Fontcouverte
 

La mortalité des mères suite à un accouchement

La mortalité maternelle concerne les décès de mères au moment d'un accouchement ou à sa suite. On l'estime comme le rapport du nombre de mères mourant en couches au nombre total des grossesses.

En principe la mise en évidence de tels accidents devrait être simple. En fait, beaucoup de questions se posent.

Un décès est-il lié à un accouchement ?

Les archives ne précisent pratiquement jamais la relation de cause à effet en mentionnant les circonstances du décès. Cependant ce peut être exceptionnellement le cas lorsque le décès intervient lors de l’accouchement lui-même.

Une mère peut mourir peu après un accouchement bien que ce décès ait une toute autre origine. Inversement des décès relativement tardifs peuvent être les conséquences différées d’un accouchement sans que l’on puisse faire le rapprochement.

Quel délai peut-on retenir entre accouchement et mort de la mère ?

Les milieux médicaux et démographiques en proposent divers suivant les objectifs poursuivis et les informations disponibles. Le plus généralement il est actuellement adopté celui de 6 semaines soit 42 jours. Dans les conditions de l’hygiène des siècles anciens il se peut que ce délai ne soit pas pertinent dans la mesure où les complications infectieuses risquent d’y être plus nombreuses et se révéler tardivement.

Nous retenons a priori cette valeur de 42 jours mais poursuivons l’observation de la mortalité jusqu’à 60 jours.

Tous les décès maternels peuvent-ils être identifiés dans les archives ?

Bien des décès de mères peuvent être liés à des accouchements très prématurés, à des fausses couches ou à des avortements divers. Si la « naissance » n’est pas trouvée dans les archives, le décès de la mère n’est pas considéré comme maternel ce qui fausse à la baisse le nombre des décès maternels et la mortalité correspondante. A Fontcouverte, il existe de nombreux cas où une mère a régulièrement un enfant par an (ou à peine plus) mais il peut apparaître dans la fratrie une ou plusieurs lacunes de naissances de l'ordre d’un an (ou moins) qui seraient alors la marque d’accidents de grossesse non repérables dans les archives mais auxquelles la mère aurait survécue. Ce fait conduit à une surestimation de la proportion des décès maternels.

Quoiqu'il en soit, la comparaison à d'autres études historiques souffrant des mêmes difficultés reste valable.

Une statistique malgré tous ces doutes

Le constat est fait sur les hypothèses

Proportion des mortes et délais de décès

La disposition des archives d’état civil très précises et la structuration de la population permettent d’établir les délais de décès des mères à un ou deux jours près.

Le temps est découpé en deux périodes séculaires (XVII et XVIII) et deux périodes cinquantennales pour le XIXe siècle (XIX-1 et XIX-2) au cours duquel on peut espérer des progrès. Les décès du tableau sont comptés jusqu'à 60 jours.

Nombre XVII XVIII XIX-1 XIX-2
Accouchements 3096 3603 1823 1513
Décès 35 48 20 18
% 1,1 1,3 1,1 1,2

Un peu plus de 1 % des accouchements conduirait donc au décès de l'accouchée. Cette proportion paraît ne pas avoir varié dans le temps malgré les progrès de l'obstétrique, en particulier au XIXe siècle.

Le graphique suivant donne alors la proportion des accouchements ayant conduit au décès de la mère sur l’ensemble des accouchements connus en fonction du délai de décès de la mère. Cette proportion est donnée sous forme (cumulative) de la proportion des décès intervenus dans un délai inférieur ou égal à une valeur donnée.

Les courbes varient quelque peu selon les époques sans qu'une évolution continue n'apparaisse. Les courbes XVII et XVIII, établies sur un nombre de décès relativement satisfaisant donnent probablement une bonne idée de la tendance avec cependant des valeurs assez différentes. Les courbes XIX-1 et XIX-2 sont présentées malgré les faibles volumes des échantillons dans l'espoir de constater un progrès dans le temps. Ce n'est manifestement pas le cas. Il n'apparaît pas de progrès jusqu'à la fin du XIXe siècle... il faudra attendre le XXe.

Les proportions des décès seraient donc les suivantes en fonction du délai.

Avec une probabilité de 0,8 à 1 % de mourir lors de l'un de ses accouchements (valeur conforme à ce que donne la bibliographie), une mère ayant 6 enfants aurait donc couru un risque approximatif d'en mourir avec une probabilité de 5 %, probabilité qui ne baisse pas, au contraire, jusqu'à la fin du XIXe siècle et qu'on a peine à imaginer de nos jours. C'est un chiffre qui pourrait avoir une influence sur les désirs de maternité aux époques les plus récentes de notre étude.

Age des mères à leur décès

Le risque pour une mère de mourir lors d'un accouchement dépend-il de son âge ? Cette question est souvent abordée par les démographes. Nous avons tenté de le faire à Fontcouverte malgré les faibles nombres mis en œuvre et en ne faisant aucune distinction des siècles (cette dernière simplification paraît justifiée à la vue du graphique précédent). Les âges des mères sont regroupés par tranches de 5 ans. Le délai de décès est porté à 60 jours (les résultats si le délai est limité à 42 jours montrent des tendances identiques)

Le graphique de la probabilité (ou proportion) pour une mère de mourir suivant son âge à l'accouchement montre que cette probabilité est effectivement variable.

C'est entre 25 et 30 ans que cette probabilité est la plus faible de l'ordre de 0,5 % (heureusement c'est l'âge auquel les femmes sont le plus fécondes). Mais elle croît fortement pour dépasser 1,25 % entre 35 et 40 ans. Ce fait est bien connu des démographes. Entre 15 et 25 ans la probabilité est également plus forte mais dans une moindre proportion avec une valeur de l'ordre de 0,75 %.

Les démographes étudient encore cette probabilité en fonction du nombre d'enfants qu'une mère a eu lorsqu'elle meurt à la naissance du dernier. Comme il existe une corrélation évidente entre le nombre d'enfants d'une mère et son âge, cette tentative d'analyse n'est pas réalisée. On ne saura donc pas quel est le facteur (âge ou parité) déterminant des décès maternels.