Fontcouverte
 

Un document insolite des Archives épiscopales
de Saint-Jean-de Maurienne

On sait que chaque année les curés des diverses paroisse du diocèse sont tenus, à l’occasion du synode diocésain annuel qui au XVIIe siècle se tient généralement en mai, de remettre à leur évêque une copie des actes d’état civil enregistrés dans leur paroisse les douze mois précédents. L’ensemble de ces documents paroissiaux sont alors certainement archivé par année synodale (de mai à mai) à l’évêché.

Le document analysé est un recueil de certaines de ces copies. Curieusement, il ne comprend que quelques années au voisinage de 1630. Nous ne connaissons pas la raison, sans doute une étude de la peste de 1630, ni la date à laquelle il a été « cousu ». Cette date est certainement voisine de 1837 ou postérieure puisque manifestement c’est sur les feuillets constituant actuellement le document que Mgr Billiet a fondé son étude publiée en 1837.

Ce recueil numérisé par les Archives de Savoie est malheureusement très incomplet et donc un peu décevant.

Des remarques concernant le contenu des listes de décès.

Un travail fastidieux de nos curés, document décevant... mais qui intéresse des curieux.

Manifestement, le travail de copie annuel n’intéresse pas nombre des curés. D’ailleurs, ils le confient souvent à leurs vicaires ce qui complique ou interdit l’identification des paroisses. Certaines de ces dernières, comme Valloire ou Fontcouverte, entretiennent systématiquement des copies parfois succinctes mais très correctes, d’autres sont presque inutilisables.

On peut se demander à quoi peuvent servir ces copies adressées à l’évêque. Sans doute celui‑ci essaie‑t‑il d’appliquer les recommandations du Concile de Trente. Probablement a‑t‑il, par là, la possibilité de contrôler l’activité pastorale de ses prêtres. Encore faudrait‑il qu’il s’intéresse aux copies. Ce n’est sans doute pas le cas vu l’état des documents qu’il semble admettre. On comprend alors que les curés soient peu disposés à s’imposer ce fastidieux travail de copiste.

Dans ces conditions, l’usage de ce document à des fins généalogiques est pratiquement inopérant, voire dangereux.

La structure des ces copies diocésaines, réunies de façon isolée sur quelques années seulement, mais encadrant l’année 1630, parait insolite. Se serait‑on intéressé jadis à leur contenu avant leur regroupement définitif ? D’assez nombreux ajouts manifestement apocryphes et plus ou moins tardifs ne laissent pas de doute à ce sujet.

On peut noter quelques ajouts « modernes » probablement dus au Chanoine A. Gros qui montre, dans son livre sur l’Histoire de la Maurienne tome II pages 182 ‑ 185, une lecture attentive du document.

Une page des calculs de Mgr Billiet :
beaucoup de chiffres et des commentaires.

Mais la marque la plus caractéristique apparaît en fin de liste des paroisses de l’année 1630 ‑ 1631 : tableaux de calcul des nombres de décès (de baptêmes et mariages) par paroisses et globalement du diocèse, transcription de remarques intéressantes des curés (reportées dans le latin d’origine et trahissant une origine ecclésiastique du texte inséré), calculs du taux de décès se référant à une population estimée approximativement… Nous retrouvons ici la trace des travaux de Mgr Billiet, les résultats mentionnés ci‑dessus correspondant exactement à ceux qu’il a publié en 1837. C’est très probablement l’étude de l'évêque qui a provoqué le regroupement des copies diocésaines éparses suivi du glissement fortuit vers les Archives Départementales.

Le mémoire de Mgr Billiet sur la peste dans l’« année 1630 » (en fait l'année synodale 1630 ‑ 1631) est bref mais intéressant car novateur. L'évêque aborde le sujet en se fondant sur des documents précis sinon exacts permettant une approche numérique approximative de l’évènement de 1630. Naturellement l’analyse n’est pas très approfondie ce qui est naturel avec les moyens de l’époque. Les nombres présentés pour les décès regroupent ceux de la totalité de l’année synodale sans distinguer ce qui relève de la mortalité épidémique et de la mortalité naturelle. Quant au volume donné à la population des paroisses il serait le résultat d'un calcul que nous connaissons comme très hasardeux et qui peut conduire à des erreurs importantes donnant des valeurs peu probables, voire impossibles. Mais l'évêque fournit quelques informations complémentaires dont nous ne connaissons pas l’origine et donne une idée intéressante sur les dégâts causés par la peste.

Malgré les limites du document, une analyse quantitative permet ainsi d’avoir une certaine idée de l’extension et des modalités de propagation du mal sur l’ensemble de la vallée de l’Arc du Mont‑Cenis jusqu’à l’Isère.