Fontcouverte
 

Les livres de l'état des âmes

Le Concile de Trente (1545 - 1563), dans ses préoccupations pastorales, affirme que le curé doit connaître ses paroissiens mais le décret ne prévoit pas la façon d'enregistrer les informations utiles au curé. Charles Boromée, archevêque de Milan, est reconnu comme un acteur majeur de l'institution des registres de l'état des âmes (ainsi que d'un registre équivalent pour les prêtres). Le Rituel du pape Paul V impose la tenue de ces registres, ce qui se fait sous des formes précises mais diverses suivant les diocèses. Encore d'autres registes sont établis au point de déclancher des réactions de certains évêques... déjà la crainte du « fichage » !

Structure des livres de l'état des âmes

En principe, le curé doit établir un état annuel qui donne lieu à un rapport transmis à l'évêque à l'occasion de la visite pastorale de ce dernier ou du synode diocésain annuel. Il est en effet admis que l'évêque est mieux placé que le curé pour régler les cas les plus difficiles. Le canon 470 impose avec rigueur aux curés le secret de cet état.

Chaque famille doit donner lieu à une fiche précisant l'identité du père, celle de la mère puis celle des enfants. Pour chaque personne sont indiqués les sacrements reçus (baptême, communion, confirmation, mariage et sépulture). Sont ensuite enregistrées les remarques du curé sur le comportement religieux mais aussi civil de chaque paroissien. Pour des raisons de confidentialité, ces remarques peuvent être reportées sur une feuille indépendante.

Utilité du livre de l'état des âmes pour le curé

L'état des âmes est un document précieux pour le curé. Il lui permet, entre autre :

Utilité pour nous des livres de l'état des âmes

Nous n'avons eu recours à ces livres que très tardivement, à une époque où la structuration de la population de Fontcouverte par voie informatique était très avancée. Ils nous ont permis d'assurer, éventuellement de compléter et d'améliorer, notre structuration. Le recours aux fiches familiales des livres pourrait cependant être une aide non négligeable, s'ils peuvent en disposer, aux généalogistes commençant l'exploitation des registres d'état civil. Dans les livres que nous avons pu consulter, l'identification des parents de chaque famille remonte souvent sur plusieurs générations. Il n'est pas rare alors de recouvrir un siècle de généalogie. On peut aussi profiter des informations données par le curé que l'on ne retrouve pas dans les registres d'état civil.

Les livres retrouvés dans les archives de la cure de Fontcouverte

Le livre de 1811

1806 marque la fin des longs ministères des curés de Fontcouverte. Après la période révolutionnaire française de nombreux curés se succèdent rapidement rendant aléatoire l'entretien des livres de l'état des âmes.

Le livre est initialisé par le curé Roges en 1811. Il reprend probablement les éléments du livre précédent certainement tenu par le Curé Roulet, dont on connait la rigueur, pour constituer les familles. Il débute par une table des familles puis donne pour chacune d'elles les informations classiques sur les personnes. Les ancêtres des parents remontent sur deux générations (et même plus pour les ancêtres masculins). Cependant, on ne peut espérer combler les lacunes de l'état civil religieux correspondant à la période révolutionnaire, le curé étant en train de remédier à l'absence du Curé Roulet par ses enquêtes locales.

Le curé paraît mettre à jour son livre jusqu'à la fin de son ministère en 1814. Ensuite, les évènements semblent reportés de façon beaucoup plus aléatoire jusqu'en 1820 avec les Curés Richard et Deschamps. Un décès en 1832 est enregistré peut-être par le Curé Julien.

Le livre de 1846

C'est le Curé Boniface qui entreprend la rédaction du livre en 1846. Il utilise pour ce faire les tableaux pré imprimés imposés prévoyant la saisie des informations classiques mais ajoutant une colonne pour les observations. Il décrit les familles de l'époque en reprenant sans doute les livres précédents. On retrouve donc les pères et mères de famille (nés souvent à la fin du XVIIIe siècle) avec leurs ascendants. Puis viennent les enfants dont certains se marient pendant la période d'activité du document. Les obstacles ne manquent pas devant la multiplication des enfants naturels.

Les informations contenues dans le livre semblent indiquer que ce dernier est tenu à jour régulièrement jusqu'en 1895 environ. Les différentes écritures rencontrées seraient celles des Curés Ducruez, Pasquier, Fodéré, Demaison et peut-être Dufour. Cependant, le livre est utilisé bien plus tard et occasionnellement pour porter des information du XXe siècle avancé.

L'utilisation de la colonne des observations porte sur :

Au moins au début du livre, l'exigence de confidentialité est respectée en notant en latin et non en français des informations particulières telles la naissance d'enfants naturels, les suicides... autant de faits qu'il est facile de déduire des archives du maire !

Un livre non daté probablement de 1897

Le Curé Dufour est sans doute un grand amateur d'archives ! Il les a étudiées et nous donne un résumé de ses recherches de fin du XIXe siècle. Il n'est donc pas étonnant qu'il veuille commencer un nouveau livre de l'état des âmes de Fontcouverte, ce qu'il fait très probablement courant 1897 (le livre ne porte ni mention de nom ni de date, un document annexe donne son nom et la rédaction du livre atteste la date approximative de fin 1897 pour les premières mises à jour). Il semble être tenu de façon correcte jusqu'à la mort du Curé Michelland en 2011. La description des familles reprend certainement celle, mise à jour, de l'état final du livre de 1846.

Le livre a le même support et la même rédaction que ceux du précédent. La colonne « Observations » rapporte les mêmes éléments mais présente un intérêt particulier pour les nombreux évènements externes à la paroisse, en particulier pour les migrations... jusqu'au Canada.

Enfin, est joint fortuitement au livre la relation de la vie des divers curés de Fontcouverte depuis 1321, rédaction initiée par le Curé Dufour mais complètée par les curés successifs jusqu'au Curé Michelland.

La curieuse pierre tombale
du Curé André Sibué
au cimetierre de Charvin
Le livre de l'état des âmes de la paroisse de Charvin

Les hameaux isolés situés au sud du Merderet ont été érigés en paroisse le 1er janvier 1895. Deux curés s'y seraient succédés : Pierre Sibué originaire de Villarembert serait le premier suivi, après sa mort en 1922, par le Curé André Sibué de Fontcouverte. Cette succession apparaît clairement dans le livre.

Le livre est initialisé en 1900 seulement en s'appuyant sur les informations du livre de 1846 ; il a la structure classique des deux livres précédents. Les observations montrent en particulier le déclin démographique de la région sud de la commune, des familles partant vivre « à Fontcouverte » ou, plus souvent à Saint-Jean-de-Maurienne. Les évènements mentionnés restent fréquents jusque dans les années 1920 mais sont très rares après 1930 (le plus tardif est de 1935).

Pourquoi si peu d'archives anciennes ?

La moisson des livres de l'état des âmes n'est vraiement pas abondante puisqu'elle ne débute qu'au XIXe siècle. On peut s'étonner de ce fait.

Le canon 470 prévoit bien l'entretien des registres d'état civil mais « aussi » de ceux de l'état des âmes, un peu comme si ces derniers présentent une certaine infériorité. Il est même précisé que le curé le fait en fonction de ses moyens. Connaissant le zèle qu'ont mis les curés de Fontcouverte dans l'entretien des registres d'état civil, on a peine à croire qu'ils en aîent mis beaucoup moins dans leurs livres de l'état des âmes et la conservation de ces derniers.

Mais aucune consigne semble n'avoir été donnée tant au niveau romain que diocésain pour la conservation des registres de catholicité et d'état des âmes.

La confidentialité attribuée à ces derniers fait qu'ils doivent rester à la cure. Ils ne sont donc pas à retrouver dans les archives de l'évêché de Saint-Jean-de-Maurienne et encore moins aux Archives départementales de Savoie puisque les registres d'état civil ont tous été conservés à la cure.

C'est peut-être cette confidentialité qui auraient conduit les curés à détruire les livres de l'état des âmes dont l'utilité devient caduque une fois le compte-rendu fait à l'évêque, ce qui pourrait avoir été fait très probablement annuellement jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Comme quoi la CNIL ecclésiastique est justifiée pour les paroisiens de l'époque mais entraîne un regret pour les historiens et les généalogistes actuels !