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La méthode utilisée dans l'analyse des données de la peste en Maurienne

La méthode d'analyse

A partir du document épiscopal nous avons tenté dans chaque paroisse une étude systématique quantitative de la liste des décès quand elle peut être entreprise pour l’année synodale 1630 ‑ 1631 censée couvrir la période de peste. Dans toute la mesure du possible, l’analyse porte également sur les années voisines dans le but d'estimer l’intensité des décès naturels en période pesteuse.

L'objectif visé est de déterminer, dans chaque paroisse, aussi précisément que possible la période de développement de l’épidémie de façon à en préciser les caractéristiques suivant la situation géographique et la démographie des lieux.

Les moyens utilisés sont principalement graphiques et ce sont eux que nous présentons systématiquement sous une forme simple.

Pour la période civile 1630 ‑ 1631, les graphiques sont établis de façon à présenter les données directement fournies par les archives (graphique des décès journaliers) puis sous forme de moyennes mobiles sur 3 et 5 jours de façon à regrouper les décès journaliers aléatoires et dégager des tendances possibles. Un graphique donne encore le nombre de décès enregistrés depuis le 1er janvier 1630. Ce graphique a le double avantage de lisser les effets aléatoires et surtout de visualiser de façon très synthétique les variations souvent très instructives de l'intensité de l'épidémie au cours du temps.

Un graphique complémentaire donne la moyenne mobile sur 5 jours du nombre des décès de 1628 à 1632. Il a pour but de connaitre la mortalité naturelle ou particulière dans laquelle l'épidémie se développe.

Enfin, des graphiques plus spécifiques peuvent être présentés quand les archives le permettent.

Dans l'analyse de chaque paroisse nous ajoutons aux graphiques quelques commentaires très succincts mais le lecteur est loisible de retenir la forme graphique qui lui convient pour se faire sa propre idée des évènements.

La détermination des débuts et des fins d’épidémie

Les dates de début d'épidémie

Début d'épidémie incertain... fin tronquée

De façon à déterminer comment la peste s’est répandue en 1630 dans la Maurienne le seul élément disponible qui peut être déduit des archives est la date d’apparition du mal dans les diverses paroisses. On peut retenir en première approximation la date à laquelle le nombre de morts journaliers s’accroit rapidement ou au moins dépasse le niveau de mortalité naturel estimable en amplitude (nombre de morts le même jour) ou en fréquence (espacement temporel court des morts).

Ainsi définie, cette date peut cependant être trop tardive. La première personne morte de peste, en particulier celle qui apporte la maladie, peut ne pas mourir ou le faire au milieu de la mortalité naturelle et ainsi ne pas apparaître comme pesteuse. A supposer qu’elle décède, les personnes qu’elle contamine, peu nombreuses au départ, ne décèdent, comme dans la figure ci‑contre, que 10 à 20 jours plus tard, elles aussi noyées éventuellement dans la mortalité naturelle qui est de nature aléatoire et ainsi ne pas apparaître surtout dans les paroisses à faible population.

La date de début d’épidémie risque parfois d'être très largement anticipée. On doit en effet se méfier des épidémies non pesteuses, en particulier celles de dysenterie qui sévissent en été, saison où l'épidémie de 1630 se manifeste, anomalies qui peuvent alors être incluses dans l’épidémie principale de peste tant que celle-ci n’a pas atteint de façon continue un niveau de décès exceptionnel.

Les paroisses donnant des archives utilisables avant l’été 1630 peuvent présenter des pics de surmortalité parfois peu inférieurs à celui de l’épidémie de peste de 1630 et ce dès 1629, voire avant. Les pics d’hiver peuvent être interprétés, de façon malgré tout incertaine, comme traduisant la mortalité naturelle liée aux diverses affections de cette période de l’année. Ceux survenant en été restent entièrement indéterminés bien que plausibles en l’absence de précisions des archives sur l’origine des décès.

Enfin, l’archivage des décès pose dans certaines paroisses une difficulté qui leur est propre. Il semblerait que les copies des archives des cures donnent des décès en nombre rapidement croissant alors que les décades antérieures, voire les mois, ne donnent aucun décès. Il semblerait alors que l’enregistrement des morts soit déclenché par la peste, peut‑être parfois tardivement (les lacunes d’été ne peuvent alors être attribuées au découpage synodal de printemps).

Les dates de début d’épidémie que nous retenons sont alors entachées, sauf cas particulièrement favorables, d’une marge d’incertitude importante pouvant atteindre 10 à 15 jours voire exceptionnellement un mois. Nous tentons alors de mieux déterminer le début d’épidémie par comparaison avec des paroisses voisines présentant, dans la chronique de leurs décès, de nettes similitudes avec celle que nous traitons mais qui ne subissent pas de perturbations non pesteuses généralement très locales.

Les dates de fin d'épidémie

Elles présentent un intérêt moindre cependant lié à la durée de l’épidémie et au nombre de morts dans la période réputée pesteuse.

Elles sont encore moins certaines que celles de début. Si parfois l’arrêt de l’épidémie apparaît nettement, dans le cas le plus général l’épidémie régresse progressivement les derniers décès se noyant alors dans la mortalité naturelle. Une détermination précise est alors très douteuse. On peut aussi noter que des morts pesteuses isolées apparaissent tardivement en fin d’épidémie sans relation directe avec l’infection générale. C’est en particulier le cas des personnes mortes lors de l’épreuve d’une maison qui a été nettoyée, épreuve pouvant intervenir tardivement suite aux difficultés d’exécution du nettoyage et de l’épreuve. Enfin, l'enregistrement de la fin de l'épidémie peut être tronquée comme dans la figure ci‑dessus. Seule une décroissance régulière jusqu'au niveau de la mortalité naturelle permet de trancher.

L'expérience montre que lorsque des décès pesteux sont notés dans les archives, l'accord de notre détermination est généralement satisfaisant à quelques jours près soit souvent un ou deux décès mal interprétés.