Fontcouverte
 

Les statuts sociaux et les métiers à Fontcouverte

A l'époque qui nous intéresse, Fontcouverte a une activité essentiellement agro-pastorale. Il ne faut donc pas s'étonner que pratiquement tous les Fontcouvertins soient déclarés simplement laboureurs ou journaliers (quand leur profession est signalée, les Fontcouvertines sont ménagères !) par les secrétaires des dénombrements.

Mais il s'agit là principalement d'une déclaration de statut social, journaliers et laboureurs pouvant avoir une activité artisanale ne serait-ce que secondaire comme maréchal-ferrant ou tisserand. On ne s'étonnera pas, alors, de rencontrer peu de personnes déclarées comme artisans dans la paroisse ou la commune. Pourtant, ils doivent bien exister, leur art étant indispensable à la vie courante.

Les statuts sociaux

Le recensement de 1754 signale quelques activités particulières mais il mentionne surtout 35 laboureurs (ils pourraient être un peu plus nombreux, le secrétaire n'ayant pas précisé le statut de quelques chefs de regroupements familiaux) et 201 journaliers

Ne mériteraient le titre de laboureurs que ceux propriétaires de terres et de moyens de production pour vivre... le riche laboureur de Lafontaine ! Les journaliers n'auraient que leurs bras à proposer. Mais ils doivent avoir dans la plupart des cas un lopin de terre ou un petit jardin avec du bétail de basse-cours, voire des chèvres, des brebis et pourquoi pas une vache.

La cause de cette répartition très déséquilibrée serait peut-être à rechercher dans le mode d'héritage qui favorise très largement le fils aîné même si ses frères et sœurs reçoivent une compensation pécuniaire.

Il est certain que, du point de vue économique, le statut de laboureur est préférable à celui de journalier. L'analyse de la « richesse » des groupements familiaux suivant une méthode approximative mais indicative le montre bien dans le recensement de 1734.

Le graphique des nombres de regroupements familiaux classés suivants leur « richesse » estimée (TRI), en distinguant laboureurs et journaliers, illustre clairement la différence des statuts : aucun laboureur n'a un taux de « richesse » (TRI) inférieur à 10 alors que la plupart des journaliers doivent se contenter de cette faible « richesse ». Inversement, les laboureurs sont, en proportion, très largement majoritaires aux TRI supérieurs à 35.

La distinction sociale porterait donc tant sur le nombre des personnes que sur les moyens de vie.

Les métiers

Malgré la pauvreté des archives de la cure à ce sujet, voici ce que nous avons trouvé qui pourrait certainement être amélioré en consultant d'autres documents.

« L'administration »

Une catégorie spéciale est celle de l'« administration » écclésiastique (curés, vicaires voire clers laïcs aidant les prêtres et les accompagnant dans leurs déplacements dans les villages) et civile (un ou deux notaires, sergents royaux à l'époque sarde, gardes champêtres, gardes forestiers et cantonniers à l'époque française, instituteurs et institutrices religieux puis laïcs dans divers hameaux). On pourrait y ajouter les soldats dans les régiments de Tarentaise et de Maurienne à l'époque des rois ; ceux-là peuvent avoir gardé leur famille à Fontcouverte pendant leur temps de service.

On peut également noter les fonctions (qui ne sont pas à proprement parler des métiers) de syndic élu pour représenter les « communiers », de secrétaire de la communauté, de regrétier pour la gestion du sel, puis de maire, de conseiller municipal et de secrétaire de mairie à l'époque républicaine.

Les personnes « en service »

Ils constituent le peuple des domestiques, des servantes (chambrières en 1561), des valets, des bergers, des bergères. Leur nombre est très incertain, variant grandement d'un dénombrement à l'autre. Certains d'entre eux sont originaires de paroisses voisines mais la plupart seraient de Fontcouverte et alors difficiles à identifier en tant que tels.

S'ils sont nombreux en 1561, à une époque ou la société parait bien perturbée, ils ne dépassent jamais la quarantaine par la suite et souvent beaucoup moins. Les valets seraient associés à des groupements familiaux possédant du gros bétail. Les servantes, quant à elles, se retrouvent aussi bien dans des groupements familiaux volumineux que d'autres plus petits et auraient un rôle en partie lié au bétail. Enfin, les bergers et bergères, dont l'origine est inconnue (locale mais aussi du voisinage), sont rarement signalés (sauf en 1561). Il pourrait s'agir d'une activité plutôt assurée par les enfants de la famille et donc sans distinction particulière.

Les étudiants

Voilà une catégorie à laquelle on ne s'attend pas vraiment ! Pourtant ils sont mentionnés à l'occasion. Ce sont des enfants de la paroisse, souvent dès 12 ans, qui font des études que l'instruction sur place ne permet pas. Ils vont à Saint-Jean au collège Lambertin puis éventuellement au petit et au grand séminaire. Ils ne sont pas rares et montrent que la culture à Fontcouverte n'est pas absente. Certains peuvent soutenir une discussion en latin !

Les artisans

Curieusement, ils ne sont que très rarement signalés avant l'époque française alors qu'ils doivent bien exister. S'il s'agit d'une activité secondaire, mais plus ou moins prenante, on doit les retrouver dans les journaliers.

Pour ne pas oublier les Fontcouvertines en dehors de leur métier de ménagères, faut-il rappeler une occupation très particulière souvent suggérée dans les actes de baptême : c'est leur rôle d'assistance lors des accouchements un peu difficile. S'agissant de voisines de l'accouchée, leurs compétences médicales sont certainement très rudimentaires mais, étant souvent des personnes d'un certain âge, elles ont pour elles leur expérience et peut-être les conseils du praticien quand il y en a un.

On mesure les lacunes des archives pour établir une liste complète dans le temps des divers artisans.

Les tisserands

Ils pratiquent une activité particulière dans la mesure où elle est secondaire dans la majorité des cas et domestique donc cachée par les activités principales surtout si elles sont pratiquées par les femmes !

La consigne du sel de 1789 semble être le seul dénombrement tentant une liste sans doute incomplète mais certainement représentative. 58 regroupements familiaux pratiqueraient cette activité produisant des draps de laine ou tissus de lin utilisés dans le ménage, vendus dans d'autres maisons de Foncouverte ou même à Saint-Jean.

Mais il semblerait que cette activité soit particulièrement développée dans certains regroupements familiaux. Le tableau suivant donne la répartitions des tisserands en fonction des catégories socio-économiques établies par le secrétaire.

Catégories Pauvres Très médiocres Médiocres Aisés
(a) Répartition des tisserands % 34 21 39 9
(b) Proportion dans la catégorie % 33 57 19 16

La ligne (a) précise cette répartition par catégories tandis que la ligne (b) traduit, dans chaque catégorie, la proportion des regroupements familiaux pratiquant le tissage.

Manifestement, les très médiocres sont les plus actifs, un peu moins les pauvres qui n'ont pas tous la possibilité de posséder un métier à tisser. Quant aux médiocres et aux aisés, ils peuvent souvent se dispenser de ce travail supplémentaire.

Le curé Dufour signale dans ses mémoires qu'en 1860 le nombre de métiers à tisser dépasse 60. Par la suite, ce nombre ne fait que décroître. La chose serait en relation avec l'ouverture des carrières qui attirent plus les jeunes et avec le rattachement de la Savoie, le commerce et le prix du bétail augmentant fortement. Fontcouverte s'oriente alors préférentiellement vers l'activité pastorale.