Fontcouverte
 

Succès et échecs du dispositif de santé de 1630 à 1632 à Fontcouverte

L'« isolement » : un succès évident.

L’analyse de détail du journal montre que le dispositif mis en place concernant l’isolement des malades est assez efficace. Les morts peuvent être plusieurs dans une maison infestée mais le nombre de telles maisons est relativement réduit. Ceci conduit à un nombre total de décès relativement faible pour l’importante population de Fontcouverte. Le travail du comité de santé n'aura pas été vain. La dispersion de l'habitat de la paroisse contribue aussi très certainement à l'isolement des foyers pesteux. Malgré toutes les précautions prises des cas de contagion restent possibles du fait des déplacements et des contcts toujours possibles entre personnes considérées comme saines mais portant sur elle le bacille.

La « purification » des personnes et des maisons : un échec certain.

L'inefficacité du comité de santé dans ce domaine est nette mais s'explique complètement par la très faible connaissance de la nature du mal en 1630. Le rôle du comité de santé est d'ailleurs très réduit sous cet aspect : assurer le lavage et le changement d'habits des personnes suspectes et le lavage de leur bétail sont des point probablement positifs mais il n'en est pas de même dans la réalisation du nettoyage des maisons. Enfin, aucun traitement des malades n'est de la compétence du comité de santé ni d'ailleurs de personne... le médecin fait des diagnostics mais, à la vue des archives, ne suggère aucun traitement.

Pour juger des moyens préventifs voire curatifs disponibles à l'époque nous citons quelques documents disponibles concernant le nettoyage des maisons et les remèdes connus contre la maladie.

Le nettoyage ‑ désinfection des maisons

On a la chance de connaître, sinon les méthodes, du moins les produits utilisés par les cureurs pour nettoyer et « parfumer » trois maisons de Fontcouverte.

La maison de Jean Combaz sera-t-elle réellement « purifiée » ? En fait non !

Voici la recette utilisée en 1632.

« Pour la maison de Jean Combaz et chambre séparée

(Le sublimé serait du chlorure de mercure).

Ces produits sont répandus dans la maison par combustion sur du foin ou de la paille enflammée.

Il y a là de quoi faire fuir les rats éventuels dans leurs trous et détruire les puces les plus exposées mais pas d’aseptiser complètement une maison.

D’ailleurs les résultats sont là. Le journal relate des opérations de nettoyage dans 12 maisons seulement. On ne connaît en général pas l’aboutissement d’un nettoyage qui ne conduit pas au décès de celui qui subit l’épreuve, ce fait étant également vérifié quand plusieurs nettoyages successifs sont nécessaires dans une maison si un échec a été rencontré.

En comptant toutes les épreuves, y compris celles dont on ne connaît pas le résultat mais qu’on peut compter pour un succès final (si un décès était intervenu, les archives l’auraient probablement noté), on relève 21 nettoyages, 12 seulement sans compter les épreuves à fin inconnue. Le nombre de personnes en épreuve atteintes de la peste est de 9. La probabilité de mourir en épreuve est alors très élevée. Il faut noter que pour avancer ces probabilités, nous avons contrôlé que le décès intervient au terme d’un temps assez long pour penser que la personne en épreuve a bien été contaminée durant l’épreuve et ne l’était pas avant. Les cureurs paraissent plutôt bien peu efficaces.

Des recettes miracles pour se prémunir ou se soigner de la peste

Voici d'abord une recette qui doit être très efficace puisque Monseigneur le Prince en fait grand cas encore qu’il soit peu exposé à la peste. Nous n’en connaissons pas la date exacte mais les progrès étant pratiquement inexistants elle peut bien avoir cours en 1630.

« Recette contre la peste de la quelle Monseigneur le Prince fait grand cas.

Prenez neuf feuilles de ruë et neuf grains de sel et deux figues grasses et deux noix sèches et le tout pilez ensemble et en faites de la pâte et en prendre tous les matins en temps de danger et faire de la dite pâte tous les jours parce qu’elle est meilleure. »

Autre recette contre la peste

« Prenez du safran. Le mettre dans un flacon avec du vin blanc et le laisser tremper vingt quatre heures et en boire tous les matins. Aussi prendre un peu de safran et le porter pendu au col enveloppé dans un petit morceau de papier »... Le safran fait-il fuir les puces sinon le bacille ?

Puisqu’on ne manque pas d’idée en 1705 voici encore quelques bonnes recettes préventives pratiquées en Savoie en cas de danger de peste mais aussi, ce qui est plus exceptionnel, curatives pour traiter les bubons et les charbons.

« Contre le dangereux mal d’épidémie ou peste

Quand cette maladie commence à régner dans un pays, il faut pour s’en garantir prendre une grosse poignée de quatre sortes des herbes suivantes savoir de ruë, de sureau, de ronces et de sauge‑franche, quatre citrons coupés par morceaux et de leur jus, gros comme une noix de thériaque, demi once de cannelle fine, autant de gingembre pulvérisé, trois pintes de vin blanc, faire bouillir le tout ensemble dans un pot de terre à petit feu jusqu’à réduction de moitié, puis couler le tout dans un linge blanc et en user tous les matins à jeun, la dose est un petit demi verre durant neuf jours, au bout de ce temps, on pourra librement fréquenter avec les pestiférés.

Contre la même maladie [recette curative !]

Si par malheur on est frappé de cette maladie, avant que d’avoir usé de ce breuvage, il faut s’en servir en y ajoutant trois fois autant de thériaque, et en cas que la bosse ou charbon paraisse au dehors, il faut prendre des feuilles de ronce, de sureau et de la graine de moutarde broyées ensemble, en faire un emplâtre dont vous couvrirez le charbon.

Autre remède contre le même mal comme s'ensuit

Prendre deux onces de raisin d’[...] séché au four et pulvérisé, une once de bois de genévrier sec et pulvérisé, une once de noix sèches communes pulvérisées, une demi once de cannelle pulvérisée, une demi once de mie de pain sec pulvérisée, incorporer toutes ces drogues dans du sirop […] aussi fait confire des oranges tant qu’il soit en consistance d’opiat et en prendre soir et matin la grosseur d’une grosse fève. »

La thériaque est une préparation longue et complexe faite une fois par an par les apothicaires incorporant jusqu’à soixante quatre ingrédients végétaux dont ceux cités dans les recettes précédentes, minéraux et animaux comme de la chair de vipère séchée. Sans doute onéreuse, elle jouit d'une grande réputation d'efficacité. Des formes plus simples sont mélangées à du miel et du genièvre pour constituer un électuaire (forme de préparation médicamenteuse administrée par voie orale) pâteux ou liquide. L’opiat est un électuaire contenant de l’opium.

On imagine l’efficacité de ces moyens préventifs !

Une intervention curative intéressante relatée dans la bibliographie savoyarde, mais non signalée à Fontcouverte, est l'incision des bubons pour extraction de leur contenu qui renferme les bacilles retenus par le ganglion lymphatique atteint. Cette opération particulièrement dangereuse pour l'opérateur est réalisée par le barbier. A Fontcouverte, n'est signalée que la rupture naturelle d'un bubon d'un patient qui a survécu.