Les difficultés d'identification des propriétaires
dans la tabelle de 1730
Nous pensions pouvoir identifier les propriétaires du cadastre de 1730 dans la structure de la population de Fontcouverte en nous appuyant sur le résultat un peu exceptionnel (nous disposions en particulier de l’âge des personnes) acquis au recensement de 1734 où nous avons identifié 99 % des personnes résidant à Fontcouverte. Dans la consigne du sel de 1734, où les informations concernant les personnes sont réduites, un taux d’identification de 84 % a été cependant obtenu. Nous nous attendions naturellement à devoir tenir compte dans la tabelle de personnes étrangères à Fontcouverte, en nombre relativement limité (15 à 20 %).
La lecture de la tabelle du cadastre de 1730 montre facilement la grande pauvreté des informations disponibles. Il s’agit tant du nombre d’informations sur chaque personne que de la qualité de ces informations.
Concernant le nombre d’informations celui‑ci est
réduit :
Concernant la qualité des informations.
L’expression orale, donnée par l’indicateur (ou le propriétaire), du nom et du prénom du propriétaire peut être difficilement compréhensible par le géomètre ou le trabucant (il faut passer du patois au français via l’italien). Ces informations de terrain sont ensuite reprises, dans les livres successifs conduisant enfin à la tabelle générale, par les personnels de Chambéry qui n’ont aucune connaissance de ce qui se pratique à Fontcouverte.
Certains noms ont par ailleurs évolué tel Domnier pour Dompnier. Plus gênant sont les évolutions dans l’usage des patronymes doubles très répandus à Fontcouverte tels que les définit le curé le jour d’un baptême et plus ou moins repris dans la coutume familiale. Les Claraz Bonnel sont systématiquement retranscrits exclusivement en Claraz ou en Bonnel dans la tabelle, de même pour les Gilbert Collet qu’on ne retrouve au cadastre qu’en Gillibert ou en Collet, pour les Viffrey Bouttaz en Viffrey ou en Boutta, les Viffrey Bullière en Viffrey ou Bullière, les Vincent Adret en Vincent ou Adret, voire en Adret avec prénom Vincent. Un Viffrey dit Monettaz est le seul à garder son double patronyme. Si le curé juge utile de pratiquer dans son état civil les noms doubles pour éviter les ambigüités, il a certainement ses raisons !
Quant aux prénoms mentionnés dans la tabelle, il semble logique qu’il s’agisse de ceux d’usage éventuellement bien différents de ceux de l’état civil. Les prénoms doubles peuvent donner lieu à diverses interprétations locales, en général orientées à la simplification (le prénom Jean Baptiste n’est par contre jamais dissocié).
Avec tous ces doutes ou ambigüités possibles, la recherche dans la base de données de la population des individus tels que mentionnés dans la tabelle, parait difficile voire hasardeuse.
Nous avons tenté de réduire la recherche dans l’état civil aux seules personnes susceptibles de pouvoir être propriétaires en 1730. Nous avons retenu les critères suivants pour cette limitation :
La recherche dans la base d'état civil suivant ces critères contraignants, à partir des seuls nom et prénom d’une personne, conduit alors à une liste de candidats possibles (avec précision supplémentaire éventuelle que le père est mort ou vivant au moment des levés de terrain). Cette liste comporte, pour un nom et un prénom de propriétaire, entre 1 et 10 personnes éligibles.
Chacune de ces possibilités est alors contrôlée dans la fiche d’état civil de la personne testée dans le seul but d’éliminer des candidats fortement inadaptés sur des critères simples d’état civil ou de présence lors des recensements et consignes du sel de l’époque. La liste peut alors être réduite dans la plupart des cas à 1 à 5 après contrôle de pertinence. Ce piètre résultat montre, à lui seul, l’abondance des ambigüités possibles et des indéterminations qui s’ensuivent sur la recherche des propriétaires.
Les ordres de grandeur suivants peuvent être retenus à titre indicatif parmi les propriétaires fontcouvertins constitués de personnes physiques :
Ces valeurs ne doivent pas faire illusion. Dans les 50 % de la première catégorie, le quart au moins est constitué d’identifications malgré tout douteuses. Le fait de ne disposer que d’un seul candidat n’est pas la preuve que celui-ci est le bon.
Les personnes non trouvées peuvent provenir de lacunes dans la structuration de la population, en particulier celles étrangères à la paroisse, mais aussi d’erreurs dans les critères incompatibles donnés par la tabelle.
Les personnes constatées comme indéterminables dans la structuration de la population sont un indice de la pauvreté de la tabelle dans l’usage d’une patronymie efficace à l’identification certaine des propriétaires. On peut s’étonner d’une telle lacune dans le travail de cadastration qui se veut très rigoureux.
Enfin, à titre de comparaison, les actes notariés que nous avons
étudiés au voisinage de 1730 ont permis, grâce aux informations qu'ils
donnent sur les nombreuses parentés d'une famille (dans les héritages
en particulier), une identification précise dans notre base d'état
civil de la
totalité des Fontcouvertins mentionnés dans les actes que nous
avons
étudiés.
Il nous échappe certainement tous les liens de connaissance que les Fontcouvertins entretiennent entre eux ce qui n'enlève pas les ambigüités qui peuvent intervenir quand les mémoires s'estompent dans le temps.