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Les grandes épidémies historiques

Le terme historique de « peste » ne désigne pas nécessairement la maladie caractérisée comme telle aujourd’hui. Il ne s’agit, pas même toujours, d’une maladie réelle mais d’un évènement catastrophique contre lequel la religion et la médecine restent sans moyens de défense.

Trois épidémies généralisées connues appelées pandémies sont elles bien réelles.

La Peste de Justinien

C’est la première grande épidémie réputée pesteuse connue en Europe. Par poussées successives elle s’étend du milieu du VIe siècle au milieu du VIIIe. Partie de Mongolie ou du Yémen ou d’Ethiopie, elle serait apparue en Egypte, Palestine, Syrie puis à Constantinople. Elle se serait propagée vers l’Europe méridionale, au gré des transports maritimes et terrestres circummédirerranéens ainsi que des mouvements militaires, pour atteindre le sud de la France en 545, y pénétrer par les vallées du Rhône et de la Saône et les voies romaines encore fréquentées. Elle ne s’étend cependant pas dans les profondeurs de la Gaule. Les pertes humaines sont difficiles à chiffrer mais elles sont assez importantes (la population de l’Occident aurait été réduite à une valeur inférieure à celle qu’elle avait sous le Haut Empire romain) affaiblissant alors l’influence politique de l’Europe méridionale au profit de la partie septentrionale.

La Peste Noire

Si le Moyen‑âge a connu de nombreuses épidémies plus ou moins virulentes et localisées dont la cause, souvent mal identifiée, ne serait pas toujours pesteuse, la seconde grande épidémie, dite de la Peste Noire, qui durera près de quatre siècles, se serait déclarée en Chine vers 1330, s’étendant en Mongolie puis vers la Mer Caspienne et la Mer Noire.

En 1346, les troupes mongoles assiégeant Caffa dans la presqu’ile de Crimée transmettent la maladie aux Génois en catapultant des cadavres infectés, inventant ainsi la guerre bactériologique. Le mal se répand alors rapidement par les ports de la Méditerranée. Il arrive en France par Marseille en fin 1347, gagne Paris dans l’été 1348 et couvre pratiquement toute l’Europe en atteignant la Scandinavie en 1350 et Moscou en 1351. Contrairement à la Peste de Justinien, les communications s'étant rétablies, elle se répand sur tout le continent, ou presque, de l’Europe.

Après la première vague épidémique qui reste la plus importante, de nombreuses résurgences perdurent jusqu’aux dernières années du XVIIIe siècle.

La Guerre de Cent Ans qui sévit à la même époque tue des milliers de personnes en cent ans. La peste en tue des millions, près de la moitié de la population européenne (entre 25 et 60 % suivant les régions… et les estimations). La France ne retrouvera sa population de la fin du XIIIe siècle que dans la seconde moitié du XVIIe.

Saint Roch et son bubon

En Europe, la Peste Noire a des conséquences économiques importantes : désertification des campagnes avec abandon des terres les moins cultivables, migration vers les villes qui ont été particulièrement décimées. La chute économique est brutale. L’épidémie engendre simultanément un changement important des mentalités : violences, retour des croyances obscures, reprises des dévotions chrétiennes…

Au XVIe siècle la médecine est totalement impuissante à juguler le mal. La prophylaxie a recours à des moyens médicaux, religieux, magiques… autant acceptés par la médecine que par le peuple. Les remèdes vont des onguents, des cataplasmes de plantes en applications externes aux traitements internes telles les herbes contrepoison, les antidotes minéraux, pierres et métaux.

De son côté, l’Eglise organise des processions solennelles, fait des vœux qui seront réalisés dès la fin de l’épidémie. On invoque particulièrement les saints protecteurs de la peste, Saint Sébastien et Saint Roch.

La Peste Noire prend les autorités civiles au dépourvu. Mais progressivement, la peste perdurant plusieurs siècles, des règlements sanitaires s’imposent, instituant en particulier les quarantaines dans les ports méditerranéens.

Notre épidémie de 1630 est la dernière manifestation en Maurienne de la grande pandémie séculaire de la Peste Noire.

Une troisième épidémie pesteuse

Citée ici pour mémoire, elle débute en 1840 en Chine atteignant Hong Kong en 1894. La découverte du bacille qu’y fait le médecin pasteurien Yersin, celle du rôle de la puce dans la transmission à l’homme par Paul Louis Simond et les conférences sanitaires mondiales ne suffiront pas à limiter l’extension de la peste qui couvre l’ensemble du monde, les transports maritimes s’étant largement répandus et accélérés. L’Inde est touchée à Bombay en 1896, Madagascar en 1898, le Brésil en 1899. En 1900, la peste fait son apparition dans les grands ports comme Sydney, San Francisco, New York, Lisbonne, Glasgow. Marseille en réchappe mais Paris connaît un épisode en 1920 ‑ 1921 ainsi que la Corse et l’Italie lors de la seconde guerre mondiale. L'épidémie se poursuit de nos jours à Madagascar, en République Démocratique du Congo, en Asie du sud‑est et dans les deux sous‑continents américains… il y a encore des pestiférés aux USA !