Fontcouverte
 

Lanslebourg

Les décès enregistrés à Lanslebourg lors de la peste de 1630 ne font pas partie du document relatif à l’ensemble des paroisses de Maurienne. Ils proviennent d’une archive particulière précisant ces décès de 1630 à 1656.

Pour ce qui concerne l’année 1630, et peut-être l’année 1631, les données sont renseignées de façon lacunaire et très erratique. Il est vrai que 1630 est une année difficile avec le décès du vicaire le 6 août puis celui du curé le 4 septembre. Heureusement, d’après A. Gros, la nomination rapide de Jacques Aiglet à la paroisse permet la poursuite des enregistrements. On doit cependant noter l’absence de morts enregistrés en novembre alors qu’on peut s’attendre à une trentaine de décès et leur arrêt momentané à la fin de décembre. Enfin, le nombre exact des morts simultanées dans une famille donne lieu à une évaluation globale qui réduit leur nombre.

Cette archive particulière a été analysée par Mgr Billiet qui, dans ses calculs généraux ajoutés dans les dernières pages de l’archive des paroisses de Maurienne, signale succinctement qu’il complète sa statistique globale en incluant Lanslebourg par la détermination du nombre de décès pour chaque mois d‘avril à décembre. Notre lecture du document et celle de l'évêque sont convergentes à quelques unités près sans doute en liaison avec les interprétations qui peuvent être faites des écritures. Seulement en septembre notre lecture conduit à 22 morts de moins que l'évêque. Reprenant ses calculs de base nous trouvons 298 morts entre le 4 juillet et le 28 décembre, valeur que nous retenons bien qu’entachée de toutes les lacunes et incertitudes connues. Il faut au moins rajouter une trentaine de morts en novembre 1630 et d’autres en nombre indéterminé en début de 1631.

Accessoirement, le document de Lanslebourg se poursuivant jusqu’en 1656 ; il est possible de connaître l’effet de l’épidémie sur le nombre des décès dans les deux décennies suivantes.

Lanslebourg
Saint-Jean-de-Maurienne

Situation : à 42 km à l’est de Saint-Jean-de-Maurienne sur l'Arc.

Altitude : 1400. m

Population :

Population estimée pour 1630 : 900.

Activités : agricoles limitées à la culture de l’orge, de l’avoine et du seigle ; élevage (alpages du Mont‑Cenis) ; activité importante due au passage du Col du Mont‑Cenis cafetiers, aubergistes, voituriers, guides, troupes militaires.

Habitat : très regroupé dans le bourg sur la rive droite de l’Arc.

Lacunes des archives traitées de 1628 à 1632 :

Mortalité naturelle annuelle : inconnue avant la peste, croissant de 3 en 1631 - 1632 à 15 vers 1636 et 20 vers 1645.

Début d'épidémie estimée : 29 juillet 1630, première atteinte possible de 3 personnes du 4 au 8juillet 1630.
Fin d'épidémie estimée : 31 décembre 1630 (en fait, archives très probablement tronquées).

Décès pendant la période d'épidémie : 281 entre le 4 juillet et le 31 décembre 1630. Le nombre de morts naturelles est difficilement déterminable (parmi les décès qui auraient été naturels d'après les archives certains sont dus à la peste). Ils pourraient être de l’ordre de 5 à 10 ce qui est négligeable pour les estimations.

Taux de décès toutes causes confondues : 31 % mais probablement plus.

Développement de l'épidémie

Malgré leurs lacunes, importantes pour la définition complète de l'épidémie, les archives permettent une interprétation globale du mal. Exceptionnellement, elles donnent la mortalité sur de nombreuses années suivant la peste et, ainsi, une idée de la reconstitution de la population.

Décès (moyenne mobile de 5 jours) - 1628-1632

Si l'épidémie apparait particulièrement bien, cela n'est dû qu'à l'absence d'archives jusqu'à la fin de l'année synodale 1629 - 1630, ce qui nous prive de l'estimation de la mortalité naturelle avant la peste.

Décès journaliers - 1630-1631
 
Décès (moyenne mobile de 3 jours) - 1630-1631
 
Décès (moyenne mobile de 5 jours) - 1630-1631
Cumul des décès depuis le 1er janvier 1630

L’épidémie massive débuterait dans les derniers jours de juillet 1630 puis progresserait assez rapidement jusqu’au 15 août où sont atteints 3 décès par jour en moyenne. L’épidémie se généralise alors donnant un maximum de 9 morts par jour en moyenne vers le 10 septembre. Après une décroissance erratique mais rapide, l’épidémie se poursuivrait par impulsions successives au moins jusqu’à fin décembre voire peut-être plus tard au début de 1631. Il s’agit alors d’une épidémie à la fois violente et durable présentant les caractères simultanés des types urbain et rural, urbain par sa violence, en liaison avec la concentration de la population dans l’espace, et rural par sa durées et la multiplication des divers épisodes à moins qu’il s’agisse d’infections successives multiples en relation avec les transferts de personnes et matériels inévitables par le Col du Mont‑Cenis. On peut noter le groupement de 3 décès entre le 4 et le 8 juillet anticipant le début de l’épidémie de masse. Il pourrait s’agit du décès des toutes premières personnes atteintes de peste introduisant le mal dans le village après une période de latence classiquement décrite dans la bibliographie scientifique et qui serait à Lanslebourg de l’ordre de 20 à 25 jours. La date d’introduction de la peste serait alors antérieure, de ce délai, au 4 juillet 1630. Nous omettons ce point particulier pour ne tenir compte que du développement global de l'épidémie qu'on retrouve dans les diverses paroisses.

La bibliographie historique signale que l'épidémie serait due à des éléments de troupes revenant du Montferrat où sévit le mal depuis une année.

Les archives particulières concernant Lanslebourg débutent avec l’épidémie de 1630. Mais elles nous donnent l’opportunité exceptionnelle de connaître les décès jusqu’en fin 1656.

Les premières années suivant 1630 présentent un nombre de morts annuelles très réduit mais progressant jusqu'en 1638. Il peut s’agir de lacunes des archives mais elles traduisent plutôt une très faible mortalité après la violente épidémie. Par la suite, les décès ne reprennent que progressivement au cours du temps pour atteindre 23 à 24 en nombre annuel, valeur qui correspondrait à une population de 900 âmes environ voisine de celle estimée en 1630. Des ocillations non négligeables apparaissent, phénomène qui se retrouve dans les chroniques de décès traduisant des variations réelles du volume de la population, voire des fluctuations aléatoires de la mortalité naturelle.

Quoiqu'il en soit, l'effet de la lourde ponction de la peste aura duré moins de 10 ans suivi d'une lente récupération du volume de la population sur près de deux décennies.