Fontcouverte
 

La propagation de la peste de 1630 en Maurienne

Pourquoi une étude globale ?

Nous avons tous dans notre subconscient une idée de ce qu’était autrefois une épidémie de peste. En général, il s’agit d’une idée dramatique, le mal ravageant des villes entières. Les historiens qui ont étudié les archives se sont principalement appuyés sur des documents relatant des épisodes importants concernant des villes, Naples, Barcelone, Marseille, Lyon, Chambéry, Paris, Londres, Glasgow, des pays entiers... fournissant des informations intéressantes, volumineuses et susceptibles d'être traitées correctement au moins d'un point de vue statistique.

Notre sujet, peu aisé, est de tenter une analyse des archives disponibles en Maurienne pour mieux comprendre ce qu’est réellement une épidémie de peste dans un paysage montagnard aux nombreux villages souvent assez isolés les uns des autres dont certains, cependant, sont traversés par la grande route de Chambéry à Turin. Rares sont ceux qui, à l’époque qui nous intéresse, dépassent le millier d’habitants.

Le Cardinal A. Billiet en 1869

La violente poussée de la peste en 1630 est bien connue en Maurienne. Elle est souvent citée dans la bibliographie car elle a profondément marqué les esprits de l’époque et encore de nos jours. De nombreux faits ont été présentés s’appuyant sur les documents retraçant le côté dramatique de cet épisode effectivement très éprouvant pour la vallée de l’Arc tant au plan physique que moral.

Pourtant, des informations factuelles concernant, par exemple, la date d'apparition de la peste et l’étendue des décès qui lui est liée dans les diverses paroisses n’ont que peu donné lieu, à notre connaissance, à des études concernant la Maurienne. On doit cependant citer celle réalisée en 1837 par l'Evêque de Maurienne Alexis Billiet qui sera créé cardinal en 1861, étude qu’il a publiée dans les Mémoires de la Société Royale Académique de Savoie en 1837 sous le titre « Notice sur la peste qui a affligé le diocèse de Maurienne en 1630 ». On doit également mentionner les constatations plus générales mais citant la Maurienne en 1630 de Jean‑Noël Biraben dans son livre « Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens » (tome 1) abordant la question des épidémies rurales.

Il parait alors tentant de reprendre l’étude de l’ensemble des paroisses de Maurienne qui posséderaient encore leurs actes de décès du début du XVIIe siècle. A défaut d’avoir accès aux archives éventuelles de toutes ces paroisses, on peut oser s’appuyer sur un document isolé assez insolite, issu des archives de l'évêché de Saint-Jean-de-Maurienne, disponible aux Archives Départementales de Savoie. Un peu décevant pour nous qui avons besoin d'informations précises, le document est à la base de l'étude entreprise.

Il est ainsi possible d’analyser de façon plus ou moins approximative les événements intervenus dans chacune de ces paroisses.

Enfin, le regroupement de ces analyses peut donner une idée d’ensemble de l’épidémie en Maurienne précisant celle qui nous a été transmise.

Il est préciser que cliquer sur une image d'une page du document de l'évêché difficile à lire sous son fortmat réduit ouvre une fenêtre où le texte apparait sous un format très voisin de l'original.

Ce qu'on peut retirer du document épiscopal.

Des informations acquises dans 40 paroisses dont les données sont utilisables.

Parmi les 97 paroisses rencontrées dans le document épiscopal, 40 seulement présentent des données suffisantes pour permettre une tentative d'interprétation approchée de l'épidémie de peste de 1630 en Maurienne. Parmi elles, certaines ne permettent que la détermination du début du mal sans autoriser une estimation du nombre des morts de la peste. Dans tous les cas, il faut retenir que les valeurs numériques avancées à partir des archives sont plus ou moins approximatives.

Le tableau suivant des 40 paroisses analysables classées par ordre alphabétique donne accès aux informations acquises sur chacune d'elles.

Aiguebelle Hermillon Montpascal Saint-Julien
Albanne Jarrier Montricher Saint-Martin-sur-la-Chambre
Albiez-le-Jeune La Chambre Montrond Saint-Pancrace
Albiez-le-Vieux Lanslebourg Montvernier Saint-Sorlin-d'Arves
Aussois Lanslevillard Notre-Dame-des-Millières Sainte-Hélène-des-Millières
Avrieux Le Châtel Sollière Valloire
Bramans Le Thyl Saint-Colomban-des-Villards Valmeinier
Chamoux Modane Saint-Georges-d'Hurtières Villard-Léger
Fontcouverte Montaimont St-Jean-de-M. (St Christophe) Villarembert
Hauteville Montendry Saint-Jean-d'Arves Villargondran

Il peut être utile de débuter la lecture par deux paroisses caractéristiques montrant deux aspects très différents de la propagation de l’épidémie :

Des résultats parfois peu précis

En 1975, dans son œuvre monumentale sur la peste en Europe publiée sous le titre « Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens » (tome I) Jean-Noêl Biraben s’intéresse à la peste rurale (ce qui est très rare) et, à l'occasion, à notre Maurienne. Il constate :

Aussi reprend‑il l’étude du cardinal Billet non sans constater un certain nombre d’anomalies et admet‑il que la peste puisse avoir plusieurs modalités épidémiologiques, plusieurs facteurs de diffusion dont certains n’entrent en jeu qu’aléatoirement ou dans des conditions bien déterminées.

Pouvons‑nous confirmer ces points de vue dans la vallée de l'Arc ? Nous le pensons fortement.

Des analyses faite dans chaque paroisse susceptible d’être traitée, il est possible de définir quelques grands traits de l’épidémie en Maurienne, caractéristiques pouvant s’écarter de ce qu’en dit généralement la bibliographie classique.

Ce sont en particulier :