Fontcouverte
 

L'allaitement maternel à Fontcouverte

L'idée est d'étudier l'effet de l'allaitement sur la durée de l'intervalle intérgénésique dans le cas où l'enfant né meurt dans les mois qui suivent sa naissance. En cas d'allaitement du nouveau né, celui-là est interrompu par la mort de l'enfant permettant à la mère d'être plus rapidement enceinte.

On utilise ici le terme d’« initiateur » pour l’enfant qui est à l’origine de l’intervalle intergénésique et dont on étudie l’influence de l’âge au décès sur l’intervalle séparant sa naissance de celle de son frère ou de sa sœur arrivant immédiatement (ou supposé tel) après lui et appelé « suivant.  ».

Les intervalles empruntés dans cette analyse sont ceux de l’étude générale des intervalles intergénésiques en se limitant à ceux dont l’« initiateur » meurt au plus tard 24 mois après sa naissance.

Les temps sont tous calculés précisément en jours bien que les intervalles et l’âge au décès soient exprimés en mois dans le graphique.

Les points rouge correspondent à des intervalles dont les « suivants » sont morts très peu après la naissance (moins de 3 jours) et sont des naissances de morts-nés (plus ou moins prématurés).

On retrouve la mortalité très importante du premier mois de vie des « initiateur », décroissant progressivement avec l'âge. Cependant, la densité des points reste relativement importante au voisinage de la droite oblique du graphique pour des âges de décès plus élevés. On note également que, si l’« initiateur » meurt rapidement, il est fréquent que son « suivant » en fasse de même ce qui révèle les familles aux nombreuses fausses-couches.

Cette droite est calée sur la valeur des intervalles de 10,5 mois pour un âge au décès de 0 jours de l’« initiateur »  ; cette valeur correspond à un temps de post partum de 2 mois et une gestation minimum de 8,5 mois. La pente de la droite est de 1.

Au dessus de la droite (zone A) se trouvent les « suivants » conçus après le décès de l’« initiateur » , en dessous (zone B + C) ceux conçus avant. Nous nous intéressons particulièrement à ces derniers.

Si l’« initiateur » meurt à la naissance, le « suivant » peut naître 10,5 mois après le décès (et donc la naissance) de l’« initiateur ». S’il meurt à X mois, le « suivant » peut naître à 10,5 + X mois.

La zone B, à gauche d’une droite calée sur une durée de vie de 8,5 mois (sans rapport avec le temps de gestation) ne montre pratiquement aucun point  ; il n’y a donc pas de naissances de « suivants » conçus avant le décès de l’« initiateur » quand celui-ci meurt avant 8,5 mois. Les points apparaissant dans cette zone B correspondent alors à des naissances de « suivants » prématurés (points rouges) ou nés peu avant 8,5 mois de gestation (points bleus). Dans la zone C, par contre, des naissances de « suivants » apparaissent en quantité significative, correspondant à des conceptions avant décès de l’« initiateur ». Un enfant vivant bloquerait donc la conception suivante de sa mère pendant environ 8,5 mois.

Il est évident, cependant, que le calage de la droite verticale à 8,5 mois dépend de l’estimation que l’on peut avoir de l’apparition des points dans la zone C.

Si l’on admet que l’allongement du temps mort est pour partie dû à l’allaitement maternel (les autres effets étant distribués aléatoirement sur le graphique), on peut conclure que le temps mort de 8,5 mois comprend 2 mois d'anovulation normale et de 6,5 mois d’effet de l’allaitement. Il est généralement admis par les démographes qu’un allongement de 6,5 mois correspond à un allaitement de 10 mois à 12 mois en moyenne. A en croire cette valeur, les Fontcouvertines nourriraient leurs enfants au sein, en moyenne, un peu moins d’un an.

Dans la pratique, il est difficile de définir le temps d’allaitement dans la mesure où ce dernier peut être total ou devenir progressivement partiel et où le pourcentage de mères y recourant n'est pas connu. Un indice de ce fait a été établi à partir des courbes de mortalité des jeunes enfants au XVIIIe siècle où une surmortalité transitoire apparaît vers 4 mois et qu’on pourrait attribuer à des intoxications alimentaires liées à des nourritures extra maternelles peu sures. Enfin, les habitudes des Fontcouvertines peuvent évoluer au cours du temps ou de la saison (les travaux intensifs des récoltes, en été et en automne, pourraient interrompre ou rendre plus aléatoire l'allaitement).

Le temps d’allaitement doit ainsi être considéré comme un ordre de grandeur moyen et approximatif.

On peut le comparer aux valeurs avancées par J. E. Knodel dans son étude de démographie historique sur quelques villages allemands. Il signale la grande diversité des habitudes suivant les régions pour la fin du XIXe siècle mais leur constance probable dans le temps. En Bavière, dans trois villages, dont un seul est semble-t-il situé en moyenne montagne, il rapporte que les deux tiers des mères n’allaitent pas, trois pourcents dépassant six mois. A l’opposé, dans la région septentrionale de l’Allemagne (la Frise exactement) à la culture probablement assez différente de celle de Fontcouverte, l’allaitement maternel est une pratique universelle d’au moins un ans (pouvant atteindre trois ans).