Fontcouverte
 

Le matériel d'arpentage disponible
au début du XVIIIe siècle

Quelques uns des nombreux appareils
d'arpentage (dont la tablette prétorienne)

Mesurer la surface de son champ est une idée aussi ancienne que l’Antiquité. Il suffit alors de mesurer la longueur des côtés du champ avec une corde étalonnée.

Jusqu’au début de la Renaissance, peu d’instruments d'arpentage nouveaux apparaissent. On s’intéresse plutôt à la position des étoiles en relevant des angles avec des instruments de précision progressivement améliorée.

Au XVIIe siècle, des progrès décisifs sont acquis donnant des appareils complexes de mesure des angles. Enfin, au XVIIIe siècle, la plupart des appareils que nous connaissons actuellement existent n’attendant que l'amélioration de leur conception et des progrès dans leur réalisation mécanique.

En France, en 1669, Colbert envisage la cartographie géométrique de la France débutant par le levé laborieux d’une bande étroite allant du nord au sud de la France et permettant d’estimer… la circonférence de la terre !

Plus modestement et simultanément, des besoins d’arpentage bien plus locaux se développent dans les pays européens avec des instruments relativement simples et peu onéreux, pratiquement sans calculs mathématiques complexes.

Les illustrations ci‑jointes sont extraites du livre « La géométrie pratique. Tome second » de 1702. On y trouve de nombreuses indications et figures sur les appareils utilisés à l'époque pour les opérations d'arpentage, en particulier l'emploi de la planchette (page 197 du livre) et de la boussole (page 161 du livre), appareils décrits ci‑dessous.

Au début du XVIIIe siècle, les cadastres du Milanais et du Piémont sont une expérience très utile dans la détermination du matériel le mieux adapté aux travaux d'arpentage.

L’équerre d’arpenteur

Plantée au sommet d’un bâton, c'est un cylindre muni de quatre fentes vertricales à 90° permettant de viser à angle droit (ou sous un angle donné pour les modèles les plus évolués) en s'appuyant sur une visée déjà définie. Conjointement, elle nécessite la mesure, relativement longue à réaliser, de nombreuses distances.

D’autres appareils sont testés pour simplifier les mesures de cadastration, raccourcir les temps de travail et améliorer la précision de mesure sans recourir à des calculs complexes … tout ce qu’il faut pour le cadastre de la Savoie. Voici ceux qui sont probablement utilisés à Fontcouverte.

La planchette (ou tablette prétorienne), tavolla ou tavoletta en italien

Reconnue comme inventée en 1590 par J. Praetorius à Nuremberg, améliorée par Giovani Marinoni à l’occasion du cadastre du Milanais autrichien de 1718, elle n’est qu’un support pour papier et instruments, facile à transporter sur le terrain, susceptible d’être simplement mise en station, capable de recevoir des feuilles de papier à dessin et divers dispositifs de mesure de nature et de précision adaptées.

Elle est constituée d’un trépied en bois surmonté d’un dispositif à rotule orientable sur lequel est fixée une planche de bois, de 0,5 à 0,75 m au plus de côté, centrée sur la rotule du pied donc apte à prendre une position horizontale, oblique ou verticale. Elle reçoit une feuille de papier sur laquelle le géomètre peut réaliser ses visées et reporter directement leurs tracés sans plus de calculs.

Les instruments utilisés avec la planchette en 1730 sont nombreux et de natures très variées. On peut noter en particulier les suivants qui sont utilisés dans le levé de la mappe en Savoie.

L’équerre

Muni d’un fil à plomb, cet instrument très simple n'est qu'un niveau pour vérifier l’horizontalité approximative de la planchette. Cette horizontalité doit être assurée au moins pour les visées très pentues qui peuvent être rencontrées en Savoie sur les bords montagneux du territoire des paroisses ou dans les gorges des torrents. Le niveau à bulle qui existe déjà n’est sans doute pas utilisé pour le levé de la mappe.

L’alidade

La petite alidade présentée ici, conçue par le Colonel Goulier (largement utilisée par l'armée et les explorateurs divers dans les ex colonies françaises) ne date pas du début du XVIIIe siècle mais de la fin du XIXe. Elle correspond exactement, dans son principe de base mais en dimensions réduites, à l'alidade utilisée en 1730 pour l'élaboration de la mappe.

L'alidade du XVIIIe siècle est constituée d'une règle en bois de 4 à 5 centimètres de large et de longueur voisine de celles des côtés de la planchette. Le long d’un coté de la règle sont peut‑être portées des graduations pour reporter les distances mesurées au sol et réduites à l’échelle retenue pour la mappe. A ses extrémités, deux pièces sont redressées verticalement. L’un de ces éléments comporte une fenêtre dans laquelle est tendu un fils de crin constituant une pinnule de visée, l’autre une fenêtre munie d’une seconde pinnule (ou, dans notre exemple, de trous) servant d’oculaire de visée. La réalisation sur la planchette d’une visée entre une station S et un point visé V consiste à planter une aiguille dans la planchette au point qui correspond sur le plan au point S. Puis, appuyant l’alidade contre l’aiguille, on tourne l'alidade jusqu’à faire coïncider les pinnules avec le point visé V. Il suffit de tracer, selon la direction de l’alidade, le trait qui représentera la visée faite. On peut enfin porter sur le trait, la distance S‑V qui est mesurée séparément sur le terrain et réduite à l'échelle de la mappe. Le point V est alors positionné sur le plan.

Le remplacement des pinnules par une lunette munie d’un réticule a été introduit sur l’alidade avant 1730 mais son coût, sans doute prohibitif pour les nombreux géomètres à équiper, fait qu’il n’a probablement pas été mis en œuvre, du moins de façon systématique, pour le cadastre savoyard.

Avec l’échelle de la mappe de 1730, soit 1/2 400, une planchette permet théoriquement l'arpentage d’un carré de l'ordre de 1,2 km de côté soit environ 150 hectares. Mais des recouvrements sont nécessaires pour le raccordement des feuilles successives. La paroisse de Fontcouverte aurait théoriquement nécessité environ 15 levés à la planchette mais probablement plus du triple dans la pratique.

La boussole

Elle est utilisée pour orienter la planchette lors de sa mise en station mais ce dispositif est parfois contesté dans les régions à sol métallifère. La boussole donne le nord magnétique qui, en France de 1730, diffère du nord géographique d'environ 10° vers l'ouest.

La chaîne d’arpenteur

Elle sert à la mesure des distances. Ce peut être une série de maillons métalliques de longueur courte et précise. Les maillons sont reliés entre eux de façon à permettre une mesure sur une grande longueur, quelques mètres à quelques décamètres. Pour des mesures plus précises, on peut utiliser des barres de bois portant des extrémités métalliques posées de façon jointive sur le sol.

Les palines (ou jalons)

Ce sont des perches de bois qu’on plante verticalement dans le sol pour matérialiser un point particulier devant être visé depuis la planchette. Ces perches peuvent être équipées de petits panneaux de couleur pour être plus facilement repérables sur le fond de la nature.

D'autres appareils peuvent être adaptés utilement à la planchette. On peut noter, en particuler, des dispositifs de mesure des dénivellées. Ils n'ont semble‑t‑il pas été utilisés en Savoie.

Pour nous mettre dans la peau des géomètres et trabucants du cadastre de 1730 nous avons reconstitué dans son principe une tablette prétorienne avec son matériel de mesure de l'époque. On retrouve le trépied, sa rotule, la planchette et son alidade moderne un peu courte. Ce matériel a donné entière satisfaction aux jeunes géomètre et trabucant du XXIe siècle !