Fontcouverte
 

Une vue globale et simple de la mortalité à Fontcouverte

Une telle vision de la mortalité à Fontcouverte au cours des siècles est donnée sous forme de quelques graphiques faisant partie de l'arsenal classique des démographes et traçant les points les plus caractéristiques du phénomène.

Nous nous intéressons aux seuls natifs de Fontcouverte dont nous connaissons le décès de façon à déterminer l'âge à leur mort. Nous considérons globalement ceux qui sont nés dans une certaine période assez longue pour obtenir un effectif suffisant aux interprétations statistiques, par exemple la génération des Fontcouvertins nés dans la première moitié du XIXe siècle. Nous admettons donc que les membres d'une génération ont tous le même comportement façe à la mort.

Ici, nous ne traitons pas séparément les sexes qui ne présentent que des particularités distinctives mineures.

A partir des naissances d'une période, puis d'année d'âge en année d'âge, nous considérons ceux qui meurent au cours de l'année a de leur vie et appauvrissent progressivement le nombre des survivants. Il est alors possible de caractériser la mortalité à l'âge a sous différents angles dont certains sont bien connus, d'autres moins, tous cependant étant équivalents.

A quel âge meurt-on à Fontcouverte ?

C’est la question que peut se poser le curé en se levant le jour où il doit célébrer une sépulture pour adapter ses prières au mourant. Il sait que plus d’une fois sur trois, il s’agira d’un enfant de moins de 5 ans, qu’il est peu probable qu’il aura à enterrer un adolescent ou un jeune adulte résistant bien aux aléas de la vie, que ce pourra être un de ses paroissiens, âgés de 40 à 60 ans, toujours en nombre assez important et dont l'exposition à la mort commence à croître rapidement avec l'âge. Par contre, il sera peu probable que ce soit un vieillard, pourtant soumis à un fort risque de mourir, tant une telle personne est rare dans sa paroisse.

En tout cas, au début du XVIIe siècle, le Curé Louis Dominjon fait bien la différence dans la rédaction de ses actes de sépulture entre la mort inhabituelle d’un vieillard de 80 ans et celle courante d’un enfant de 7 ans...

... encore se croit-il obligé de préciser l’âge du jeune défunt ce qui est exceptionnel à l’époque (se trompant d’ailleurs très probablement sur le sexe et d’âge  - 10 ans pour 7 ans... arrondi décennal classique ?)

Pour nous et en reprenant le raisonnement du curé pour ses prières, il est évident que l'occurence de ces différents cas dépend simultanément de la probabilité de mourir à un âge donné et de l'abondance relative des individus de cet âge dans la population de Fontcouverte. Ainsi, savoir combien de paroissiens meurent à un âge donné ne présente que peu d’intérêt du point de vue de la démographie.

Pour aider cependant notre curé, voici des courbes répondant à sa question. Pour simplification, les mourants sont regroupés par siècles entiers de naissance. Nous tenons compte des enfants morts à la naissance puisque le curé les enterre, eux aussi. Il s’agit du nombre de décès observés à un âge donné rapporté au nombre total des mourants. Ces courbes sont conformes à ce que l’on peut observer dans toutes les populations anciennes.

On note

A observer l'usure de son livre de prières, le curé de Fontcouverte devait connaître ces valeurs bien avant notre intervention !

Dans les lignes qui suivent nous ne tenons pas compte des enfants morts à la naissance pour rester en conformité avec les habitudes démographiques courantes.

Plus techniquement, quelle est la probabilité de mourir à un âge donné ?

Il s'agit de séparer les deux effets mentionnés ci-dessus (probabilité de mourir à un âge donné et volume de la population soumise au risque de mourir à cet âge) en déterminant la proportion des survivants à l'âge révolu a-1 mourant dans l'année d'âge a. Les démographes parlent de quotient de mortalité à l'âge a qui représente bien la « chance » d'un Fontcouvertin qui a soufflé ses a bougies de mourir avant d'en souffler a+1.

Le graphique suivant donne une idée de cette probabilité (sous forme de quotients annuels : un quotient de 0,05 correspondant à une probabilité de 5 % de mourir une année d'âge donnée) depuis l'année d'âge 0 jusqu'à une année d'âge voisine de celle du plus vieux mourant (on a tronqué les très rares centenaires nés à la fin du XIXe siècle morts au XXe, voire au XXIe). Les calculs sont menés sur les Fontcouvertins nés dans les demi-siècles successifs de manière à mettre en évidence les évolutions dans le temps.

Globalement, il apparait à l'évidence trois phénomènes :

Entre 0 et 5 ans environ, les jeunes enfants sont soumis à une très forte probabilité de mourir. C'est particulierement le cas pour leur première année de vie (probabilité voisine de celle des vieux de 80 ans !) Les années suivantes montrent une très rapide décroissance de ce fléau, pratiquement une division par 10 à la cinquième année. L'évolution dans le temps est cependant manifeste : le quotient de mortalité annuel de la première année de vie tombe de 0,25 (25 %) dans les trois premiers demi-siècles à moins de 0,15 au XIXe siècle.

Ces proportions nous semblent inimaginable actuellement. C'est pourtant les chiffres que l'on observait il y a encore peu de temps dans les populations les moins développées du monde. Au plan démographique, on imagine les conséquences importantes que cette mortalité peut engendrer dans le développement de la population fontcouvertine. Les décès précoces ont de nombreuses raisons : les problèmes de gestation conduisant à de nombreux accouchements prématurés d'enfants peu viables, l'art très approximatif des sages-femmes de la paroisse, les maladies infectieuses, les défauts de nourriture peut-être dus à un sevrage précoce, voire même les accidents...

Entre 5 et 30 - 45 ans suivant les époques, la mortalité des enfants et des jeunes adultes reste faible et à peu près indépendante de l'âge ou légèrement croissante ; les quotients restent voisins de 0,01 - 0,02. Il est vrai que la mort a fait son tri plus tôt. Les principales causes de mortalité se réduisent aux diverses maladies d'hiver ou aux épidémies digestives d'été, aux accidents mais aussi aux accouchements pour les femmes.

A partir de 30 - 45 ans suivant les époques, les quotients de mortalité des personnes « âgées » croissent rapidement avec l'âge sous l'effet du vieillement. Pour cette tranche d'âge, les progrès se font aussi nettement sentir, même si ce n'est pas toujours de façon régulière. En effet le vieillissement se manifeste de façon de plus en plus tardive au XIXe siècle qui donne les premiers centenaires mourant au XXe siècle.

La courbe de survie

Il s'agit d'une autre façon de présenter le devenir de la population en fonction de l'âge sous une forme particulièrement parlante.

La courbe de survie donne la proportion des nouveaux-nés qui atteignent un âge donné. Par exemple, parmi les enfants nés dans la première moitié du XVIIIe siècle (courbe la plus basse du graphique), 50 % survivent à leur dixième anniversaire, 30 % atteignent l'âge de 50 ans.

La surface inférieure à la courbe représente les survivants, la surface supérieure correspond aux morts. Plus la pente de la courbe est forte à un âge donné, plus la probabilité de mourir à cet âge est élevée.

Globalement, on constate de nouveau les trois grands épisodes dans la vie :

Dans l'écoulement du temps historique, la succession des courbes traduit clairement l'évolution de la mortalité tant infantile que sénile. Si l'on exclut pour l'instant la courbe XVIII-1, une nette amélioration progressive de la situation se manifeste. Par exemple l'âge auquel disparait la moitié de la population se situe vers 25 ans au XVIIe siècle et vers 60 ans dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Ces progrès proviennent ;

La courbe XVIII-1 paraît une nette anomalie dans la succession logique des courbes. Mais il faut noter qu'il s'agit pratiquement exclusivement de la mortalité infantile (principalement entre 0 et 5 ans). La mortalité aux âges intermédiaires ou élevés reste tout à fait normale et compatible avec celle des courbes chronologiquement encadrantes. Nous n'avons pas d'explication claire à cette anomalie.

L'espérance de vie

L'espérance de vie est bien connue à notre époque pour caractériser le régime de mortalité d'une population.

L'espérance à l'âge a est le nombre moyen d'années qu'un individu d'âge révolu a peut encore espérer vivre. L'espérance la plus souvent publiée est l'espérance de vie à la naissance (âge 0) qui traduit la durée de vie moyenne de l'ensemble des individus d'une population.

On pourrait logiquement s'attendre à ce que l'espérence vie décroisse progressivement avec l'âge : un individu pris isolément est a priori certain que son nombre d'années à survivre ne peut que décroître lorsque son âge augmente. C'est globalement ce que confirment les courbes.

Cependant on constate deux anomalies.

On peut encore ajouer, à titre historique, l'inflexion de la courbe XIX-2 aux âges 20 - 30 ans qui est la trace des morts pour la France durant la Grande Guerre.

Dans l'écoulement du temps historique, on retrouve les caractéristiques des courbes de survie. A 10 ans un enfant peut espérer vivre en moyenne 38 ans s'il est né dans la première moitié du XVIIe siècle et 54 ans dans la fin du XIXe. Un Fontcouvertin de 20 ans peut espérer vivre encore 46 ans s'il est né dans la deuxième moitié du XIXe siècle mais seulement 33 - 35 ans s'il est né au XVIIe.

En résumé

Les différentes courbes qui illustrent sous différents angles la mortalité à Fontcouverte donnent des impressions qui paraissent parfois légèrement discordantes du fait d'interprétations parfois subjectives des graphiques.

On peut, en dernier ressort, tracer les grands traits suivants de la mortalité face aux Fontcouvertins en rappelant que les dates données ci-dessous sont celles des naissances et non celles des décès, approximation acceptable dans la mesure où nos périodes d'étude couvrent ici 50 ans, soit moins de la durée moyenne de vie.

La vie dans la seconde moitié du XVIe siècle nous est très mal connue et souvent par des informations indirectes. On peut cependant penser quelle ressemble à celle du XVIIe, décrite ci-dessous et qui ne présente pas d'évolution certaine entre les deux moitiés du siècle. La répétition de nombreuses épidémies de peste laisse cependant supposer que la situation doit être pire au XVIe siècle.

On doit constater que la vie est, en moyenne, bien courte au XVIIe siècle. Un enfant de 10 ans qui a eu la chance d'échapper à la forte mortalité des premières années de vie peut espérer encore vivre, en moyenne, une trentaine d'années avec une chance sur dix de fêter son soixantième anniversaire. Les dernières grandes épidémies sont assez peu nombreuses pour avoir une réelle influence sur la mortalité de l'époque.

Heureusement, au XVIIIe siècle, la situation semble s'améliorer. La mortalité infantile, exceptionnellement forte au début du siècle, évolue rapidement à la baisse dans la seconde moitié. Manifestement, c'est le recul de l'âge auquel apparaît les premiers signes de vieillissement qui est le plus marquant.

Au XIXe siècle, si la mortalité infantile n'évolue pratiquement plus, l'apparition de plus en plus tardive des effets de la vieillesse prend tout son effet pour donner des centenaires... qui mourront au XXe siècle, voire au XXIe.