Fontcouverte
 

La science du XIXème siècle face à l'endémie du goitre et du crétinisme

Au milieu du XIXème siècle, les connaissances scientifiques sur le mal sont encore très rudimentaires. On note, à l’occasion, les apports de Monseigneur Billiet cardinal archevêque de Chambéry. Les commissions (en particulier la commission française dont les résultats sont les plus aboutis) se fondent sur les observations, faites déjà depuis plusieurs décennies, concernant le territoire français (excluant donc parfois la Savoie) et les états européens. Ces observations sont locales, précises mais souvent contradictoires, chaque auteur recherchant la cause du mal (le « miasme » responsable qui ne sera jamais trouvé puisqu’il n’existe pas !) Devant ces éparpillements, la science est conduite à des conclusions contradictoires et irrationnelles. Elle se trouve alors réduite à être confrontée à une liste impressionnante de « causes » géographiques, climatologiques, ethnographiques… Les études françaises montrent rapidement un lien net entre le crétinisme et la présence de goitres dans la population sans que, cependant, cette liaison ne dépasse celle de la concomitance en l’absence d’éléments scientifiques permettant d’étayer un lien de causalité.

Communication de Monseigneur Billiet
tenant de la « cause » géologique

Les causes invoquées comme pouvant être à l’origine de la présence de goitres et de « dégénérescence » aboutissant au crétinisme dans de multiples vallées alpines (Valais, Val d’Aoste, Tarentaise, Maurienne…) sont nombreuses. On évoque principalement :

Aucune de ces causes (sans « miasme particulier » !) n’est admise par tous les auteurs ; tout au plus pense‑t‑on que chacune peut avoir un effet aggravant. Même l’absence d’iode (élément chimique découverte en 1811) n’est pas fortement retenue bien que l’administration déjà tentée de ce composant ait rapidement manifesté son efficacité dans le traitement des goitres peu avancés (on lui reproche sa toxicité et des accidents par méconnaissance d’une posologie adaptée).

Le XXème siècle comprend enfin que le « miasme » recherché est essentiellement une absence d’un élément chimique, l'iode, fondamental au fonctionnement de la glande tyroïde, indispensable à sa fonction de captation de l’iode du sang et de synthèse des hormones thyroïdiennes nécessaires au développement physique et mental des jeunes individus. Il aura bien fallu plus de 100 ans pour aboutir aux bonnes conclusions !

Le XXIème siècle redonnera cependant un certain intérêt aux études anciennes dans sa théorie de l'« épigénétique », dans laquelle l'expression des gènes pourrait être largement influencée par les conditions environnementales.

« On devient goitreux, on nait crétin » est une phrase plutôt justifiée reprise par des médecins du XIXème siècle. Actuellement, on comprend bien le lien entre goitre et crétinisme. Un goitre peut apparaitre sur une personne saine si elle est privée d'iode. Par contre, lors de sa gestation, le fœtus assure seul, dès le troisième mois, sa gestion de l’iode et l’élaboration d’hormones thyroïdiennes indispensables à la différenciation et la croissance des tissus, en particulier osseux et cérébraux. Mais l’iode indispensable à ce processus ne peut provenir que du sang de la mère, en quantité souvent insuffisante (la mère peut être goitreuse donc personnellement en manque d'iode) dans le cas qui nous concerne.

Le goitre et le crétinisme qui en découle seraient ainsi suscepibles de se communiquer de la mère à ses enfants sans être à proprement parler héréditaires, génétiques (transmis par les gènes). Cependant, dans certains cas, la difficulté pour un foetus ou un enfant à gérer correctement l'élaboration d'hormones nécessaires à l'assimilation de l'iode peut également provenir d'une anomalie génétique des parents. La maladie est alors, à proprement parler, génétique, concernant le père et la mère.

En attendant, des recommandations sont faites pour juguler le mal. Les « causes » géographiques (relief, exposition au vent et au soleil, géologie...) ne pouvant être améliorées de façon significative, ces recommandations portent principalement sur la recherche et l’aménagement de lieux sains (assêchement des marais, endiguement des rivières et torrents), l’amélioration des conditions de vie (en particulier la nourriture, l’approvisionnement en eau potable et l’aménagement plus hygiénique des habitations).