Fontcouverte
 

Une méthode de détection des épisodes de surmortalité

Une méthode de calcul est établie pour mettre en évidence de façon objective et systématique les épisodes pendant lesquelles les décès sont particulièrement nombreux et, ce, quelles que soient la durée de ces épisodes et leur situation dans la saison.

L’idée est d'attribuer à chaque jour une estimation d'une densité de décès calculée comme le rapport du nombre de décès qui surviennent pendant un très court intervalle de temps au voisinage de ce jour au nombre de jours de cet intervalle. Cette densité devrait croître fortement en période d'épidémie ou de disette.

Dans les lignes qui suivent, les divers intervalles de temps sur lesquels les calculs sont faits ont été déterminés empiriquement pour tenir compte, au mieux, de la taille des échantillons nécessaires ainsi que de la dispersion temporelle des informations traitées et pour obtenir des résultats faciles à interpréter.

Recherche des épisodes de concentration des décès.

Pour chaque jour (soit 114 565 jours de 1587 à 1900 !), on recherche le nombre Nm des décès dans un intervalle de ± 12 jours encadrant le jour soumis au calcul. On peut alors espérer que ce nombre sera d'autant plus élevé que les décès sont plus rapprochés comme ce devrait être le cas en période contagieuse par exemple. En divisant Nm par 25, on obtient la « densité de mortalité » exprimée en nombre moyen (sur 25 jours) des décès journaliers.

La valeur de Nm portée en fonction du jour étudié, pour la période 1627 - 1658 prise pour exemple, donne le graphique suivant.

Valeurs journalières de Nm au cours du temps
Il y apparaît des pics de densité temporelle des décès, pics plus ou moins élevés suivant cette densité. Les plus caractéristiques correspondent aux épisodes que l’on recherche, d’autres moins élevés sont relatifs à des épisodes moins violents bien marqués cependant. Enfin, il apparaît un bruit de fond qui traduirait une mortalité que l’on peut considérer comme « normale » ou, du moins, diffuse.

La courbe de Nm est adaptée à une définition fine des épisodes de surmortalité mais présente des difficultés pour une lecture simple des phénomènes.

Pour rendre le graphique plus lisible (mais moins précis) on réalise une moyenne mobile Nm* des valeurs de Nm sur un laps de temps retenu de ±30 jours, de façon à filtrer les variations très rapides de Nm. Les pics de Nm* sont, naturellement, atténués par rapport à ceux de Nm mais restent bien visibles.

Valeurs journalières de Nm* au cours du temps

Recherche de la mortalité « normale »

On évalue la densité que l’on peut considérer comme habituelle à Fontcouverte. On calcule la moyenne mobile Nm** des valeurs Nm sur une durée assez longue pour filtrer les variations plus ou moins rapides (en particulier les périodes à forte surmortalité) et ne garder que les tendances à long terme. On a retenu une période de ± 18 ans comme la plus adaptée à cette détermination dans le cas de Fontcouverte. Cette moyenne est naturellement polluée par les périodes de surmortalité non identifiées à l'avance mais cette altération est très atténuée par l'effet de moyenne. Elle permet en tout cas de tenir compte des variations de la taille de la population et de la mortalité et donc du nombre des décès par unité de temps (dans l'exemple ci-dessous cette fluctuation paraît très faible mais ce n'est pas le cas sur plusieurs siècles : le nombre annuel de décès et donc Nm** ont doublé entre 1600 et 1700 dont la trace apparaît peu sur les 30 ans du graphique).

Valeurs journalières de Nm** au cours du temps

Recherche des épisodes de surmortalité

Elle est établie à partir des valeurs Ns = Nm* - Nm** correspondant à l’excès de densité à très court terme par rapport à la densité considérée comme normale. Ces valeurs sont pratiquement centrées sur 0 sur toute la période 1587 - 1900, le poids des épisodes de surmortalité étant très faible (densité très élevée mais courte durée) sur l’ensemble des décès.

Valeurs journalières de Ns au cours du temps
De façon à définir le niveau de Ns à partir duquel la mortalité peut être considérée comme anormale, une analyse des fréquences de Ns (variant de -0,13 à 0,87) a été réalisée.

Il apparaît clairement que les valeurs élevées de Ns sont extrêmement rares, celles supérieures ou égales à 0,15 n'ont qu'une fréquence inférieure à 0,02 (y compris celles correspondant aux épisodes de surmortalité violente, où Ns peut atteindre 0,85, qui ont une probabilité pratiquement nulle). Aussi violents soient-ils, les épisodes de surmortalité sont trop rares pour avoir un effet quantitatif sur l'ensemble des décès. La cinquantaine de Fontcouvertins morts lors de l'épidémie record de 1653 compte bien peu parmi les 12 000 décès que nous connaissons à Fontcouverte.

On peut utiliser arbitrairement cette valeur 0,15 de Ns pour définir un seuil de détection d’un épisode de surmortalité.

Les dates de début et de fin d’un tel épisode peuvent être établies approximativement aux instants où la courbe des pics de Ns en fonction du temps dépasse 0 puis retombe en dessous de 0 ou aux instants, au voisinage des valeurs précédentes, où la pente de la courbe de Ns varie brusquement. Pour plus de précision, une estimation de ces dates peut également être déduite du graphique de Nm.

Ces dates paraissent très nettement justifiés par les textes d'archives relatant l'évolution des décès au cours des épidémies documentées à Fontcouverte.

Interprétation des épisodes de surmortalité

Il est évident que le mode de détection de ces épisodes est purement numérique et ne porte que sur le nombre des individus morts à cette occasion. On est donc loin de pouvoir traiter l'épisode comme le ferait l'épidémiologie moderne.

La majorité des cas est certainement de nature épidémique. Mais, hormis les épisodes de peste qui ont donné lieu à une biobliographie plus ou moins importante, on n'en sait pas la raison certaine. Quelle que soit la cause, on ne connaît que les morts et non les individus qui ont été atteints sans en mourir : « ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés » comme disait Lafontaine parlant justement de la peste. Les notions de prévalence et d'incidence des épidémiologistes perdent donc leur sens et leur calcul est impossible puisque l'on ne connaît pas exactement le volume de la population soumis au mal.

Les pics de surmortalité détectés donnent cependant quelques indications :