Fontcouverte
 

Des méthodes d'arpentage utilisées
au début du XVIIIe siècle

La méthode des « relèvements »
bien utile en pays montagneux

La documentation concernant l’exécution de la mappe de 1730 est très pauvre au sujet des méthodes de travail d'arpentage des géomètres. Ce mutisme est sans doute dû au fait que les géomètres recrutés par le Duché de Savoie sont considérés comme ayant déjà acquis une grande expérience de ce genre de travail au Piemont. Les néophytes sembleraient être formés sur le tas.

Les seules indications fournies par les consignes adressées aux géomètres précisent :

Nous connaissons seulement une petite note expliquant à un géomètre comment réaliser un cheminement le long d'un tronçon de l'Arc. Les autres informations indispensables seraient alors implicites et comme identiques à celles appliquées en Piémont.

Aucune indication n’est donnée sur la nature des instruments de mesure utilisés, hormis la tablette prétorienne, ni sur l’échelle adoptée pour le levé de la mappe. Les échelles graphiques représentées sur les mappes sont d’une précision assez dérisoire. Concernant l’échelle, on pourrait imaginer que les tablettes prétoriennes seraient équipées d’une alidade dont la règle serait directement graduée pour assurer cette échelle ce qui garantirait la réductions des erreurs de report des longueurs sur la tablette et l’unicité d’échelle sur toute la Savoie soit 1/2 400 qui équivaut à 100 trabucs représentés par ¼ de pied liprand (unités de longueur du Piémont). Est‑ce le cas ?

Aucune allusion n’est faite au sujet de mesures des dénivellées. Elles n’ont probablement pas existé car relativement peu influentes sur le cadastre même dans un contexte montagneux comme celui des parties accidentées de la Savoie.

Quant aux livres de l’époque traitant de l’arpentage, tant dans la documentation française que celle italienne, ils donnent des notions d’arithmétique et de géométrie élémentaires. Puis ils décrivent la façon de mesurer, tant dans leur longueur que dans leur surface, des figures simples isolées (triangles, rectangles, cercles...) Les livres les plus savants n’hésitent pas à avoir recours aux lignes trigonométriques et aux logarithmes ! Tous les livres que nous avons trouvés traitent donc de levés relativement ponctuels. Aucun n’aborde les problèmes posés par la mise en œuvre d'une cadastration d'une étendue importante avec les grandes opérations à mener pour atteindre un tel but comme ce fut la cas en France de façon précise mais laborieuse. Des livres italiens ont au moins l’avantage de parler de l’usage de la planchette.

Il est reconnu qu’il n’existe aucune triangulation générale du duché en 1730. Il n’existe donc aucun point sur lesquels les géomètres peuvent s’appuyer pour faire une cartographie générale cohérente de la Savoie, dans son ensemble ou plus simplement au niveau d’un groupe de paroisses.

La réduction à l’horizontale des longueurs mesurées est extrêmement peu probable et d'ailleurs pratiquement sans importance. La réduction au niveau de la mer ainsi que le recours à un système de projection n'ont pas cours à l'époque. Elles sont sans incidence à l’échelle d’une paroisse même relativement étendue comme celle de Fontcouverte et contraires à l'esprit du levé de surfaces réelles.

La première opération prévue consiste à borner et cartographier le périmètre de chaque paroisse ce qui, sur le plan strictement topographique, devrait permettre l’harmonisation des contacts entre paroisses. C'est n'est pas toujours le cas dans la mesure où les limites d'une paroisse sont des zones montagneuses ou des vallées de torrents pas jours très accessibles. Un exemple de désaccord sur une limite de paroisse apparait nettement entre Fontcouverte et Villarembert : un confluent de deux torrents et les parcelles voisines apparaissent sur les deux mappes !

Les géomètres doivent, en principe, réaliser d’abord une ossature plus ou moins globale du dispositif cartographique de leurs paroisses en :

Nous n'avons pu trouver dans la documentation de la mappe de Fontcouverte les traces de ces travaux préparatoires qui auraient pu être réalisés.

Les méthodes utilisées pour les levés à la planchette sont très variées et généralement décrites dans les livres de cadastration (particulièrement en italien). En simplifiant, on peut retenir les suivantes.

La méthode du cheminement

Cheminement le long d'un cours d'eau

Elle consiste en partant d’un point A du terrain déjà repéré sur la planchette à observer un point B et reporter, sur la planchette correctement orientée, la direction A‑B relevée à l'alidade ainsi que la distance a‑b séparant le point A du suivant B mesurée à la chaîne d'arpenteur. En déplaçant la planchette sur le point B visé précédemment et en orientant correctement la planchette par rapport à la précédente, un second point C est relevé et ainsi de suite sur toute la longueur du cheminement.

De tels cheminements peuvent être réalisés en particulier le long de chemins ou de cours d’eau assimilables à des suites d’éléments rectilignes, facilement accessibles, ou de terrains découverts marqués de points caractéristiques.

La méthode des relèvements (on parle actuellement d’intersection).

Relèvement de 2 points
éventuellement inaccessibles à la planchette

Elle tente de construire des triangles à partir des extrémités d’une base, telle AB, déterminée préalablement sur la planchette. Le point M est alors représenté sur la planchette par l’intersection des visées faites sur M depuis A et B. D’autres points, tel N, peuvent être simultanément déterminés de façon efficace depuis les mêmes stations A et B. Les points M et N sont matérialisés sur le terrain par des palines ou correspondent à des points caractéristiques du paysage.

Cette méthode, relativement très rapide et sans calculs, dispense de la mesure de nombreuses distances et permet de lever des points inaccessibles par la planchette. Elle peut, par contre, propager des erreurs si des contrôles sérieux ne sont pas exercés (par exemple si la distance ou l'orientation de AB sont entachées d'une erreur celle-ci se retrouve dans tous les triangles issus  de A et B).

La méthode des perpendiculaires.

Levé à l'équerre d'une église

Elle permet avec une simple équerre d’arpenteur de tracer sur la planchette des perpendiculaires à une ligne, telle AB, déjà tracée sur la planchette, en positionnant l’équerre au point voulu tel k de AB où le point K à déterminer est vu sous une direction perpendiculaire à AB. La position de K sur la feuille est obtenue par le report de la mesure des distances perpendiculaires A‑k et k‑K.

Cette méthode peut être utilisée pour établir de nombreux points voisins et peu distants du segment de base par exemple pour l’implantation de bâtiments. Souvent utilisée dans le Milanais ou le Piémont, elle serait, après tests, pratiquement abandonnée en Savoie au profit de la planchette.


A la vue de ces méthodes on imagine la grande efficacité de la planchette.

On peut cependant noter les limites suivantes de la méthode.