Fontcouverte
 

Dénombrement de la population de 1886

    

En l’absence d’archives à la mairie de la commune de Fontcouverte, nous avons exploité la version du recensement de 1886 des Archives départementales de Savoie. Il s’agit du troisième des recensements quinquennaux disponibles depuis le rattachement à la France de 1860. Il est établi dans un but et avec des caractéristiques très différents de ceux des dénombrement savoyards. Les comparaisons entre ces deux périodes sont à faire avec prudence.

Il est daté du 20 juin 1886 par le maire S. Bouttaz (Saturnin Bouttaz est connu comme maire à cette date) mais a été rédigé par le secrétaire de mairie Jean Baptiste Bouttaz peu de temps avant le 12 juin. Nous avons retenu la date du 15 juin 1886 pour le calcul des âges au moment du recensement.

Le document est sobre dans son formalisme mais sa première page porte les consignes précises sur les personnes à recenser et celles à exclure. Pour ce qui concerne particulièrement Fontcouverte :

Ces consignes sont identiques à celles du recensement de 1876.

Cela conduit à une définition correcte de la population de fait à la nuance près que des personnes recensées ayant une habitation à Fontcouverte pourraient ne pas y résider réellement. A noter également que les étudiants ne sont pas comptabilisés contrairement à notre habitude à l'époque de la Savoie.

Pour chaque individu recensé on trouve les informations suivantes :

Le terme de « ménage » est utilisé par le recensement pour le regroupement des personnes (rarement il s'agit de famille). C'est lui qui nous retenons dans la suite.

Le tableau récapitulatif par hameaux
...pas très exact !

Quelques erreurs et difficultés

L’état est généralement très bien renseigné.

On constate cependant un certain nombre d’erreurs de natures diverses et classiques : prénom et sexe de personnes, imputation d'une information à la mauvaise colonne... En particulier les prénoms du recensement sont assez souvent différents de ceux de l'état civil : il s'agit des prénoms d'usage s'écartant parfois largement des prénoms officiels.

Les informations sur le statut matrimonial manquent dans la première page.

Le découpage dans les maisons et la mumérotation des « ménages » ne respectent pas les consignes données par l'administration (dans les maisons compremeant plus d'un « ménage » seul le rang du dernièr « ménage » est précisé ce qui conduit à des doutes de découpage). Quelques « ménages » comportant une seule personne sont fusionnés avec leur voisin de liste. Des « ménages » omis sont repris en cours ou en fin de recensement, 4 personnes omises sont ajoutées en fin de recensement avec un renvoi au corps du recensement parfois faux et des informations manquantes.

Des erreurs apparaissent dans les tableaux récapitulatifs. Nous n'avons pas traité le tableau des totaux par page qui ne présente pas d'intérêt. Celui plus utile aux contrôles des effectifs par hameau montre que le document final est une recopie de pages de travail. Les totaux sont plutôt corrects, mais les diverses lignes peuvent être fausses. Il s'agit en particulier de la répartition des 24 personnes omises qui n'a été faite que pour un « ménage » de 12 personnes de Charvin mais les personnes d'un « ménage » de la Brévière ont été reportées dans le hameau des Pales. Quant aux personnes isolées de fin de liste elles ont été simplement ignorées... mais le total est presque juste : 1 267 personnes pour 1 266 probablement en réalitée !

Résultats globaux

Après analyse détaillée des personnes recensées, de leur regroupement et en tenant compte des erreurs nous retenons les valeurs suivantes.

Nombre de maisons : 259

Nombre de « ménages » : 264 (en toute rigueur, il faudrait en ajouter quelques uns si le recenseur était cohérent dans son travail ; nous n'en avons pas tenu compte).

Population

Garçons Filles Hommes mariés Femmes mariés Veufs Veuves Total
383 485 159 161 29 49 1266

Des personnes possédant une habitation à Fontcouverte mais n'y résidant pas pourraient être recensées à en croire les directives administratives faussant la population de fait à la hausse. Il semble que ce ne soit pas le cas en 1886.

Quatre écolier et étudiants sont comptabilisés contrairement à la règle. S'ils font leurs études à Saint-Jean, ils sont pensionnaires au Chef Lieu. Ils doivent probablement rentrer à la maison en fin de semaine, jouer avec leurs copains du village et ne pas être recensés ailleurs. Nous les acceptons comme résidents dans notre population de fait !

On peut noter  ;

Nombre moyen de personnes par « ménage » : 4,8

Identification dans l’état civil des personnes recensées

La bonne qualité des informations des registres d’état civil au XIXe siècle et celle du recensement permettent une identification très satisfaisante des personnes recensées. 1 237 personnes ont pu être identifiées sur les 1 266 recensées soit un taux d'identification globale de 97,7 %.

Parmi les personnes qui n'ont pu être identifiées on doit distinguer :

Ce serait donc 98,7 % des personnes identifiables qui seraient identifiées.

Contrôle des âges

La corrélation entre les âges donnés par le recensement et ceux déductibles de l’état civil est relativement étroite comparativement aux documents de la même nature mais plus anciens : les personnes connaissent leur âge avec une imprécision ne dépassant pas, dans la plupart des cas, ± 2 ans même pour les âges avancés de personnes nées au début du siècle.

Des écarts pouvant atteindre 5 ans en valeur absolue se rencontrent cependant à tous les âges traduisant probablement des erreurs de recensement et de transcription ou des difficultés de lecture des âges que nous avons souvent rencontrées. Quelques rares écarts atteignant 10 ans, voire plus, ne sont très probablement pas issues d’erreurs dans la structuration de la population mais d'erreurs d'écriture du recenseur.

Dans le détail et concernant les âges les plus faibles, le graphique des âges réels en fonctions des âges du recensement confirme l’imprécision de ± 1 an mais on constate également que l’âge donné au recensement n’est pas, contrairement aux habitudes, un âge en années révolues. Il s’agit plutôt d’un âge arrondi à 6 mois près ou plus. Cette imprécision fait que le nombre d’enfants d’âge révolu donné n’est calculable qu’à partir de l’état civil.

Proportion des mineurs de 5 ans dans la population totale

La distinction des mineurs de 5 ans ne présente plus d'intérêt du point de vue fical. Elle est faite cependant pour contrôler le volume de cette tranche de la population et pour pousuivre dans le temps la connaissance de cette proportion utile dans les dénombrements antérieurs.

Le recensement donne 124 enfants ayant moins de 5 ans. L'estimation standard du nombre des mineurs de 5 ans, calculée sur l'ensemble des enfants nés à Fontcouverte dans les 5 ans précédant le recensement et quel que soit leur devenir local, en donne 142. L’écart significatif trouve son origine :

La proportion des enfants de moins de 5 ans, supposés au nombre de 130, rapportée au total de la population s’établit à 10,2 %. Comparée aux 11 - 12 % des dénombrements du XVIIIe siècle, voire aux 15,6 % de 1561, cette valeur traduit le vieillissement de la population, marqué par le nombre des habitants âgés de plus de 65 ans, et peut être dûe à une diminution de la fécondité moyenne des Fontcouvertines, en particulier du fait de leur célibat définitif important et à une certaine limitation volontaire des naissances.

Pyramide des âges

La pyramide est établie à partir des âges donnés par l'état civil et la structuration de la population complétés par ceux donnés par le recensement pour les rares personnes non identifiées dans ce document (2,3 %).

On constate une grande régularité de la pyramide, en particulier pour les femmes, malgré le volume plutôt restreint de la population, et une répartition pyramidale classique des populations traditionnelles anciennes.

Cependant, on note les particularités suivantes :

Un important célibat définif des Fontcouvertins

L'analyse du nombre de personnes restées définitivement célibataires (à l'âge de 50 ans) montre que cet état atteint approximativement, en 1886, 30 % des femmes et 20 % des hommes nés dans les années 1830 - 1840 (plus précisément, par lissage sur 10 ans seulement autour de 1835 : 40 % et 25-30 %).

Le détail de la pyramide des âges tenant compte de l'état matrimonial des Fontcouvertins permet de confirmer cette tendance apparue chez les habitants nés à partir de 1780 environ.

Globalement, on peut distinguer deux séries d'âge : de 0 à 40 ans environ et de 40 à 70 ans, la limite de 40 ans correspondant approximativement à l'âge maximum des époux de la grande majorité des mariages (les mariages entre 40 et 50 ans sont rares) :

Concernant le célibat définitif observé à la date de 1886, on peut l'estimer en calculant le rapport du nombre de célibataires des tranches d'âges supérieurs à 50 ans à celui des personnes encore vivantes à ces âges. On trouve alors un taux de célibat définitif de 28 et 44 % respectivement pour les hommes et les femmes. Il s'agit ici des résultats d'une analyse transversale de la situation des Fontcouvertins en 1886. Les écarts aux taux de 25-30 et 40 % donnés par l'analyse longitudinale peuvent résulter en partie du mode d'analyse mais surtout de l'échantillon très certainement fluctuant pris en compte (98 célibataires et 170 mariés ou veufs seulement au recensement de 1886) et de l'évolution rapide des taux de célibat définitif à l'époque qui nous intéresse. L'écart des taux entre hommes et femmes est certainement à mettre en relation avec l'émigrations préférentielle masculine.

Quoiqu'il en soit, de très forts taux de célibat définitif vers 1886, bien que suprenants, sont nettement confirmés.

Pauvreté déclarée dans le recensement

Le recensement ne fait aucune allusion à la richesse ni à la pauvreté des Fontcouvertins.

Etat sanitaire de la population

Le recensement ne donne aucune information sur les maladies endémiques et les handicaps physiques des Fontcouvertins.

Répartition des maisons, des « ménages » et de la population dans les hameaux

Le recenseur donne avec beaucoup de détails (et quelques erreurs) les hameaux où vivent les « ménages ».

La population de 1 266 habitants s'établit en 264 « ménages » dans 259 maisons différentes réparties dans 37 hameaux.

Sur la carte ci-contre les cercles orange ont une surface proportionnelle à la population de chaque hameau (les hameaux de moins de 10 habitants sont représentés avec une surface accrue pour les rendre visibles).

En glissant la souris au centre de chaque cercle il apparait sur la carte le nom du hameau, le nombre de ses maisons, celui de ses « ménages » ainsi que sa population.

Trois zones apparaissent de superficies équivalentes.

Les alpages au dessus de la Toussuire à plus de 1 400 mètres d'altitude ne sont pas habités de façon permanente.

Le gros de la population, soit 83 %, s'étale sur le versant en pente vers l'Arvan situé au nord du Merderet sous les alpages de la Toussuire. Le hameau de la Rochette comporte à lui seul 17 % des habitants de la commune. Si l'on ajoute le hameau du Chef Lieu (13 %), on rassemble près du tiers des Fontcouvertins.

La population située au sud du Merderet, principalement Charvin, soit 5 % seulement, mais aussi Combérard (3 %), La Brévière (4 %), les deux hameaux des Rosay (3 %) ainsi que La Roche Charvin avec ses 15 habitants bien isolés, ne retient que 17 % des habitants de Fontcouverte.

Accessoirement les hameaux qui vivent de l'énergie de l'Arvan, du Plan des Rois au Tillerey, retiennent 4 % de la population.

Structure des « ménages »

Les relations qu’entretiennent entre eux les membres d’un groupe de Fontcouvertins mentionné dans le recensement conduisent à différents types de familles si les liens sont biologiques, aux ménages s'il apparait de plus des liens de simple cohabitation et aux maisonnées si plusieurs « ménages » habitent sous le même toit.

Les familles

Le recensement de 1886 où l’on rencontre des « ménages » à structure parfois très complexe ne permet qu'un usage difficile de la typologie des familles définie par Peter Laslett. Un exemple relativement simple est celui d'un célibataire qui héberge une ou plusieurs sœurs également célibataires mais mères de quelques enfants... la classification de Laslett ne prévoit pas clairement de tels cas !

Si l’année 1886 est caractérisée par ces multiplications et ces élargissements, toutes les difficultés qui en découlent et les incertitudes qu’elles engendrent ne sont pas susceptibles de modifier sensiblement la proportion du total des familles de types 4 et 5 par opposition aux familles simples de type 3.

S'ajoute à ce type de difficultés les imprécisions ou les erreurs du recenseur dans la définition exacte de groupes familiaux isolant, ou non, une personne notée « chef de ménage » dans une famille possédant un autre chef, créant, ou non, une maisonnée.

Suivant la classification de Peter Laslett on distingue les catégories suivantes :

  1. solitaires
  2. sans famille
  3. familles simples ou nucléaires
  4. familles élargies
  5. familles multiples
  6. indéterminés

Dans les lignes qui suivent, les petits logos affichés pour chaque type de famille ne sont qu'un exemple parmi bien d'autres configurations possibles.

Par ordre décroissant de fréquence on rencontre les types de familles suivants.

Les familles simples ou nucléaires (type 3)

Il s’agit de couples mariés avec le plus souvent leurs enfants

Avec 47 % des familles  et 48 % des personnes, c’est le type largement majoritaire. Il est en proportion légèrement réduite par rapport à 1876.

Dans 67 % des cas les deux époux du couple sont vivants (type 3a et 3b). La grande majorité d’entre eux (93 %) ont avec eux leurs enfants. Les autres (7 %) sont sans enfants et il s’agit alors

Cette catégorie des couples sans enfants est relativement très réduite.

Pour les couples dont un membre est mort, on trouve 12 % de veufs contre 20 % de veuves).

Globalement, on constate donc :

Les familles élargies (type 4)

Elles sont constituées d’une famille simple de type 3 ayant accueilli un ou plusieurs parents plus ou moins proches du père ou de la mère :

Avec 17 % du total des « ménages » et 23 % des personnes, elles sont en nombre relativement élevé.

Ces extensions se font dans  :

L'abondance des familles élargies et la proportion relative importante des élargissements vers les frères et soeurs (et élargissements multiples) traduit celle des célibataires (et peut-être l'effet débutant de la modification des droits d'héritage après le rattachement de la Savoie à la France).

Les familles multiples (type 5)

Il s'agit de familles simples auquelles s'ajoute au moins un enfant formant un couple marié (ou une fille célibataire avec un ou plusieurs enfants).

Avec 14 % des familles mais 23 % des personnes, les familles multiples représentent une part relativement faible des familles mais forte des personnes.

En gros, 89 % de ces familles sont du type 5b c'est à dire que la multiplicité se fait vers des enfants mariés avec leurs propres enfants. 11 % correspondent à une co-résidence de plusieurs frères ou soeurs mariés.

Les « sans famille » (type 2)

Avec 13 % des familles et 8 % des personnes, ils représentent une part non négligeable de la population, proportion légèrement supérieure à celle observée en 1876 et en relation avec l'accroissement du nombre des célibataires.

Ils sont constitués de frères et sœurs célibataires vivant sans leurs parents dans 66 % des cas, accompagnés d'autres membres célibataires de leur famille dans 20 % des cas. Les 14 % restant sont des célibataires regroupés avec des personnes hors de leurs parents proches.

Les solitaires (type 1)

Ce groupe est constitué de personnes isolées et représente 9 % des familles mais seulement 2 % des personnes.

Il s'agit de célibataires dans 92 % des cas, les 8 % restants concernant principalement des veuves.

Ainsi, dans la population de 1886, le point le plus marquant est, sans conteste, le grand développement du nombre des célibataires en âge de se marier ou plus âgés se retrouvant dans les familles de type 4 et 5b ou 5d comme élargissement, restés avec leurs parents dans les familles de type 3, regroupés entre célibataires dans les familles de type 2 ou isolés dans les familles de type 1.

Les ménages

Il s'agit de « ménages » hébergeant une ou plusieurs personnes ne faisant pas partie de la famille : personnes « étrangères », personnel de service. On compte 12 de ces personnes réparties dans 10 « ménages » , 4 seulement sont domestiques, 3 sont étudiants (hébergés dans un seul « ménage » du Chef Lieu), 1 écolier ; enfin, 3 personnes sont « étrangères » aux « ménages » qui les recueillent sans que l'on puisse établir une relation de proche parenté.

Les maisonnées

A un niveau supérieur de complexité on trouve 4 maisons habritant chacune deux « ménages » sous le même toit. Mais leur identification précise n'est pas toujours possible et certainement incomplète. En fait, tout tient aux distinctions que veut faire le recenseur et la façon dont il s'y prend pour les noter. Ces faits se constatent dans le recensement lorsque un numéro de maison donne lieu à deux numéros de « ménages » ou ce qui peut apparaitre comme tel.

Dans tous les cas le toit abrite d'un côté un « ménage », de l'autre une femme célibataire.

Volume des « ménages »

Le volume moyen des « ménages » est de 4,8 soit en légère diminution par rapport à 1876 en relation avec la réduction de la population.

L’analyse plus précise de la fréquence des tailles des « ménages » montre que :

Ces valeurs sont voisines de celles de 1876 avec cependant une nette diminution de la proportion des « ménages » de plus de 7 à 9 oersonnes.

En tenant compte des types de familles, le trait le plus frappant est l'abondance :

Les changements par rapport à 1876 sont cependant faibles.

On peut encore déterminer le nombre de personnes de la population vivant dans des « ménages » de taille donnée.

Le graphique se déduit simplement des graphiques précédents dans lesquels les effectifs sont pondérés par le nombre correspondant de personnes.

On constate que 44 % de la population vivent dans des « ménages » de 4 à 6 personnes, 16 % dans ceux de moins de 4 personnes, 30 % dans ceux de 7 à 9 personnes et 10 % dans ceux de plus de 9.

Globalement et avec la difficulté d'interpréter les familles multiples et élargies, l'année 1886 semble ne pas marquer d'évolution nette par rapport à 1876 et reste caractérisée par l'abondance des célibataires répartis dans de nombreuses familles.

Nombre d'enfants dans les familles simples (type 3)

L'analyse de la fréquence du nombre d'enfants par « ménages » n'est réalisée que pour les familles simples, les familles élargies et multiples étant plus complexes à interpréter dans la mesure où interviennent des enfants de plusieurs générations.

Sans changement significatif par rapport à 1876, les enfants sont donc assez peu nombreux dans ces familles simples qui représentent pratiquement la moitié du peuplement de Fontcouverte.

Les familles multiples feraient apparaître d'assez nombreux enfants célibataires relativement âgés, frères et soeurs d'enfants mariés.