Fontcouverte
 

Consanguinité, maladies génétiques, héréditaires et congénitales

La relation pouvant exister entre la consanguinité et les tares diverses affectant certaines familles est bien connue à l'époque actuelle. Elle a aussi été étudiée dans un certain nombre de cas particuliers, avec de très importants moyens et couvrant de nombreuses communes françaises, par les historiens démographes à la recherche, d'ailleurs vaine, de l'ancêtre incriminé pour des périodes plus anciennes. Les éléments manquent pour faire sérieusement une telle étude à Fontcouverte. Pourtant le lien entre consanguinité et problèmes biologiques est bien connu des généticiens, en particulier la mortalité fœtale et néonatale.

Quelques informations « techniques » de génétique et d'épigénétique (lecture non indispensable)

Le lien entre un caractère transmis (en général on s’intéresse surtout aux tares et plus rarement au génie !) et la consanguinité des géniteurs est très complexe et ne peut être décrit ici que schématisé à l'extrême.
Pour simplifier, un gène peut se présenter sous deux versions voisines mais différentes. Par exemple, un gène peut avoir les formes A ou a du caractère avec les fréquences respectives p et q = 1 – p. La rencontre des deux gènes du père et de la mère peut ainsi conduire aux combinaisons AA, Aa et aa avec des probabilités facilement calculables. Certaines tares peuvent être portées, par exemple par l'occurence a, sans que les individus manifestent cette tare dans le cas Aa alors que seuls les cas aa extériorisent réellement l'anomalie. Connaissant les valeurs de q (proportion dans la population des porteurs du cas a pour une tare donnée) et le coefficient fxy des géniteurs on peut calculer la probabilité de se trouver dans le cas aa. On montre que le rapport du nombre des cas aa au nombre de tous les cas possibles (AA,Aa et aa) croit rapidement avec fxy et décroit avec q. Ainsi, un mariage entre oncle et nièce présente 20 fois plus de chances de donner naissance à un enfant taré qu’un mariage non consanguin si la fréquence q est de 1/100 (valeur courante pour de nombreuses tares mais conduisant à une proportion faible d'individus tarés). Ce rapport est réduit à 2,3 pour une valeur de q de 1/10.

Les recherches les plus récentes montrent que les héritages génétiques sont bien plus complexes que ceux décrits ci-dessus. Des gènes peuvent avoir leur action inhibée ou activée de façon momentanée, voire définitive, par les conditions environnementales et la perception qu'on en a. Nous ne dépendrions pas exclusivement des gèmes hérités une fois pour toute de nos parents. Nous serions en mesure d'en modifier personnellement l'expression. C'est la théorie épigénétique qui nous libère du tout génétique.

La valeur de la consanguinite moyenne, caractérisée par fm, est assez faible (bien que fortement croissante au cours du XIXe siècle) à Fontcouverte, pour que l’apparition d’une tare puisse être crainte nettement au dessus de la moyenne dans l’ensemble de la population. Par contre, il se peut que certaines familles fortement consanguines puissent donner naissance à des enfants tarés en proportion inhabituelle.

Malheureusement, on connaît mal, par les archives disponibles, les différentes tares héréditaires possibles à Fontcouverte et encore moins la valeur de la fréquence du gène anormal correspondante q. Le recensement de 1716 mentionne une quarantaine d'états pathologiques : quatre cas d'infirmité des deux yeux et trois d'un seul qui pourraient être accidentelles, quatre infirmes des deux jambes et six d'une seule. Il est difficile de distinguer les infirmités de naissances de celles survenues au cours de la vie. L'aspect ponctuel du premier recensement comportant des informations sur l'état sanitaire que nous possedons ne permet pas de connaître l'aspect héréditaire des faits.

Bien que difficile, une étude pourrait être envisagée concernant la fréquence des fausses couches tardives et des enfant morts dans leur premier mois de vie : il est considéré que ces cas (hormis les accidents mécaniques à l'accouchement) auraient, avec une forte probabilité, une origine génétique. Hélas, on ne connait pas exactement, à partir des archives d'état civil, les cas d'avortements spontanés précoces qui sont les plus caractéristiques d'anomalies génétiques. Tenant compte des morts-nés connus et des fausses couches inconnues mais possibles apparaissant dans les archives sous forme de trous dans la régularite des naissance dans une famille, peut-être serait-il possible d'établir des liens généalogiques entre familles soumises à ce genre de problème.

Comme preuve, on peut donner des cas de familles dont les enfants meurent en proportion étonnante à leur naissance ou peu après. C'est, à titre d'exemple, le cas de Jean Vincent. Des dix enfants que nous connaissons et qu'il a eu avec Marguerite Taravel trois sont morts-nés, six sont morts avant une semaine, le dernier est mort à onze jours. A en croire la grande régularité, au rythme annuel, des conceptions de Marguerite, on peut probablement ajouter trois à cinq fausses couches. De plus, Jean fait partie d'une fratrie dont nous avons retrouvé quatre enfants : seul Jean a survécu, ses frères et soeurs étant morts à trois mois, deux mois et un jour (sans compter une ou deux fausses-couches possibles). De son côté, Marguerite a une sœur Michelle dont les dix enfants sont morts-nés ou quelques jours après leur naissance, seules des filles ayant survécu.

Il n'y a que les cas de « crétinisme » pour être parfois notés dans les archives d'état civil (en général pour justifier un décès précoce ou l’absence d’administration de sacrements avant le décès). Nous avons relevé 67 cas signalés, nombre certainement très sous-évalué. Les Livres de âmes et les Fiches matricule des conscrits natifs de la fin du XIXème siècle apportent quelques éléments supplémentaires. Mais cette pathologie, fortement présente à Fontcouverte, n'est pas à proprement parler une maladie héréditaire. Elle est congénitale c'est à dire acquise dès la naissance. Dans certains cas seulement, elle peut relever cependant de l'hérédité et de la consanguinité. Quoiqu'il en soit, l'endémie de « goitre et de crétinisme » est un trait important de la vie à Fontcouverte.

En attendant le séquençage moderne de l'ADN, saura-t-on jamais quels gènes étaient la cause de toutes ces tares et comment ils se manifestaient autrefois à Fontcouverte.