Fontcouverte
 

Les morts et rescapés à Fontcouverte
pendant l'épidémie de peste de 1630 ‑ 1632

Classification des décès

Compte tenu des diagnostics enregistrés dans le journal de santé, nous classons tous les décès survenus entre le 14 août 1630 et le 26 juin 1632 en :

Nombre des décès par nature.

L’analyse permet de définir le nombre de décès de chaque catégorie avec naturellement une certaine imprécision, voire une certaine subjectivité. Cependant les ordres de grandeurs sont bien représentatifs à la limitation près de lacunes et de la qualité des diverses archives.

Indéterminés Naturels Dysentériques Pesteux Pesteux possibles Total
4 40 12 40 6 102

Au cours des 22,5 mois couverts par les évènements épidémiques, les morts naturelles apparaissent en moyenne de 22 par an, ce qui est un peu faible comparé aux 30 morts annuelles en moyenne pour l’époque. Mais si l’on ajoute les 12 morts de dysenterie (maladie fréquente avec d’autres dans la statistique interannuelle), ce serait 34 morts « naturelles » pour l'année 1630 qui seraient à prendre en compte. Ces chiffres de 40 et 12 apparaissent donc comme plausibles.

Le nombre des morts de la peste en 1630 ‑ 1632 soit 40, voire 46 en ajoutant les pesteux incertains, serait ainsi une bonne estimation des décès réels de la peste, estimation en réduction nette de celles avancées dans la bibliographie qui inclut toutes les causes de décès survenues pendant l’époque pesteuse. En estimant le volume de la population de fait de Fontcouverte à 1100 ‑ 1200 habitants, la peste n’entraînerait donc dans la mort qu'environ 4 % de la population. On doit cependant noter que les morts « naturelles » semblent relativement fréquentes en août et septembre 1630 en comparaison du reste de la période d'étude. Des cas pesteux auraient‑ils échappé aux archives ou le curé aurait‑il négligé l'enregistrement de morts dans la période suivante hors peste ? Il ne s'agirait en tous cas que de quelques rares décès pesteux à rajouter.

Ce chiffre de 46 morts de la peste n’est cependant pas représentatif de l’atteinte réelle du mal car certains y survivent. Cela apparaît clairement à l’occasion de visites du comité de santé constatant des signes de peste sur des personnes qui ne décèdent pas dans les délais normaux d’évolution de la période de contagion, voire même de tels cas attestés par le médecin.

L'exemple de Claudine épouse de Michel Claraz est caractéristique lors de la reprise de la peste en 1632. Le 6 janvier 1632 l'apothicaire Letespérin a déjà constaté quatre charbons sur le corps de Claudine dont elle serait guérie puis sept charbons le 13. « Dudit jour [13 janvier 1632] honorable Claude Letespérin commis à la visite des malades étant venu à Fontcouverte a requis des syndics dudit lieu à visiter la femme [Claudine] de Michel Claraz comme aussi ledit Claraz et leurs enfants ayant assuré que ladite femme a gardé et a [...] des marques de sept charbons, et qu’il est requis faire nettoyer les maisons ». Si le diagnostic de l'apothicaire Letesperin est correct, Claudine a donc une forte chance d'être atteinte de la peste d'autant plus que d'autres personnes le sont dans son entourage.

Après une longue période de quarantaine dans une grange du Plan d'Arvan et sur l'autorisation de l'Intendant de santé de Saint-Jean-de-Maurienne, Claudine et son très jeune enfant sont réintroduits dans leur maison de Riortier dessous où ils restent cependant séquestrés. « Du XXI avril 1632 en suite du décret du S sénateur et juge maire [mage ?] de Maurienne mis au ban de la requête présentée par Claudine femme à Michel Claraz, je notaire ducal soussigné me suis exprès transporté rière le village de Riortier dessous où ladite femme serait été réduite dans une grange […] pour y faire séquestration de santé avec un sien petit enfant où étant en présence d’honnête Claude Viffrey commis de la santé audit lieu et d’honnête Gaspard Vincent conseiller dudit Fontcouverte ladite Claudine après avoir sorti et brûlé tout ce que soit dans ladite grange elle et son fils se sont lavés et changés d’habits et tous les habits qu’ils auraient sur eux et autres meubles ont aussi été par elle lavés. Ainsi fait a été réduite avec son enfant dans une sienne maison audit village pour y faire quarantaine de dix jours conformément audit décret signé Thomassin le 20 du présent et autres ? a été fait à la forme d’icelui en présence des susnommés et désir desdits Claude Vincent, Jean Combaz et Louis Claraz dudit village. ».

Ainsi trois mois et demis s'écoulent entre les premiers symptômes de peste de Claudine et son retour à la vie courante. Il est vrai qu'en 1632 la Maurienne ne souhaite pas voir revenir la peste et que la notion d'immunité acquise n'a pas encore fait son chemin. On imagine les difficultés rencontrées par la famille Claraz... et la nôtre pour constater au milieu de dizaines d'articles du journal de santé que tout ce monde ne meurt pas de la peste.

La proportion des personnes infectées mais guéries (estimée généralement pour la peste à 30 ‑ 60 %) ne peut être estimée dans la mesure où ces cas en quantité pourtant non négligeable à Fontcouverte sont difficilement identifiables avec la précision nécessaire, le constat non fait par le comité de personnes malades non décédées et l’incomplétude fréquente des archives. A‑t‑on seulement en 1630 le concept de patient asymptomatique ?