Fontcouverte
 

Prévention contre la peste en 1721

Fin janvier 1720, un bateau en provenance du Levant importe la peste bubonique à Marseille. Elle s’étend en fin d’année à la Provence jusqu’à la fin de l’été 1721. Devant le risque d'une extension de l'épidémie au Dauphiné et de là à la Savoie, les autorités administratives prennent rapidement des dispositions sanitaires de prévention particulièrement strictes en vue de la protection des frontières, la communauté de Fontcouverte étant directement concernée.

Les archives de la cure de Fontcouverte possèdent quelques documents retraçant les décisions prises, du roi aux autorités de Maurienne. Ces décisions sont-elles efficaces ou la contagions n’arrive-t-elle pas en Maurienne puisqu’aucune mort suspecte ne semble relevée dans les archives d’état civil de Fontcouverte (tout au plus une femme morte de maladie sans précision) ?

Dès le 8 février 1721 le Roi prescrit un enregistrement strict des marchands de peaux et cuirs venant commercer en Savoie. Le Magistrat de santé à Chambéry relaie cet ordre le 11 février courant.

La plus grande partie des troupes royales est affectée à la garde des frontières de Nice et de Savoie afin de contrôler, limiter, voire interdire l'entrée d'étrangers.

Les fonds nécessaires à ces actions conduisent le roi Victor Amédée 1er à promulguer le 2 juin 1721 un édit instaurant une imposition spécifique et générale sur la population. L'édit est proclamé et affiché à Fontcouverte le 10 août 1721 par le secrétaire Jean Gilbert.

Suivent la mention de l'extrait du registre de la Chambre des Comptes de Sa Magesté et de la copie de décret fait au Sénat de Savoie le 10 juin 1721.

Les documents de la cure présentent ensuite divers ordres donnés localement.

Ordre, du 11 septembre 1721 fait à Saint Jean, de Philibert Salteur, Intendant de la province de Maurienne, imposant une quarantaine au Montcenis de huit à dix jours aux négociants de bétail y passant habituellement et de l'enregistrement de ces passages. Ordre publié le dimanche 14 septembre 1721 et affiché au lieu accoutumé à Fontcouverte par le secrétaire Jean Gilbert.

Plus significatif de la rigueur avec laquelle la prévention des passages d'étrangers venant de Provence par le Dauphiné est l'ordre du 16 octobre 1721 du Gouverneur de Savoie précisant les consignes strictes en cas de tentative de pénétration sur le sol savoyard. Les migrants sont bien mal vus puisqu'ils risquent d'être abattus et enterrer sans ménagement. Pour être clair, voici la transcription du texte de l'ordre.

S. E. Monsieur le Gouverneur de Savoie fait savoir que le mal contagieux est à Orange et qu'il s'est échappé dudit endroit cinq à six cents personnes qui sont venues dans les montagnes du Dauphiné et qui pourraient passer en Savoie. Il ordonne à tous les chefs des postes et aux châtelains ou officiers locaux, syndics et conseillers des paroisses qui se trouvent sur les frontières de France en Maurienne de faire toutes diligences possibles que s'il en était entré quelqu'un et qu'il s'en présente sur le territoire de Savoie de les arrêter de loin sans communication aucunement comme il a été ci-devant consigné et s'ils ne veulent s'arrêter, leur tirer dessus jusqu'à ce que mort s'en suive, faire faire un creux par la communauté très profond et les faire tirer tout habillé avec des crocs dans le creux avec tout ce qu'il pourrait avoir avec lui soit chapeau ou bonnet et les couvriront bien de terre tel est l'ordre de la dite Excellence dont je vous envoie la copie fait à St Jean de Maurienne ce 16 octobre 1721 Signé de Lalo Capitaine.

Ordre publié à Fontcouverte :

Je soussigné secrétaire de la paroisse de Fontcouverte certifie avoir pris copie du présent sur l'original et publié le dimanche dix neuf du présent dans la place publique dudit lieu où le peuple y étant dûment assemblés à l'issue des divins offices après le son de la cloche à la manière accoutumée. En foi de quoi j'ai signé à Fontcouverte ce 19 octobre 1721.

J. Gilbert secrétaire

Alors que l'épidémie est probablement sur son déclin, voire terminée en Provence, un ordre est encore donné le 13 janvier 1722 par le Gouverneur et Lieutenant Maréchal des Etats en deça des Monts pour arrêter « tous étrangers, vagabonds sans état, emploi ou profession quelque part qu'ils habitent ». La publication en est faite à Fontcouverte le 25 janvier courant par le secrétaire Jean Gilbert suivant la coutume.

On peut s'étonner de nos jours d'une telle rigueur contre les personnes migrantes... et pourtant ! Il est vrai que la peste est encore en Europe, au XVIIIe siècle, un fléau recurrent particulièrement redouté dont Fontcouverte semble échapper en 1721 - 1722.