Fontcouverte
 

Les enfants morts à la naissance

Dans le domaine de la mortalité néonatale celle des enfants mourant le jour de leur « naissance » (nous notons « naissance » pour préciser qu'il ne s'agit pas d'une naissance certaine) est un cas très particulier. Il s'agit de distinguer les enfants mort-nés des enfants effectivement nés vivants mais morts rapidement après. La distinction est difficile à réaliser à Fontcouverte du fait de la rédaction des actes de décès.

La fréquence des « 0 jours »

Nous appelons « 0 jours » les enfants morts le jour de leur naissance ou le jours suivant. Cette définition tient compte du fait que les archives ne donnent généralement que la date de leur naissance/sépulture avec une imprécision qui peut être d'au moins un jour.

La comparaison du nombre annuel d'actes de sépulture de la cure des enfants considérés morts à 0 ou 1 jour ou présentés sans vie à la mairie avec celui de la totalité des « naissances » est représentée dans le graphique ci-dessous et permet les constatations suivantes.

Nous excluons d'abord les décès intervenus avant 1603 (les années antérieures à 1599 sont peu fiables, les années 1599 - 1602 correspondent à des lacunes importantes des archives en particulier pour ce qui concerne les décès).

Entre 1603 et 1700, l'augmentation du nombre annuel des « 0 jours » semble en relation possible avec l'accroissement du nombre annuel des naissances.

Entre 1700 et 1900 le nombre annuel des « 0 jours » est très aléatoire mais relativement constant ou lentement croissant dans le temps. On note cependant trois anomalies :

Le graphique suivant donne alors la proportion des « 0 jours » dans l'ensemble des naissances annuelles (avec une moyenne mobile sur 10 ans).

Cette proportion, très fluctuante du fait des effectifs très faibles mis en jeu (très généralement entre 0 et 5 cas par an), semble croître assez régulièrement, sur le long terme, du début des archives à 1900 (on rappelle que le volume de la population de Fontcouverte est resté pratiquement stable de 1700 à 1890).

Quant aux fluctuations à moyen terme (une cinquantaine d'année environ) nous n'en comprenons pas l'origine. Il ne s'agit pas de l'influence du curé ni de celle du maire. Si l'on se réfère aux longs ministères des curés de Fontcouverte jusqu'en 1806, chacun d'eux est traversé par de grandes et souvent rapides variations de la proportion des « 0 jour » dans l'ensemble des naissances. On ne peut donc douter d'eux a priori. S'agit-il alors de modifications dans les habitudes des paroissiens ? On peut penser en particulier au célibat définitif de nombreux Fontcouvertins dont le taux varie fortement au cours des siècles. Le célibat peut être générateur de consanguinité suscéptible d'accroitre les risques de mort très précoce. De nombreuses autres causes sont cependant possibles.

Une analyse plus fine s'impose.

De l'influence des garçons

L'analyse, bien qu'assez difficile, des quotients de mortalité par périodes cinquantennales en distinguant les deux sexes confirme les tendances précédentes pour les attribuer principalement aux garçons.

La proportion des enfants de sexe indéterminé dans la totalité des « 0 jour » est la suivante :

Sexe XVI XVII-1 XVII-2 XVIII-1 XVIII-2 XIX-1 XIX-2
indéterminé 0,0 % 2,4 % 15,7 % 9,6 % 15,4 % 11,8 % 5,9 %

Bien que très variable, elle est relativement faible et non susceptible d'altérer de façon significative les valeurs des quotients (nombres des « 0 jour » rapportés au nombre total des naissances correspondantes) qui apparaissent comme suit.

En ne prenant pas en compte les enfants de sexe indéterminé et en confondant garçons et filles les quotients sont :

Sexe XVI XVII-1 XVII-2 XVIII-1 XVIII-2 XIX-1 XIX-2
M+F 3,9 % 3,1 % 5,2 % 7,4 % 8,2 % 8,7 % 16,9 %

La croissance dans le temps est nette confirmant le graphique précédent.

Afin de séparer les sexes, on répartit les enfants de sexe indéterminé entre les deux sexes en supposant qu'ils sont en proportion identique à celle connue des sexes différenciés.

On constate alors les quotients suivants.

Sexe XVI XVII-1 XVII-2 XVIII-1 XVIII-2 XIX-1 XIX-2
M 3,9 % 4,0 % 8,4 % 10,7 % 14,7 % 14,7 % 24,5 %
F 3,8 % 3,3 % 3,9 % 5,5 % 5,0 % 4,9 % 11,2 %
M+F 3,9 % 3,7 % 6,1 % 8,1 % 9,6 % 9,8 % 17,8 %

Les quotients M+F sont voisins de ceux obtenus sans les enfants de sexe indéterminé (ceci provient en particulier de notre mode de répartition des enfants de sexe indéterminé entre garçons et filles).

Si l'on exclut la période particulière XIX-2, on constate une relative constance du quotient des filles ce qui pourrait être un argument de présomption d'exhaustivité de l'enregistrement des actes d'état civil.

Par contre l'accroissement progressif des quotients des garçons est nette et serait, pour l'essentiel, responsable de l'accroissement des quotients généraux M+F.

Réalité ou modification dans l'enregistrement des décès ? Nous penchons pour la première hypothèse mais n'avons pas d'explication certaine concernant la proportion croissante des « 0 jour » au cours du temps. Nous ne pouvons également justifier le curieux phénomène de différenciation sexuelle.

Nous pouvons cependant constater que :

Ces faits pourraient avoir une conséquence non négligeable sur la proportion des gestations conduisant à des fausses couches ou à des accidents à l'accouchement. Et pour peu qu'une des causes de pathologie soit portée par le chromosome X des garçons (comme c'est le cas pour l'hémophilie ou le daltonisme), ces derniers seraient les plus directement visés. Nous laissons aux spécialistes de la génétique juger cette hypothèse.

Conséquence sur nos études démographiques

Devons-nous tenir compte des « 0 jour » dans nos statistiques démographiques de mortalité ?

Devant :

nous sommes poussés à exclure ceux-ci de nos calculs de mortalité en fonction de l'âge. Ce choix a l'avantage d'être conforme aux normes actuelles des démographes si tant est que les « 0 jour » soient en grande majorité des mort-nés.

Nous ne les oublierons cependant pas... des Fontcouvertines les ont attendus pendant près de neuf mois ! Et nous aurons besoin d'eux dans nos recherches sur la constitution des familles.