Fontcouverte
 

Dénombrement de la population de 1876

    

En l’absence d’archives à la mairie de la commune de Fontcouverte, nous avons exploité la version du recensement de 1876 des Archives départementales de Savoie. Il s’agit du premier des recensements quinquennaux disponible depuis le rattachement à la France de 1860. Il est établi dans un but et avec des caractéristiques très différents de ceux des dénombrement savoyards. Les comparaisons entre ces deux périodes sont à faire avec prudence.

Il a été réalisé et publié en décembre 1876 par le maire Clément Dompnier. Nous avons retenu la date du 15 décembre 1876 pour le calcul des âges au moment du recensement.

Première page du recensement de 1876
avec ses consignes

Le document est sobre dans son formalisme mais sa première page porte les consignes précises sur les personnes à recenser et celles à exclure. Pour ce qui concerne particulièrement Fontcouverte :

Cela conduit à une définition correcte de la population de fait à la nuance près que des personnes recensées ayant une habitation à Fontcouverte pourraient ne pas y résider réellement. A noter également que les étudiants ne sont pas comptabilisés contrairement à notre habitude à l'époque de la Savoie.

Pour chaque individu recensé on trouve les informations suivantes :

Le terme de « ménage » est utilisé par le recensement pour le regroupement des personnes. C'est lui qui nous retenons dans la suite.

Erreurs, doutes et difficultés

L’état est généralement très bien renseigné permettant une étude détaillée de certaines conditions de vie de l’époque.

On constate cependant un certain nombre d’erreurs de natures diverses : prénom et sexe de personnes, imputation d'une information à la mauvaise colonne, découpage défectueux de certains « ménages »...

On peut noter comme exemple  ;

L’écriture des chiffres, en particulier pour les âges, est parfois difficile à interpréter (confusion possible entre les chiffres 2, 3, 8 et 9 et entre 0 et 1) ; cependant, la structuration de la population lève la plupart du temps les ambiguïtés.

Mais d'importantes erreurs apparaissent dans les tableaux récapitulatifs où les nombres des maisons, des « ménages » et surtout de la population sont grossièrement faux. Un calcul détaillé de la population en 1876 en confirme les existences et en précise les origines.

Pour une analyse numérique du document, toutes les erreurs qui peuvent être corrigées de façon certaine le sont dans la base numérique mais non dans la transcription informatique du recensement qui reste conforme à l'original.

Bien que de rédaction relativement récente, l'exemple de Fontcouverte en 1876 est trop caractéristique, pour ne pas justifier ici :

Il est très probable que le préposé aux statistiques de la Préfecture de Chambéry n'a pas contrôlé en 1877 si Alexis Dominjon vivait dans la maison 45 de la Rochette ou dans la maison 46 ni si les habitants de la Roche Charvin, de Combe Bérard et de la Brévière avaient été omis et si les habitants de Tillerèche avaient pas été comptés deux fois. Quant au Préfet, s'arrêtant certainement au seul chiffre de la population totale de son département, il a dû espérer que d'autres communes se tromperaient tout autant, la loi des grands nombres assurant une compensation départementale ! Que penser alors des documents officiels répandus après leur impression et traités à Paris par les statisticiens de l'INSEE de l'époque ?

Résultats globaux

Après analyse détaillée des personnes recensées et de leur regroupement nous retenons les valeurs suivantes.

Nombre de maisons : 266

Nombre de « ménages » : 274

Population

Célibataires Mariés Veufs Totaux
Hommes 414 168 37 619
Femmes 492 170 50 712
Totaux 906 338 87 1331

Des personnes possédant une habitation à Fontcouverte mais n'y résidant pas pourraient fausser le volume de la population à la hausse.

7 enfants en nourrice sont inclus réglementairement dans la population de fait mais il s’agit d’une « importation » dissymétrique dans la mesure où il est peu probable que de jeunes Fontcouvertins soient en nourrice hors de la commune. Ils seraient à éliminer par comparaison avec les anciens dénombrements.

On doit noter le net déséquilibre entre hommes et femmes (93 femmes de plus que les hommes) à une période où les naissances des deux sexes sont en nombres voisins (de 1840 à 1876) et même légèrement favorables aux hommes (de 1800 à 1840). Cet écart provient :

Nombre moyen de personnes par « ménage » : 4,9

Identification dans l’état civil des personnes recensées

La bonne qualité des informations des registres d’état civil au XIXe siècle et celle du recensement permettent une identification très satisfaisante des personnes recensées.

Parmis les personnes qui n'ont pu être identifiées on doit distinguer :

Ce serait donc 98,5 % des personnes identifiables qui seraient identifiées.

Contrôle des âges

La corrélation entre les âges donnés par le recensement et ceux déductibles de l’état civil est relativement étroite comparativement aux documents de la même nature mais plus anciens : les personnes connaissent leur âge avec une imprécision ne dépassant pas, dans la plupart des cas, ± 2 ans même pour les âges avancés de personnes nées au début du siècle voire à la fin du XVIIIe siècle.

Des écarts pouvant atteindre 5 ans en valeur absolue se rencontrent cependant à tous les âges traduisant probablement des erreurs de recensement et de transcription ou des difficultés de lecture des âges que nous avons souvent rencontrées. Quelques rares écarts atteignant 10 ans ne sont très probablement pas issues d’erreurs dans la structuration de la population mais d'erreurs d'écriture du recenseur.

Dans le détail et concernant les âges les plus faibles, le graphique des âges réels en fonctions des âges du recensement confirme l’imprécision de ± 1 an mais on constate également que l’âge donné au recensement n’est pas, contrairement aux habitudes, un âge en années révolues. Il s’agit plutôt d’un âge arrondi à 6 mois près ou plus. Cette imprécision fait que le nombre d’enfants d’âge révolu donné n’est calculable qu’à partir de l’état civil (voir les conséquences dans ces calculs d’effectif ci-dessous).

Le point le plus aberrant du graphique provient d'une erreur du recenseur qui a permuté les âges de deux frère et soeur Clémentine et Clément Rossat.

Proportion des mineurs de 5 ans dans la population totale

La distinction des mineurs de 5 ans ne présente plus d'intérêt du point de vue fical. Elle est faite cependant pour contrôler le volume de cette tranche de la population et pour pousuivre dans le temps la connaissance de cette proportion utile dans les dénombrements antérieurs.

Le recensement donne 134 enfants ayant moins de 5 ans. L'estimation du nombre des mineurs de 5 ans en donne 131. L’écart est très faible mais ne résulte que du hasard du découpage en années globalisé sur 5 ans.

Ages 0 an 1 an 2 an 3 an 4 an Totaux
d'après le recensement 5 34 35 29 31 134
d'après l'état civil 29 26 26 36 24 131

Les nombres obtenus à partir de l’état civil sont nettement plus plausibles.

La proportion des enfants de moins de 5 ans rapportée au total de la population s’établit à 9,8%. Comparée aux 11 - 12 % des dénombrements du XVIIIe siècle, voire aux 15,6 % de 1561, cette valeur traduit le vieillissement de la population, marqué par le nombre des habitants âgés de plus de 65 ans et peut-être dû à une diminution de la fécondité générale moyenne des Fontcouvertines, en particulier du fait de leur célibat définitif important et d'un début possible de limitation des naissances.

Pyramide des âges

La pyramide est établie à partir des âges donnés par l'état civil et la structuration de la population complétés par ceux donnés par le recensement pour les rares personnes non identifiées dans ce document (1,5 %).

On constate une grande régularité de la pyramide, en particulier pour les femmes, malgré le volume plutôt restreint de la population et une répartition pyramidale classique des populations traditionnelles anciennes.

Cependant, on note les particularités suivantes :

Pauvreté déclarée dans le recensement

Le recensement ne signale aucun pauvre mais cependant deux mendiants. La proportion des miséreux aurait-elle diminuée au XIXe siècle ou les critères administratifs de choix auraient-ils varié après le rattachement à la France ?

Etat sanitaire de la population

Sont mentionnés :

Avec 0,8 % de la population le crétinisme serait en nette régression depuis 1716. Ce fait serait en complète contradiction avec les statistiques régionales et ce qu'on en dit à Fontcouverte.

Répartition des maisons, des « ménages » et de la population dans les hameaux

Le recenseur donne avec beaucoup de détails (et quelques erreurs) les hameaux où vivent les « ménages ».

La population de 1 331 habitants s'établit en 274 « ménages » dans 266 maisons différentes réparties dans 25 hameaux.

Sur la carte ci-contre les cercles orange ont une surface proportionnelle à la population de chaque hameau.

En glissant la souris au centre de chaque cercle il apparait sur la carte le nom du hameau, le nombre de ses maisons, celui de ses « ménages » ainsi que sa population.

Le cercle orange en dehors du territoire de la commune correspond à la rubrique « Maisons éparses » du recensement.

Trois zones apparaissent de superficies équivalentes.

Les alpages au dessus de la Toussuire à plus de 1 400 mètres d'altitude ne sont pas habités de façon permanente.

Le gros de la population, soit 83 %, s'étale sur le versant en pente vers l'Arvan situé au nord du Merderet sous les alpages de la Toussuire. Le hameau de la Rochette, sans doute pris au sens large avec Pré sous Marin et Vers le Rieu, comporte à lui seul 17 % des habitants de la commune. Si l'on ajoute le hameau du Chef Lieu (12 %), on rassemble près du tiers des Fontcouvertins.

La population située au sud du Merderet, principamement Charvin, soit 5 % seulement, mais aussi Combérard (3 %), La Brévière (4 %), les deux hameaux des Rosay (3 %) ainsi que La Roche Charvin avec ses 15 habitants bien isolés, ne retient que 17 % des habitants de Fontcouverte.

Accessoirement les hameaux qui vivent de l'énergie de l'Arvan, du Plan des Rois au Tillerey, retiennent 4 % de la population.

Structure des « ménages »

Les relations qu’entretiennent entre eux les membres d’un groupe de Fontcouvertins mentionné dans le recensement conduisent à différents types de familles si les liens sont biologiques, aux ménages s'il apparait de plus des liens de simple cohabitation et aux maisonnées si plusieurs « ménages » habitent sous le même toit.

Les familles

Le recensement de 1876 où l’on rencontre des « ménages » à structure presque indescriptible ne permet qu'un usage difficile de la typologie des familles définie par Peter Laslett. Où ranger un veuf qui cohabite avec deux de ses fils mariés avec enfants, une fille célibataire et son fils « naturel » mais héberge de plus sa vieille mère, deux de ses sœurs célibataires et deux neveux qu’il a en tutelle sans compter une servante ?

Si l’année 1876 est caractérisée par ces multiplications et ces élargissements, toutes les difficultés qui en découlent et les incertitudes qu’elles engendrent ne sont pas susceptibles de modifier sensiblement la proportion du total des familles de types 4 et 5 par opposition aux familles simples de type 3.

Il n'a pas été tenu compte des 7 enfants en nourrice pour la détermination des codes de Laslett.

On doit enfin porter attention à l'effet de multiplication par le secrétaire des ménages pouvant atteindre les familles de type 5 ou, encore, engendrer des maisonnées.

Suivant la classification de Peter Laslett on distingue les catégories suivantes :

  1. solitaires
  2. sans famille
  3. familles simples ou nucléaires
  4. familles élargies
  5. familles multiples
  6. indéterminés

Dans les lignes qui suivent, les petits logos affichés pour chaque type de famille ne sont qu'un exemple parmi bien d'autres configurations possibles.

Par ordre décroissant de fréquence on rencontre les types de familles suivants.

Les familles simples ou nucléaires (type 3)

Il s’agit de couples mariés avec le plus souvent leurs enfants.

Avec 51 % des « ménages » et 52 % des personnes, c’est le type largement majoritaire. Il est en proportion stable par rapport à 1789.

Dans 68 % des cas les deux époux du couple sont vivants (type 3a et 3b). La grande majorité d’entre eux (91 %) ont avec eux leurs enfants. Les autres (9 %) sont sans enfants et il s’agit alors

Cette catégorie des couples sans enfants est relativement très réduite.

Dans les couples dont un membre est mort, on trouve à peine plus de veuves (17 %) que de veufs (13 %).

Globalement, on constate donc :

Les familles élargies (type 4)

Elles sont constituées d’une famille simple de type 3 ayant accueilli un ou plusieurs parents plus ou moins proches du chef de « ménages » ou de son épouse.

Avec 17 % du total des « ménages » et 23 % des personnes, elles sont en nombre relativement élevé.

Ces extensions se font dans  :

L'abondance des familles élargies et la proportion relative importante des élargissements vers les frères et soeurs traduit celle des célibataires.

Les familles multiples (type 5)

Il s'agit de familles simples auquelles s'ajoute au moins un enfant formant un couple marié.

Avec 11 % des « ménages » et 16 % des personnes, les familles multiples représentent une part relativement faible des familles.

En gros, 74 % de ces familles sont du type 5b c'est à dire que la multiplicité se fait vers des enfants mariés avec leurs propres enfants. 13 % correspondent à une co-résidence de plusieurs frères ou soeurs mariés vivant sans leurs parents. 13 % sont des cas superposant des élargissements à la multiplication.

Les « sans famille » (type 2)

Avec 11 % des « ménages » et 6 % des personnes, ils représentent une part non négligeable de la population, proportion nettement supérieure à celle des époques précédentes et en relation avec l'accroissement du nombre des célibataires.

Ils sont constitués de frères et sœurs célibataires vivant sans leurs parents dans 73 % des cas ou accompagnés d'autres membres célibataires de leur famille dans les 27 % restants.

Les solitaires (type 1)

Ce groupe est constitué de personnes isolées représentent 9 % des « ménages » mais seulement 2 % des personnes.

Il s'agit de célibataires dans 85 % des cas, les 15 % restants concernant pratiquement tous des veuves.

Ainsi, dans la population de 1876, le point le plus marquant est, sans conteste, le grand développement du nombre des célibataires en âge de se marier ou plus âgés se retrouvant dans tous les type de familles (dans les familles de type 3 se retrouve principalement des enfants relativement jeunes).

Les ménages

Il s'agit de familles hebergeant une ou plusieurs personnes ne faisant pas partie de la famille : personnes « étrangères », personnel de service. On compte 24 de ces personnes réparties dans 20 « ménages » dont 10 domestiques employés dans 9 « ménages ».

Les maisonnées

A un niveau supérieur de complexité on trouve 6 maisons habritant chacune deux « ménages » sous le même toit.

Ces faits se constatent dans le recensement lorsque un numéro de maison donne lieu à deux numéros de « ménages ». Compte tenu des erreurs constatées dans la liste nominative, ce chiffre de 6 n'est pas absolument certain. L'ordre de grandeur est cependant plausible et paraît relativement faible à une époque de surpeuplement constaté par ailleurs.

Au chef-lieu, Angélique Covarel veuve avec ses trois fils lourdement handicapés abrite sous son toit Joseph Graneris immigrant italien, maréchal ferrand de son état. Au même hameau, Philippe Sibué, veuf depuis trois ans, ancien émigré revenu à Fontcouverte pour y vivre avec sa fille Marie Gabrielle née dans l'Aube, partage la maison avec François Marie Gilbert, sa femme Marie Mélanie et leur fils Pierre Clément. Aucun lien de parenté proche n'apparait.

A l'Alpettaz, Françoise Chabert veuve avec ses trois enfants héberge le journalier célibataire Jean Pierre Rossat. Aucune parenté ne semble lier ces deux personnes.

Au Villard, c'est Félix Gilbert avec sa femme Jeanne Baptiste Michel, ses 7 enfants et son frère vieux garçon qui partage son toit avec deux de ses sœurs célibataires.

Au Suel, deux filles célibataires et sans parenté apparente Marie Clémentine Dompnier journalière et Thérese Sibué, d'âge bien différent, partagent la même maison.

A Charvin, François Thorain, veuf avec ses enfants et petits enfants, a le même toit que Claudine Gravier célibataire et journalière.

Dans une maison isolée, Pierre Miquet, sa femme Jeanne Marie Lambert et ses deux enfants cohabitent avec Claudine Sibué, la vieille mère veuve de Pierre associée à Marie Marguerite, la sœur de Pierre .

Il semble que l'abondance des célibataires soit la justification de ces maisonnées. S'il peut apparaître des liens de parenté très proches entre co-résidents (frères, sœurs ou mères), ces célibataires peuvent aussi trouver assez facilement une petite place sous un toit déjà occupé en particulier par une veuve ou un veuf sans que des liens de parenté étroite soient nécessaires... mais tout le monde est un peu de la même famille à Fontcouverte.

Volume des « ménages »

Le volume moyen des « ménages » est de 4,9. Paradoxalement, il apparaît en nette diminution par rapport à la consigne du sel en 1789. Ce fait pourait être simplement dû au nombre élevé de « ménages » du recensement de 1876, le recenseur ayant assuré un découpage des « ménages » plus détaillé que celui des dénombrements antérieurs (les « ménages » des maisonnées de 1876 auraient été probablement regroupées en un seul « ménage » en 1789).

L’analyse plus précise de la fréquence des tailles des « ménages » montre que :

En tenant compte des types de familles, le trait le plus frappant est l'abondance :

A l'opposé, les familles élargies et multiples marquent peu de changements significatifs par rapport à 1789 si l'on considère l'éclatement des « ménages » par le recenseur de 1876.

On peut encore déterminer le nombre de personnes de la population vivant dans des « ménages » de taille donnée.

Le graphique se déduit simplement des graphiques précédents dans lesquels les effectifs sont pondérés par le nombre correspondant de personnes.

On constate que 60 % de la population vivent dans des « ménages » de 5 à 8 personnes, un quart dans ceux de moins de 5 personnes et 14 % dans ceux de plus de 8.

Globalement et avec la difficulté d'interpréter les familles multiples et élargies, l'année 1876 semble marquer, par rapport 1789, un très net accroissement des familles de type 2 regroupant des célibataires et par le developpement des familes d'isolés.

Nombre d'enfants dans les familles simples (type 3)

L'analyse de la fréquence du nombre d'enfants par « ménages » n'est réalisée que pour les familles simples, les familles élargies et multiples étant plus complexes à interpréter dans la mesure où interviennent des enfants de plusieurs générations.

Sans changement notable par rapport à 1789, les enfants sont donc assez peu nombreux dans ces familles simples qui représentent la moitié du peuplement de Fontcouverte.

Les familles multiples feraient apparaître d'assez nombreux enfants célibataires relativement âgés, frères et soeurs d'enfants mariés.