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Que connaît on de la peste de nos jours ?

Pour interpréter les informations concernant la peste de 1630 en Maurienne, voici quelques données succinctes sur la nature même de ce fléau, son origine, sa propagation.

Les acteurs de la peste

La peste est une maladie infectieuse due à la bactérie Yersinia pestis. Il s’agit d’une maladie se transmettant entre divers animaux, essentiellement des rongeurs, des insectes et, pour ce qui nous concerne, l’homme.

En simplifiant on peut résumer les cycles de la peste suivant le schéma ci‑contre.

Des foyers permanents de peste (en vert), principalement en Asie centrale, sont constitués de rongeurs sauvages immunisés qui entretiennent de façon endémique la bactérie de terriers en terriers.

Occasionnellement, par contact avec des puces, ils peuvent infester des rongeurs domestiques qui sont les premières victimes de la maladie. Les puces infectées, privées de leur hôte principal, se rabattent sur l’homme et, dans un cycle domestique (en rouge) par l’intermédiaire des rats de nos campagnes ou de nos villes, peuvent être à l’origine des épidémies humaines sur des étendues plus ou moins grandes, éventuellement continentales voire mondiales.

L’homme lui‑même, toujours en déplacements ou simplement par contact avec ses voisins, intervient pour une grande part dans la propagation de la maladie.

Le rat surmulot
Le rat noir

Le réservoir naturel susceptible d’héberger Yersinia pestis est constitué, chez nous, de plusieurs espèces de rongeurs sauvages et domestiques dont le plus efficace est le rat. Le rat surmulot, notre rat d’égout, vivant aussi bien à la campagne dans des terriers qu’en ville dans les caves et les égouts, usant de sa promiscuité avec l’homme, est de nos jours le principal réservoir concernant les européens. Autrefois, le rat noir, chassé d’Europe au XVIIIe siècle, avait un pouvoir infectant très supérieur au surmulot. Sédentaire, le rat contribue a une contagion très locale et a besoin d’être transporté par les hommes pour assurer son voyage depuis les foyers endémiques. Il n’est contagieux que quelques jours avant sa mort, période pendant laquelle sa contagiosité est extrêmement forte. D’autres animaux domestiques, chiens, chats, volailles et autres oiseaux n’ont qu’un rôle très mineur.

La puce du rat sur l'homme
Yersinia pestis au microscope

Le vecteur susceptible de répandre Yersinia pestis est principalement, chez nous, la puce du rat particulièrement active à une température de 15 à 20°. Mais il peut s’agir aussi de la puce de l’homme, de poux, tiques et punaises. Les puces se nourrissent du sang de leurs hôtes spécifiques, en particulier les rats qu’elles condamnent si elles sont infectées. Devant la raréfaction des rats, elles se contentent d’hôtes de substitution tels l’homme. Les puces dont la vie est habituellement courte ne participent que peu à la dispersion spatiale de la peste tant qu'elles ne sont pas transportées par l'homme.

 

Peste à Madagascar

La cible dans le cas qui nous intéresse est l’homme. Ce dernier est donc contaminé habituellement par la piqûre de puces qui se sont infectées la plupart du temps sur des rats. Mais l’infection peut aussi se transmettre :

On peut ainsi admettre que l’éclosion d’une épidémie locale ne peut survenir que par transport de marchandises ou de personnes contaminées.

Les formes de la peste

Bien que due à une seule espèce de bactéries, la maladie de la peste peut revêtir différentes formes suivant le mode de contamination.

La forme bubonique

Des bubons symptômes de peste

C’est la plus fréquente (80 % des cas) et la moins mortelle. Elle est caractérisée par une forte fièvre, un mauvais état général puis des troubles digestifs et du comportement. Elle est causée par une piqûre de puce infectée ou par une lésion cutanée par du matériel contaminé. Le point d’infection développe une plaque noirâtre appelée « charbon ». Apparait alors une augmentation douloureuse, appelée « bubon », du volume du ganglion lymphatique qui draine la zone d’infection. Le bubon peut se mettre à suppurer puis guérir en une dizaine de jours. Dans les autres cas, dès que la bactérie a franchi la barrière du ganglion, la maladie évolue vers une septicémie si l’infection est générale ou vers une forme pulmonaire si seul le poumon est atteint. Sans traitement, la forme bubonique a une létalité de 40 à 70 %. Son taux de transmission est relativement faible.

La forme pulmonaire

C’est la forme la plus rare (5 %). Elle correspond à une infection consécutive à la forme bubonique (forme pulmonaire secondaire) ou à une infection directe par voie respiratoire (forme pulmonaire primaire). Elle se manifeste par une bronchite avec des crachats sanglants, de la toux... Les premiers symptômes apparaissent rapidement, de quelques heures à 5 jours après la contamination. Elle est mortelle en quelques jours et particulièrement contagieuse.

La forme septicémique

Elle représente 15 % des cas. Elle est due au passage généralisé de la bactérie dans le sang. Elle résulte de l’évolution d’une forme bubonique ou d’une inoculation directe dans le système sanguin par exemple par coupure de la peau. Sans traitement son issue est fatale en moins de 3 jours.

Le développement d’une épidémie locale

Une épidémie est susceptible d'apparaitre quand une personne, des animaux ou des matériaux infestés sont introduits dans une communauté. Si la propagation de l'épidémie est assurée par les rats et leurs puces, un temps de latence se produit entre l'introduction de la peste et le déclanchement de l'épidémie lors des premiers décès de personnes de la communauté. Ce temps qu'on peut attribuer à la contagion des rats peut être de quelques semaines. A leur mort, les rats sont particulièrement contagieux ce qui provoque une extension violente de la maladie et conduit plus ou moins rapidement, suivant les conditions locales, à un pic des décès. Dans les villes où la proximité des maisons et les conditions d'insalubrité sont très défavorables, ce pic est atteint rapidement et l'épidémie est brutale. Dans les campagnes, la dispersion des habitations limite l'intensité et la rapidité de la propagation. Après l'atteinte du pic, la décroissance du nombre de décès se produit progressivement, du fait de reprises successives décroissant en intensité ou s'espaçant dans le temps. La fin de l'épidémie intervient par réduction de la proportion des personnes pouvant encore être contaminées et par augmentation de celle des personnes atteintes mais guéries et immunisées. Les conditions climatiques peuvent enfin conduire à la disparition des vecteurs de la peste. Cependant, rats et puces peuvent survivre cachés dans le sol et réapparaitre l'année suivante.

L'exemple de la figure ci‑contre est celui de Madagascar en 2017 où des épidémies pesteuses se rencontrent encore en se développant dans des conditions climatiques et humaines différentes de celles qu'on trouve en occident mais le principe reste le même. On peut noter qu'au XXIe siècle il est toujours difficile de distinguer clairement les décès liés à la peste des morts naturelles.

Une courbe donnant le nombre quotidien de décès lors d’une épidémie de peste dans une localité est le plus souvent complexe. En fait, une épidémie est le résultat de nombreuses éruptions se superposant dans le temps, affectant par exemple les différents quartiers d’une ville ou les hameaux dispersés d’un village. La globalité de l’épidémie peut alors être décomposée en la succession de plusieurs courbes élémentaires caractéristiques de la peste. Nous avons donc eu recours à un modèle très simple donnant la courbe de chacune des éruptions dont la superposition ressemble fortement à la courbe globale des décès qui doit être analysée.