Fontcouverte
 

Les noms des famille de Fontcouverte

Afin d'assurer l'objectivité de l'étude des patronymes de Fontcouverte, nous avons recours à une statistique relativement homogène couvrant la totalité du temps analysé. Il s'agit des noms des nouveaux-nés mentionnés dans les actes de naissance ou de baptême. Tout paraît simple mais pose, malgré tout, de nombreuses questions.

Les problèmes

La rédaction des actes précisent le nom du père et non pas celui du nouveau-né. Cette nuance nous paraît bien peu pertinente à notre époque où les noms sont bien fixés (cela ne va peut-être pas durer !) Au cours des siècles qui nous intéressent, il n'est pas certain que l'enfant gardera exactement ce nom tout au long de sa vie (tel qu'on peut le retrouver à son mariage, à la naissance de ses propres enfants et à sa mort). Une évolution, tant sur la structure du nom que sur son orthographe, peut alors apparaître rendant incertain le patronyme à prendre en compte.

Les plus anciennes archives donnent le nom du père en latin. La traduction en français est la plupart du temps claire. L'emploi d'abréviations est parfois moins évidente : par exemple le nom « gba » est un racourci regroupant « ba » pour « baz » et « q »  (abréviation du mot latin très fréquent quondam signifiant défunt) pour « Com » !). Dans tous les cas, une traduction en français s’impose malgré tout pour nous. Nous l'avons assurée à la saisie des actes de baptême.

Fontcouverte n’échappe pas à la tradition savoyarde des noms composés. Lorsqu’un patronyme devient trop répandu, le curé est tenté de différencier des branches dans ce patronyme. Il utilise plusieurs ressources :

Ce nouveau nom composé se transmet ensuite de générations en générations sans garder le souvenir exact du fondateur. Si une tendance simplificatrice se fait ensuite sentir, ne sera retenu que le premier nom ou, pourquoi pas, le second ! Ainsi un Bouttaz pourra être un Bouttaz de souche ou un Viffrey Bouttaz réduit au second nom.

Quant à l’orthographe des noms propres, elle est généralement très incertaine à une époque où les mots courants ne sont pas, eux-mêmes, fixés. Un vieil ancêtre de prénom (c'est ainsi qu'on l'appelle à l'époque) d’origine germanique comme Wilfried aura donné, comme cela arrive souvent, son prénom comme nom pour faire un Viffreyd puis un Viffrey. Un habitant d’un village bien exposé au soleil prendra le nom de son village pour donner un Adret qu’on écrira Adreyt ou Adrait. Si nécessaire, certaines corrections ont été faites lors que la saisie des actes.

On peut aussi mentionner l’effet du langage local. Les habitants d’un village initialement peuplé par des Anselme, du prénom du fondateur, peuvent ainsi devenir des Anselmoz, voire des Ansermoz par glissement classique du « l » au « r ».

On imagine alors la difficulté d’identifier les patronymes dans leur évolution au cours du temps. Nous avons dû, pour notre analyse, réaliser une normalisation des patronymes, normalisation généralement assez facile en tout cas indispensable à nos calculs. De plus, il nous a été nécessaire de faire des regroupements de patronymes, en particulier ceux composés, pour les rattacher, quand cela est utile, à leur source.

Notre échantillon de patronymes des 13 716 naissances à Fontcouverte entre 1587 et 1900 donne ainsi :

Ne sont pas pris en compte les rares enfants naturels dont le patronyme est celui de la mère ou celui du père quand on le connaît.

Une vision globale

Il est naturellement impossible de représenter l’évolution de tous les patronymes normalisés observés. Certains d’ailleurs sont extrêmement peu représentés. Nous n’analysons ainsi que les dix groupes les plus fréquents dans l’intervalle de temps considéré (1587 - 1900).

Le graphique donne, pour ces 10 groupes majeurs, la proportion annuelle qu’ils représentent dans la totalité des patronymes normalisés, proportion présentée sous forme de moyenne mobile sur 15 ans.

Les groupes présentés rassemblent de bas en haut les patronymes suivants :

Groupes Patronymes normalisés
ANSELME Anselme, Anselme Gaunoz
COVAREL Covarel
TARAVEL Taravel
VINCENT Vincent, Vincent Adret, Vincent Poret, Vincent Chardon
VIFFREY Viffrey, Viffrey Bouttaz, Bouttaz, Viffrey Bullière, Viffrey Monettaz, Viffrey Virot
DOMPNIER Dompnier
GILBERT COLLET Gilbert, Collet, Gilbert Collet
SIBUE Sibué, Sibue d’Alpettaz, d’Alpettaz, Sibué Chavonaz, Sibué d’Alpettaz Chavonaz, Sibué Racloz, Sibué Peirettaz
BOISSON Boisson (et Buisson), Boisson Carles, Boisson Rieux (ou Durieu...), Boisson Blanc, Boisson Romettaz, Boisson Bonjean
CLARAZ BONNEL Bonnel, Claraz, Claraz Bonnel, Claraz Papilloz, Claraz Nellaz, Claraz Poret, Claraz Martherey

Notre limitation aux 10 groupes les plus représentés se justifie dans la mesure où ces derniers représentent, à eux seuls, près de 70 % des naissances. 50 % de ces dernières sont concentrées dans les 6 groupes les plus représentés.

Les autres patronymes représentent 50 % dans la période 1587 - 1650 où la population de Fontcouverte se reconstitue, 35 % de 1650 à 1850 avant la décroissance liée aux mouvements de population de la fin du XIXe siècle. Cette part est d’ailleurs constituée de patronymes bien fontcouvertins mais n’ayant pas donné de nombreux membres.

Des patronymes externes à Fontcouverte apparaissent cependant régulièrement au cours du temps souvent en relation avec des mariages avec des Fontcouvertines. Ils n’ont généralement pas le temps, dans les siècles qui nous concernent, de faire fortune.

Il existe donc à Fontcouverte une réelle fixité des patronymes concentrée sur des fondateurs anciens mais durables. Cette spécificité n’est pas une caractéristique propre à Fontcouverte. Ainsi, est-il souvent facile de reconnaître dans les paroisses voisines l’origine d’une personne à son nom (le prénom peut également confirmer utilement cette origine) : les Constantin, les Bonnet (à ne pas confondre avec les Bonnel de Fontcouverte), les Verney sont d'Albiez-le-Vieux, les Duverney sous leurs diverses variantes sont de Villarembert tant qu'ils ne font pas souche à Fontcouverte.

Les groupes ont des devenirs variables.

A long terme, des groupes importants comme les Claraz et Bonnel ou les Boisson résistent assez bien jusqu’au milieu du XIXe siècle. Les Sibué gardent une importance ou même se développeraient. Le groupe des Gilbert et Collet ainsi que celui plus restreint des Taravel multiplient leur importance relative par 3 pour les premiers et 10 pour les seconds entre 1600 et 1900. De même, les Viffrey, stables en proportion jusqu’en 1800 s’accroissent fortement ensuite grâce à sa branche Bouttaz issue elle-même des Viffrey Bouttaz...

A l’opposé, les Vincent et les Anselme tendent à disparaître au XIXe siècle.

A plus court terme, des oscillations se manifestent. Leur interprétation n’est pas claire mais pourrait être la trace d’un effet de générations : il suffit d’une famille aux nombreux enfants arrivés à l’âge de se reproduire pour entraîner, au moins sur une ou deux générations, une amplification temporaire de leur proportion. On peut noter que nos regroupements réduisent fortement l’effet des habitudes des curés à gérer les patronymes composés ici regroupés sous le patronyme de la souche commune.

Globalement, on peut retenir une stabilité relativement grande de la patronymie des deux tiers des naissances. L’endogamie (mariages entre personnes de Fontcouverte) est certainement un facteur déterminant de ce phénomène.

Evolution des patronymes des divers groupements

L’expérience des archives montre que cette fixité globale cache d’importantes évolutions au sein même des groupes. Ce trait est caractéristique des patronymes composés.

Il suffit pour s’en rendre compte de rechercher, pour chaque groupe, l’évolution au cours du temps de la proportion du patronyme souche et celles de ses différentes variantes. Les graphiques suivants donnent ces proportions annuelles sous forme de moyenne mobile établie sur une période de temps courte (9 ans) de façon à mettre en évidence les variations brusques (qui sont cependant étalées dans le temps par le calcul de la moyenne).

Il est possible en glissant la souris sur les graphiques de faire apparaître les durées des ministères des divers curés de Fontcouverte qui ont un rôle éventuellement important dans les appellations des paroissiens (traits vertcaux noirs) ainsi que le passage aux archives laïques après le rattachement de la Savoie à le France (trait vertical rouge).

Un cas typique : celui des Sibué

La souche bien établie en 1587 est Sibué.

Mais devant l’accroissement du nombre des familles Sibué dès le début des archives d’état civil, les Curés Jean Pierre Vincent et Philippe Vincent pensent utile de distinguer ceux résidant à l’Alpettaz d’où le patronyme usité Sibué d’Alpettaz (cette distinction est antérieure à 1587), voire ceux héritant de leur origine Chavonaz. Le Curé Louis Dominjon dès 1617 accroît fortement l’extension de l’appelation Sibué d’Alpettaz et en crée quelques autres qui n’auront que peu d’avenir. Le Curé Pierre Marchand amplifie les distinctions dès 1633, le Curé Claude Domonjon, au contraire limitant fortement l'emploi des variantes réduites aux Sibué d’Alpettaz. Le Curé Antoine Augert reprend l’habitude des distinctions multiples alors que le Curé Claude Monod, non originaire de la paroisse, les réduit à son tour à partir de 1674. Au contraire, à partir de 1693, le Curé Jean Baptiste Favier ne connaît pratiquement plus que la variante Sibués d’Alpettaz même si ces derniers habitent en fait à Charvin (la variation est héritée quelle que soit le lieu de résidence). Enfin, le Curé Jean Pierre Didier réduit son emploi des distinction pour les abandonner totalement dès 1770 au milieu de son ministère. On ne connaît pratiquement ensuite que des Sibué même si leur nombre est important.

Nous tenons là un exemple typique de l’arbitraire des patronymes composés. Ceux-ci dépendent, dans notre exemple, essentiellement des curés, de la perception qu’ils ont des familles et de l’usage qu’ils peuvent faire des archives dont ils disposent. S’il existait actuellement à Fontcouverte un Sibué d’Alpettaz, ce ne serait qu’un rescapé très improbable de l’extermination (administrative !) ancienne de ce patronyme.

De nombreuses variantes mais une souche très forte: le groupe des Boisson

Le patronyme Boisson, à l’origine du groupe, a subit une modification en 1792 (à en croire la date donnée par le Curé Auguste Boniface dans son livre de l'Etat des Ames de 1846) pour devenir Buisson. Il s’agit bien des mêmes personnes et nous ne distinguons pas les deux patronymes en retenant le seul vocable Boisson.

Certainement ancien dans la paroisse et fortement représenté le patronyme souche a cependant gardé longtemps de nombreuses variantes doubles, la plus répandue étant Boisson Carles sans doute issue d’une épouse Carles (peut-être non fontcouvertine) et Boisson Romettaz dont les ancêtres Romettaz (ou Rumettaz) sont bien connus en 1561. Curieusement, le Curé Jean Pierre Didier a usé abondamment, vers 1770, de plusieurs variantes (en particulier Romettaz) qui ne lui ont pas survécu. Après ce curé, on trouve bien encore quelques Boisson Carles mais l’extension du seul patronyme normalisé Boisson Durieu (en fait, du Rieu, Rieu, Rieux…), très probablement en relation avec le village du Rieu proche de La Rochette, apparaît surprenant de vivacité.

Globalement le patronyme Boisson a bien résisté au temps (sous ses deux formes) de nombreuses variantes disparaissant dès 1780. Si l’effet de générations est possible dans les variations rapides des proportions, le rôle des curés semble de nouveau important. La simplification générale en Savoie des patronymes composés se manifeste mais la variante Boisson Rieu perdure encore en 1900.

L’évolution irréversible des Claraz et des Bonnel

Ce groupe rassemble trois patronymes largement prédominants au cours des siècles : Claraz (avec quelques variantes), Bonnel et le patronyme composé Claraz-Bonnel.

Au début de notre histoire, pratiquement seuls existent les Claraz (largement prédominants) et les Claraz-Bonnel. Il s’agit certainement de patronymes anciens qui ont eu le temps de se développé, l’ancêtre Bonnel étant apparemment presque inexistant en 1587. Par la suite, les curés sont intervenu pour bousculer les proportions. A partit de 1674, le Curé Monod, peut-être pour simplification, ne distingue pratiquement plus les Claraz-Bonnel qu’il réduit en Bonnel. Le Curé Jean Pierre Didier en fait de même dès 1733 avant de revenir à des habitudes plus classique laminant de nouveau les Bonnel au profit des Claraz-Bonnel. Ces derniers réapparaissent ensuite en forte proportion qui reste prédominante jusqu’en 1900, époque à laquelle les Claraz semblent disparaitre.

L’interprétation de ces importantes fluctuations dans le temps parait bien difficile. Une fois de plus le rôle des curés paraît importante mais pas toujours compréhensible.

Un cas voisin : celui des Gilbert et Collet

Le groupe comprend trois patronymes bien distincts dans les archives et ne souffrant aucune variante supplémentaire : Collet, Gilbert et Gilbert-Collet. Il a donc tout pour montrer une certaine stabilité. C’est tout sauf le cas !

En 1587, le patromyne exclusif est celui de Gilbert mais il disparaît progressivement et complètement au cours de la reprise de population de la première moitié du XVIIe siècle à l’époque où le patronyme Collet devient à son tour exclusif. Il paraît impossible d’invoquer seulement des raisons purement démographiques pour expliquer le fait. A partir de 1630 les Collet sont la plupart du temps dominants avec cependant des épisodes où les Gilbert-Collet sont nombreux voire exclusifs, le tout semble-t-il en relation avec la personne des curés. On peut utilement observer les mêmes phénomènes aux mêmes périodes avec les Sibué. En 1900, les Collet et les Gilbert-Collet se partagent à 50 % des membres du groupe tandis que les Gilbert, assez nombreux de 1750 à 1875 disparaissent pratiquement.

Bien qu'a priori peu ambiguë, le groupe Gilbert et Collet confirme nettement la difficulté d'utiliser les patronymes standardisés pour connaître les évolutions réelles des patronymes associés.

Le groupe des Viffrey et ses évolutions relativement claires dans le temps

Ce groupe dispose de deux variantes nettement distinctes vers les Bullière et vers les Bouttaz par l’intermédiaire des patronymes composés Viffrey Bullière et Viffrey Bouttaz.

Le patronyme Viffrey est solidement implanté en 1587 ce qui traduit son ancienneté. Il présente cependant une variante Viffrey Bulière suite à un mariage entre les deux patronymes (il existe également d’autres variantes tout à fait mineures en 1587).

La variante Viffrey Bullière prend une extension importante au dépend des Viffrey jusqu’en 1730 (voire 1770). De leur côté, les Bullière restent en nombre réduit en relation possible mais incertaine avec les décroissances temporaires des Viffrey Bullière.

La variante Viffrey Bouttaz est promise à un avenir plus brillant. Apparue dans le temps de notre étude vers 1610, elle serait liée à une origine relativement récente (il n’existe pas de Bouttaz à Fontcouverte en 1561). Elle devient rapidement prédominante pour atteindre à elle seule 50 % du groupe vers 1775. Les Bouttaz apparaissent occasionnellement au gré des curés avec Claude Monod vers 1675 et Jean Pierre Didier vers 1740 connus pour leur sens de la simplification (voir ci-dessus les Claraz et Bonnel).

A partir de 1880 environ et le Curé Ignace Roulet, les Viffrey Bouttaz apparaîssent très réduits. Simultanément les Bullière décroissent progressivement de 40 à 10 % du groupe et les Viffrey Bouttaz disparaissent pratiquement de façon complète tandis que les Bouttaz acquièrent une place très prépondérante pour atteindre 90 % dans le dernier quart du XIXe siècle.

Cet exemple confirme l’influence des curés dans la patronymie et son évolution. Elle montre par ailleurs comment un patronyme (extérieur à la paroisse) est susceptible de prendre sa place à Fontcouverte en moins de deux siècles. Il est vrai que les Bouttaz ont quelques belles familles dont des enfants sont nombreux et connus comme célèbres.

Pour illustrer le glissement progressif du patronyme Viffrey au patronyme Bouttaz, voici l’exemple des ascendants masculins de notre guide Marie Baptiste Bouttaz.

Prénom et nom du père (1) Naissance Nom du père des enfants (2)
Marie Baptiste Bouttaz 1878  
Jean Pierre Bouttaz 1840 B   B   B   B   B
Clément Bouttaz 1816 B   B   B   B   B   B   B   B
François Bouttaz 1784 B   B   B   B   B   B
Claude Viffrey Bouttaz 1751 VB   VB   B   B   B   B   B
François Viffrey Bouttaz 1713 B   B   B   B   VB   VB   (3)
Jean Pierre Viffery Bouttaz 1687 VB   VB
François Viffrey Bouttaz 1658 B   VB   VB   VB   (3)
Antoine Viffrey Bouttaz 1619 VB   VB   VB   B   VB   (3)
Guillaume Viffrey ? V   V   VB   VB   VB   VB   VB   VB

(V = Viffrey, VB = Viffrey Bouttaz, B = Bouttaz. La liste des enfants est donnée dans l’ordre chronologique des naissances).

(1) Il s’agit du nom du père du père à la naissance de ce dernier.
(2) Il s’agit du nom du père à la naissance de ses enfants.
(3) Le nom du père ne suit pas l’ordre chronologique prévisible (B pour VB).

Le tableau confirme clairement les points suivants :

Un grand saut pour remonter jusqu’en 1561

Si les archives d’état civil nous permettent une analyse détaillée et quantitative des patronymes, nous aimerions encore savoir d’où viennent les résultats débutant en 1587.

Jacques Sibuet Drapota
Mauris Claude Françoisa Jacquema
Margueritta et Drea ses enfants
tient trois vaches trois mouges un beuft vingt
brebis
Recensement de 1561  (Document et transcription ADS)

Nous disposons d’un recensement datant de 1561 qui pourrait nous aider. Malheureusement, le recensement n’a pas été fait pour nous éclairer. Il est rédigé par le commissaire Rybet qui n’est pas de Fontcouverte et semble avoir du mal à bien entendre les noms qu’on lui donne. Sa belle écriture du XVIe siècle nous est pratiquement illisible et nous devons avoir recours à la transcription faite par M. Modelon des Archives départementales de Savoie. Malgré tout son mérite de lecteur, ce dernier n’est pas, lui non plus, de Fontcouverte et n’est pas familier des noms de la paroisse. Heureusement, nous pouvons normaliser bien des noms exotiques : les Sibuant sont certainement des Sibué, les Darpeta ou les Drapota sont à coup sûr de Sibué d’Alpettaz, les Rumet sont de façon quasi certaine des Romettaz, les Visfrey des Viffrey et les Donier des Dompnier (nous connaissons dans les archives d’état civil des écritures et des orthographes assurant clairement les transitions).

Enfin, il ne s’agit que de personnes bien vivantes et non des naissances. Celles-là sont regroupées avec une filiation très souvent incontrôlable dans des maisons. Nous nous contentons de relever le nom du chef de maison et d’en faire le décompte. La comparaison avec nos calculs est ainsi bien difficile mais peut-être au moins indicative (l'hypothèse sous-jacente serait que, statistiquement, les familles auraient un nombre égal d'enfants).

Les patronymes que nous ne connaissons pas dans les archives d’état civil sont nombreux : des patronymes auraient disparu ou se rapporteraient à des personnes ne faisant pas exactement partie de la paroisse.

D’autres patronymes correspondent à ceux que nous connaissons et concernent, chacun, peu de personnes. On peut les assimiler aux Fontcouvertins n'appartenant pas aux 10 groupes majeurs de notre étude.

Si, par contre, nous nous intéressons aux 10 groupes majeurs, une estimation approximative des répartitions, à défaut des valeurs absolues, est envisageable.

La répartition suivante peut être retenue.

54 % des occurrences font partie des 10 groupes majeurs (contre 48 % en 1587) se répartissant selon les proportions du graphique suivant en comparaison des mêmes proportions observées en 1587.

Malgré les grandes différences entre les méthodes de collecte et d’interprétation, il apparaît que les deux répartitions sont extrêmement voisines. Les grands groupes patronymiques sont déjà établis en 1561. Peut-être peut-on seulement noter le déclin relatif du groupe Sibué.

A l’intérieur des groupes, les variantes du patronyme souche sont marquées sans que l’on puisse affirmer la réalité des changements.

Dans le groupe Claraz Bonnel, le patronyme Claraz représent 90 % du groupe, les Bonnel sont inéxistants mais le patronyme composé Claraz Bonnel représente 10 %. Ce point confirme la rareté des Bonnel connue plus tard pendant de nombreuses années. Mais il a bien dû en exister avant 1561 pour justifier le patronyme double.

Le patronyme souche Boisson constitue à lui seul 70 % de son groupe. Les 30 % restants regroupent les variantes connues par la suite (des Boisson Clare ne sont sans doute pas une variante disparue par la suite mais une erreur d’écriture pour Boisson Carle(s)).

Le groupe Sibué est constitué pour un tiers des Sibué d’Alpettaz sans autres variantes mentionnées.

Le groupe Gilbert Collet est par contre très différent en 1561 de celui qu’on connaît en 1587. Bien qu’il soit très peu volumineux dans ces anciens temps, on noterait l’absence totale des Gilbert en 1561 ce qui est en opposition totale avec les archives d’état civil. La répartition du groupe en 1561 est exactement celle constatée en 1630 (le curés Jean Pierre Vincent aurait eu une forte tendance à la simplification que son successeur Philippe Vincent aurait mis 30 ans à résorber en reprenant puis complétant les archives de son prédédesseur !)

Le groupe Viffrey est le plus clairement instructif. Le patronyme souche représente les deux tiers du groupe, le reste comprenant des variantes diverse dont la variante Viffrey Bullière dans une seule maison. Les Bullière étant totalement absents, on retrouve une répartition assez voisine de celle de 1587. Le plus remarquable est l’absence totale des Bouttaz tant sous le nom composé Viffrey Bouttaz que sous le patronyme simple Bouttaz.

Déclaration de propriété des hoirs (héritiers)
de Jean Vifrey dans le Livre de la taille de 1585

Un Guillaume Viffrey nous est connu sous ce nom (plus exactement celui de son père Jean) à son mariage en 1606. Au cours de sa vie, on le nomme Viffrey puis Viffrey Bouttaz à la naissance de ses enfants et sous le même vocable à la mort de son épouse en 1652. Un certain nombre de Viffrey Bouttaz sont signalés dans le Livre de la taille de 1585 mais aucun Bouttaz sauf dans des énumérations simplificatrices ou dans de courtes notes en marge dont la date n’est pas connue bien qu’ancienne comme le montre la belle page ci-contre. Aucun Bouttaz n’est signalé dans le recensement de 1561 dans les paroisses avoisinantes, y compris Saint-Jean-de-Maurienne. Voilà donc un patronyme dont la date d’apparition est assez bien connue sous forme composée mais dont l’origine reste totalement hors de notre connaissance… et pourtant, il fera fortune au XIXe siècle. Le patronyme Bouttaz (qui signifierait « fabricant de tonneaux ») serait-il arrivé de loin pour l'époque lors de la reconstitution de la population de Fontcouverte au début du XVIIe siècle ?

Que peut-on retenir de notre étude ?

Même si l’on se borne aux patronymes les moins complexes, l’analyse de la patronymie et de son évolution à Fontcouverte n’est pas particulièrement aisée. Les curés de Fontcouverte nous laissent bien des pièges !

Les patronymes simples sans variantes sont nombreux mais ne représentent que moins de 50 % des personnes. Si l’on écarte les difficultés de lecture des actes, voire les erreurs des rédacteurs, on peut seulement craindre leurs faibles représentativités statistiques du fait des nombres très réduits mis en jeu.

Les patronymes composés correspondent à des patronymes souches dont les volumes obligent les curés à des distinctions plus fines. Le nombre des personnes concernées est généralement important donc relativement facile à traiter. Mais on se heurte au manque de continuité dans la logique d’enregistrement des noms par les curés. On doit admettre de nombreuses discontinuités souvent imprévisibles rendant l’analyse des patronymes, même s’ils sont normalisés, comme très douteuse du moins pour les évolutions à court ou moyen terme. Lorsqu’on dispose de documents laïcs (dénombrements par exemple), on constate que les noms d’usage sont généralement plus simples que les noms composés de l’état civil. Cette tendance se manifeste, d’ailleurs, dès la fin du XVIIIe siècle dans les archives de la cure.

Le niveau d’analyse qui paraît le plus adapté reste ainsi celui des groupes rassemblant le patronyme souche ainsi que ses diverses variantes. Se pose alors le problème des regroupements à réaliser pour dégager les tendances évolutives significatives.

Si vous vous appelez Sibué, vous ne saurez donc jamais comment s’appelaient exactement vos ancêtres au XVIIe siècle (ils avaient en plus des habitudes personnelles s'écartant de celle de l'administration ecclésiastique) et si vous êtes un Collet, c’est peut-être grâce à un curé de 1700, voire de 1600, que vous avez échappé à l’appellation de Gilbert !