Fontcouverte
 

Endogamie et isolat à Fontcouverte

Les Fontcouvertins vont-ils chercher leurs conjoints en dehors de leur paroisse ou préfèrent-ils rester entre eux ? En d'autres termes, au plan matrimonial, Fontcouverte reste-t-il ouvert au voisinage ou vit-il dans l'isolement ?

L’endogamie consiste à choisir prioritairement et majoritairement son futur conjoint à l’intérieur de son propre groupe social, géographique, professionnel, religieux (le contraire est l'exogamie).

Un isolat (au sens démographique) est un groupe ethnique que son isolement géographique, social, ethnique ou culturel, contraint à entretenir des relations restreintes et à pratiquer des unions de type endogame.

Ces deux définitions sont-elles applicables à Fontcouverte aux époques qui nous intéressent ?

Le critère de l’isolement géographique peut paraître pertinent dans la paroisse, bordée qu’elle est au sud et à l’ouest par des montagnes, à l’est par les gorges de l’Arvan. L’ouverture vers Saint-Jean-de-Maurienne est par contre évidente. La seule géographie ne suffit pas pour arrêter les rencontres, quitte à passer par le Pont de Gévoudaz, courir au Col des Arves ou franchir le Col du Chaput. Plus simplement, il est possible d’aller à Villarembert ou Saint-Pancrace ou se laisser attirer par Saint-Jean à seulement une bonne heure à la descente. Fontcouverte n’est donc pas un véritable isolat géographique. D’ailleurs en existe-t-il vraiment même au fond des vallées des Alpes ?

Le critère social est peut-être plus pertinent dans la mesure où la population fontcouvertine est relativement homogène, chacun pouvant trouver chaussure à son pied sur place. Pourtant, le fils du notaire a le loisir d'aller à Saint-Jean pour se perfectionner s’il doit succéder à son père. A l’autre extrémité sociale, des enfants de familles peu aisées peuvent aussi descendre à la ville pour trouver un emploi qu’ils n’ont pas chez eux. Autant de raisons pouvant conduire à des mariages exogames.

Quant au critère religieux, il n’a pas de sens dans la mesure où tous les habitants de la région des Arves sont catholiques (des isolats dignes de ce nom existent dans les Hautes Alpes et concernent les descendants d’émigrés protestants qui y ont trouvé refuge).

La question n’est donc pas de savoir si Fontcouverte est un isolat mais plutôt d'estimer à quel point il l’est ou ne l'est pas.

L’endogamie est alors un indicateur sensible de l’isolement relatif de la paroisse en mesurant la proportion des mariages conclus entre Fontcouvertins et celles impliquant aussi diverses paroisses plus ou moins lointaines.

Des méthodes de calcul ont été développées pour déterminer la taille d'un isolat c'est-à-dire le nombre de personnes auxquelles ont accès les membres d'un isolat pour se marier. Ces méthodes s'appuient sur les proportions observées des mariages très consanguins tels que cousines-cousins germains. Aussi intéressantes qu'elles soient ces méthodes sont strictement inaplicables à Fontcouverte où le droit canonique interdit pratiquement ces mariages. L'isolat de Fontcouverte couvrirait alors l'humanité ! L'extension aux cousins issus de germains voire issus issus de germains ne changeraient pratiquement rien aux choses jusqu'à la modification des limitations de mariage introduite par la législation française en 1860 et même jusqu'en 1900. Nous nous abstenons ainsi de tels calculs de la taille de l'isolat de Fontcouverte.

Les informations disponibles

3 308 mariages se trouvent dans la base de donnée. La très grande majorité d'entre eux correspond à des célébrations à l'église (ou à la mairie) de Fontcouverte. Cependant, certains mariages célébrés hors Fontcouverte sont également enregistrés. Ils correspondent :

Parmi ces mariages, 2 270 précisent des informations permettant, à partir de la structuration de la population, les déterminations suivantes :

992 autres mariages ne permettent pas l'identification d'au moins un époux. Les mariages restant n'autorisent pas la détermination du lieu de mariage.

Estimation de l'endogamie

Elle peut être faite suivant les trois critères précédents en distinguant :

Quand ils sont connus, les trois critères ci-dessus permettent la répartition des mariages en huit catégories suivant que :

On peut alors identifier :

Des résultats... indicatifs

Malgré la part réduite des mariages traitables et le risque d'omettre des mariages célébrés à l'extérieur de Fontcouverte, une statistique indicative peut être faite.

Sur la période 1751 -  1800 prise comme exemple représentatif

Les nombres des mariages observés sont les suivants :

  Mariages à Fontcouverte
  Epoux de
Fontcouverte
Epoux hors
Fontcouverte
Epouse de
Fontcouverte
377 11
Epouse hors
Fontcouverte
28 1
 
  Mariages hors Fontcouverte
  Epoux de
Fontcouverte
Epoux hors
Fontcouverte
Epouse de
Fontcouverte
9 15
Epouse hors
Fontcouverte
9 10

En excluant les mariages ne concernant pas au moins un Fontcouvertin on peut donc considérer les proportions suivantes.

Endogamie Exogamie
88 % 12 %

L'endogamie serait donc une caractéristique assez forte de Fontcouverte dans le cadre de la méthode de calcul utilisée.

Or celle-ci exclut tous les mariages dont au moins un époux est d'origine inconnue ce qui concerne un nombres non négligeable de mariages dont une bonne part pourrait être de nature exogame. Nous recherchons alors d'où sont probablement issus les époux d'origine inconnue en les répartissant suivant nos critères de tri ci-dessus. Pour lever cette méconnaissance nous nous fondons sur les patronymes qui sont très souvent caractéristiques de la paroisse d'origine. Ce choix n'est pas sans ambiguité, par exemple lorque qu'un Fontcouvertin épouse à Saint-Jean-de-Mauienne une femme née à Saint-Jean mais de parents émigrés 20 ou 30 ans avant et ayant gardé des liens étroits avec leur ancienne paroisse (il s'agit, alors, pratiquement d'une endogamie externe). Par ailleurs, des patronymes fontcouvertins peuvent être ceux d'émigrés plus anciens de Fontcouverte. Des doutes en nombre non négligeable restent mais les époux d'origine plus lointaine que Saint-Jean sont très généralement bien identifiés comme tels.

Nous reprenons notre classification pour ces mariages en gardant à l'esprit que les valeurs affichées sont sujettes à doutes.

  Mariages à Fontcouverte
  Epoux de
Fontcouverte
Epoux hors
Fontcouverte
Epouse de
Fontcouverte
10 20
Epouse hors
Fontcouverte
33 6
 
  Mariages hors Fontcouverte
  Epoux de
Fontcouverte
Epoux hors
Fontcouverte
Epouse de
Fontcouverte
7 50
Epouse hors
Fontcouverte
36 19

On peut ainsi constater qu'il existe quelques mariages probables de deux fontcourtins mais le trait principal est l'abondance des mariages mettant en jeu un (ou une) fontcouvertin(e), l'autre conjoint n'étant très probablement pas de Fontcouverte ce qui correspondrait à une exogamie.

Au total nous retenons (somme des valeurs des quatre tableaux ci-dessus pris deux à deux) la répartition suivante.

  Mariages à Fontcouverte
  Epoux de
Fontcouverte
Epoux hors
Fontcouverte
Epouse de
Fontcouverte
387 31
Epouse hors
Fontcouverte
61 7
 
  Mariages hors Fontcouverte
  Epoux de
Fontcouverte
Epoux hors
Fontcouverte
Epouse de
Fontcouverte
16 65
Epouse hors
Fontcouverte
45 29

En excluant les mariages ne concernant pas au moins un Fontcouvertin on peut donc considérer les proportions suivantes.

Endogamie Exogamie
68 % 32 %

Sur la période globale 1587 - 1900

L'analyse faite pour la période 1751 - 1800 peut être reprise pour toutes les périodes cinquantennales de notre étude.

Concernant d'abord la part des mariages dont on ne connaît pas le lieu d'origine d'au moins un époux (nécessitant une recherche sujette à doute par les patronymes), le graphique ci-contre montre que, plus on avance dans le temps, plus on trouve, comme on pouvait s'y attendre, une proportion réduite de ces mariages. Cette méconnaissance est totale au XVIe siècle (tous les mariés sont de naissance inconnue dans les archives) puis décroît au fil du temps quand les archives sont susceptibles de nous donner les dates de naissance en nombre croissant avec la qualité des documents.

Malgré la grande variation de cette proportion qui peut avoir une influence importante sur la qualite relative de la détermination du taux d'endogamie, on constate sur le graphique de gauche de ce taux (et son complément d'exogamie) qu'il varie relativement peu dans le temps avec des valeurs comprises entre 70 et 80 % environ (il ne peut être envisager d'analyser les faibles variations constatées).

Globalement, on peut alors penser que trois mariages sur quatre sont endogames. Nous n'avons pas d'informations bibliographiques permettant une comparaison avec d'autres lieux savoyards. Peut-être peut-on considérer que l'endogamie est relativement élevée. En tout cas, Fontcouverte ne forme pas un isolat caractérisé.

Les lieux de l'exogamie

Une idée approximative (certainement biaisée par les archives que nous avons analysées) de l'attraction matrimoniale des diverses paroisses du voisinage de Fontcouverte peut être donnée par les lieux de célébration des mariages extérieurs à Fontcouverte. Ces célébrations concernent, dans leur grande majorité, au moins un Fontcouvertin très probable ou le plus souvent certain.

Le graphique couvrant la Maurienne donne, pour la période globale de mariages 1587 - 1900, la répartion (en %) de l'ensemble des mariages de la base de données dans les divers lieux de mariage connus.

La proximité géographique est nettement le facteur prépondérant de choix pour les époux. La très grande majorité des mariages a lieu en Maurienne et même en Moyenne-Maurienne.

91 % de ces mariages ont lieu dans les paroisses jouxtant immédiatement Fontcouverte. Saint-Jean-de-Maurienne compte à lui seul pour 56 % en relation directe avec les émigrations, au moins temporaires, pour raisons économiques des Fontcouvertins aux âges propices au mariage.

Les autres paroisses de Maurienne se partagent 5 %, les 4 % complémentaires concernant le reste de la Savoie et quelques rares mariages en France.