Fontcouverte
 

Fécondabilité des Fontcouvertines

On rappelle que, pour les démographes, la fécondabilité d'une femme est la probabilité qu'elle a de concevoir au cours d'un de ses cycles menstruels.

Il est évident que la fécondabilité d'une femme dépend de son âge :

Une estimation de la fecondabilité moyenne peut être obtenue en analysant l’intervalle de temps séparant le mariage d’une femme et la naissance de son premier enfant (du moins supposé tel). Cet intervalle appelé « protogénésique » est relativement peu influencé par les phénomènes apparaissant aux naissances suivantes. L'intervalle protogénésique est ainsi un indicateur intéressant de la fécondabilité bien qu'il puisse être biaisé par la fréquence des rapports sexuels.

Conventions

Les intervalles protogénésiques sont comptés en jours à partir du jour de mariage. Dans les graphiques portant, sur l'axe (horizontal) du temps, des mois ceux-ci sont pris égaux et de 30,4 jours. La numérotation des mois part donc de 0 pour les 30,4 (= 365,4 / 12) jours suivant immédiatement le mariage, puis 1 pour les 30,4 jours suivants...

Les intervalles protogénésiques

Les graphiques suivants sont relatifs aux intervalles protogénésiques des couples dont :

Dans ces conditions, les intervalles observés entre 1587 et 1900 vont de -140 à 280 mois, comptés à partir du jour de mariage.

Les intervalles fortement négatifs correspondent à des conceptions avant mariage ou à des reconnaissances tardives. Ils correspondent à des circonstances particulières plutôt administratives.

Les intervalles positifs élevés peuvent recevoir diverses explications liées :

Nous limitons la représentation aux intervalles protogénésiques compris entre -3 et 46 mois, les plus intéressants et de loin les plus nombreux.

Les graphiques suivants donnent la répartion des intervalles groupés et classés par semaines. Les trois premiers distinguent les trois siècles d'études, le dernier les regroupant.

XVII (1601-1700) XVIII (1701- 1800)
XIX (1801-1900) 1601-1900

Manifestement, les trois périodes séculaires traduisent le même phénomène sans évolutions marquées dans le temps.

Le graphique global peut ainsi servir à une analyse précise des intervalles protogénésiques à Fontcouverte.

Pratiquement, on peut distinguer trois phases en admettant qu’une gestation, commençant à la date de l’ovulation (pour nous la date de mariage) et se terminant à l’accouchement normal, dure entre 34 et 40 semaines soit approximativement 8 à 9 mois  :

Dans le détail, la dernière phase semble présenter des discontinuités à 17, 25 et 34 mois correspondant à des intervalles excédentaires de 1, 2 voire 3 fois 8,5 mois. Les ressauts des proportions, par rapport à ce qu’on pourrait estimer comme l’extrapolation au-delà de 16 mois de la décroissance observée entre 8 et 16 mois, pourrait alors correspondre :

On peut noter que ces à-coups sont particulièrement visibles au XVIIe siècle, époque où les archives sont les moins sures, des fratries pouvant être tronquées par la limite temporelle des archives (théoriquement 1587, pratiquement 1603).

En guise de synthèse voici encore un graphique présentant les intervalles groupés par mois de façon à rendre les résultats moins détaillés mais plus stables. Manifestement, les mois 9 et 10 sont de loin les plus favorables même si des intervales plus longs restent plausibles, décroissant régulièrement en nombre jusqu'à 2 ans environ.

Un modèle, ajusté aux intervalles protogénésiques, est établit pour représenter au mieux la distribution que l'on peut concevoir de ces intervalles sur 2 ans (et même extrapolés un peu hardiment jusqu'à 4 ans avec des valeurs extrêment faibles). Ce modèle est utilisé pour la comparaison des intervalles protogénésiques aux intervalles des naissances suivantes.

Les intervalles protogénésiques dans le détail

Avec une loupe fortement grossissante, pour les intervalles entre 7 et 17 mois, le graphique suivant détaille le nombre journalier de naissances et la moyenne mobile sur 3 jours qui atténue les fortes fluctuations rapides jugées a priori aléatoires. Il précise en particulier les deux pics vers 9 et 10 mois.

On doit noter que toutes les valeurs données précédemment sont approximatives. En effet, les paramètres physiologiques sont de nature aléatoire : durée des cycles et des temps de gestation imprécises et fluctuantes conduisant à des naissances réparties sur plusieurs semaines, les cycles, de plus, se chevauchant les uns les autres.

Les deux premiers pics particulièrement nets, suivis d'autres moins caractéristiques, pousseraient à estimer avec prudence la durée moyenne du cycle des Fontcouvertines à une valeur de 35 jours environ à comparer aux 28 jours admis actuellement. Serait-ce là la trace des conditions de vie relativement dures des anciens siècles ou un simple artefact de nos calculs ?

Estimation d'un intervalle protogénésique moyen

Malgré les difficultées rencontrées dans la détermination de ces intervalles et le peu de sens d'une moyenne du fait de leur loi de répartition, un calcul est réalisé après vérification que les intervalles ont très peu changé au cours des siècles et sont pratiquement indépendants statistiquement de la taille finale des familles. Un intervalle moyen général de 14 mois (environ 425 jours) peut être retenu comme un ordre de grandeur.

Une estimation de la fécondabilité des Fontcouvertines

Un calcul de la fécondabilité est hasardeux quand on ne dispose que des informations de l'état civil. Nous le tentons cependant, nous attendant à des imprécisions non négligeables.

Il conduit à une estimation possible de 0,16. Autrement dit, les Fontcouvertines, dans le contexte de leur vie, auraient en moyenne moins d'une chance sur six de concevoir au cours d'un de leurs cycles. Les démographes précisent des valeurs de la fécondabilité de l'ordre de 0,2 à 0,3 sans que nous sachions quelles sont exactement les conditions de leurs calculs (localisation géographique, ancienneté, niveau économique des populations...). N'accablons pas trop vite nos Fontcouvertines... encore faut-il que leurs époux soient présents et non pas « partis pour faire les foins dans le Piémont », pratiquer le ramonage ou le colportage... encore que cela soit peu probable juste après un mariage.

En résumé... et sous toutes réserves

Peut-être pouvons-nous avancer, malgré tous nos doutes, les points suivants.

Par rapport à nos normes modernes :

Le contexte de vie plutôt défavorable dans les montagnes aux anciens temps en seraient peut-être la cause.

Pourtant, avec leur obstination, les Fontcouvertines contribuent activement à la formation d'une population abondante, dépassant même les moyens de subsistance à Fontcouverte