A titre de curiosité nous avons recherché les liens pouvant exister entre les « familles » d’une même maisonnée.

La maison 18 comporte deux « familles », celle d'Urbain Dompnier et celle de Fœlix Bonnivard. Ces deux « familles » ne semblent entretenir aucun lien de parenté proche.

La maison 154 abrite les « familles » de Michel Gilbert Collet et de Jean Collet. Leur éventuelle parenté ne peut être rigoureusement déterminée par la structuration de la population. Cependant, l’échange à plusieurs reprises de parrains et marraines des enfants pousserait à penser qu’il s’agit de cousins.

Dans la maison 192, aucun indice de parenté n’a pu être établi entre Françoise Dompnier, célibataire de 28 ans, et les membres de la « famille » de Louis Claraz.

La maison 227 abrite d’une part Jean Baptiste Vincent dont la mère est Catherine Boisson et d’autre part Urbaine veuve de Jean Baptiste Boisson. Malheureusement l’abondance des Jean Baptiste Boisson à l’époque ne permet que des rapprochements incertains bien que possibles.

...comme à l'Alpettaz bien plus tard encore !
Georges Boisson de la maison 257 n’a pas laissé de traces dans les archive en dehors de son baptême où son parrain est un Georges Sibué d’Alpettaz. Dans la même maison vit la famille de Jean Baptiste Sibué d’Alpettaz (encore des noms et prénoms qui prêtent à toutes les confusions). Y a-t-il un lien de parenté entre les deux « familles » ?

Quoiqu’il en soit et bien que le nombre de « familles » à Fontcouverte soit important, les maisons abritant plus d’une « famille » en 1716 sont très rares : 5 sur 286 maisons distinctes. Et n’abritent-elles dans trois des cas qu’une seconde « familles » constituée d’une seule personne. Les Fontcouvertins ne sont peut-être pas adeptes de la cohabitation mais l’exigüité de la plupart des maisons ne doit pas, non plus, les y pousser...

Volume des « familles »

Le volume moyen des « familles » de 4,4 personnes est très voisin de ce que l'on rencontre dans la France rurale du début du XVIIIe siècle. Il est particulièrement simple à calculer à partit du volume de la population et du nombre des « familles », données facilement accessibles sans rentrer dans le détail du dénombrement (à l'exeption près de la recherche des absents), mais il ne présente que très peu d’intérêt dans la mesure où ce volume varie en fait de 1 à 15.

Une meilleure idée est donnée par l’analyse de la proportion des « familles » ayant un nombre donné de membres.

Près des deux tiers des « familles » (72 %) comportent, de façon assez uniforme, un nombre de personnes compris entre 2 et 6 avec une fréquence maximale pour 3 personnes. Le nombre de « familles » décroît rapidement à partir de 7 personnes pour s'effondrer dans une suite ne représentant pratiquement plus que des exceptions.

Une analyse plus détaillée des fréquences ci-dessus peut être faite en tenant compte des types de familles quand ce dernier paramètre a pu être utilisé. Elle permet de constater la relation qui lie logiquement ces deux caractéristiques :

Une « famille » de 3 personnes comporte une famille de solitaire ! Il s'agit d'un ménage constitué d'un solitaire hébergeant deux personnes étrangères.

Les familles de type 2 correspondent à des frères et sœurs vivant ensemble sans leurs parents. On trouve ainsi deux fratries de 6 membres chacunes qui sont en fait des familles (sans doute de type 3) dont le dernier parent est mort de façon récente, voire très récente ; la famille n'a pas eu le temps, la possibilité ou le souhait d'éclater.

On doit noter que les familles simples constitués de N personnes ne comportent que N - 2 enfants, si les parents sont vivants et N - 1 enfants dans le cas de parents veufs. La grande majorité de ces familles n'a donc que 1 à 5 enfants ce qui est loin du nombre des naissances qu'elles ont données.

On peut encore déterminer le nombre de personnes de la population vivant dans des « familles » de taille donnée.

Le graphique se déduit simplement des graphiques précédents dont les effectifs sont pondérés par le nombre correspondant de personnes. On peut ainsi constater que près des deux tiers (73 %) de la population vivent dans des « familles » de 3 à 7 personnes, 9 % dans des « familles » de plus de 8 personnes et 8 % dans des « familles » de 1 ou 2 personnes seulement.

Il est alors clair que la population de Foncouverte de 1716 est répartie dans de nombreuses « familles » généralement de taille assez réduite, comprenant typiquement un couple, ses 2 ou 3 enfants et, parfois, une mère veuve.