Fontcouverte
 

Mortalité des très jeunes enfants
La loi de Bourgeois Pichat

Nous utilisons la loi établie vers 1960 par Jean Bourgeois-Pichat dans le but de différencier, dans les décès des très jeunes enfants, ceux qui relèvent de la gestation et de la naissance proprement dite (décès endogènes) de ceux liés à des causes ultérieures imputables aux conditions de vie de ces enfants (décès exogènes).

Elle est en principe établie pour représenter la mortalité globale au cours de la première année de vie. Nous en faisons, de notre côté, une extension temporelle.

Détermination des décès endogènes et exogènes : loi de Bourgeois Pichat

Bourgeois Pichat admet que tous les décès d’origine endogène se produisent pratiquement dans le premier mois de vie et que le nombre cumulé par âge des décès pour causes exogènes entre 1 et 12 mois est une fonction mathématique simple de l’âge. Pour rendre les résultats comparables quelle que soit la taille de l'échantillon analysé, nous utilisons ici de préférence les probabilités de décès de chaque type en divisant le nombre de ces décès par le nombre des naissances.

La loi de la probabilité des décès exogènes cumulés De en fonction de l’âge est estimée par une loi de la forme :

Au-delà d’un mois et jusqu’à 1 an, cette fonction ajuste, à une constante près, la probabilité des décès cumulés toutes causes confondues :

a étant alors la probabilité des décès cumulés imputables aux causes endogènes.

Probabilité cumulée de décès avant l'âge a en fonction de l'âge
Sur un graphique sont portés :

Les points bleus et rouges corresondant aux 4 premières semaine sont portés pour expliquer la formation de la loi mais ne sont pas à prendre en compte dans les déterminations puisqu'ils sont inconnus.

La courbe noire est censée être la somme des décès endogènes inconnus en pratique mais survenant dans les premières semaines (courbe bleue) et des décès exogènes également inconnus (droite rouge). L’ajustement d’une droite verte sur la courbe noire entre 1 mois et 12 mois donne à l’intersection de l'axe y la probabilité de décès pour causes endogènes.

La loi de Bourgeois Pichat est de toute évidence une loi empirique qui ne recherche pas de signification physique. Le log traduit la diminution de la vitesse d'accroissement progressif de la probabilité cumulés des décès avec l’âge, la puissance 3 ayant pour rôle de contrôler la courbure de la répartition des probabilités cumulées de décès. La valeur 3 est retenue pour rendre, effectivement au mieux, linéaire la représentation.

Si la fonction de Bourgeois Pichat n'est établie que pour traduire la mortalité au cours de la première année et définir au mieux la mortalité endogène, elle a été critiquée car elle présente de nombreuses exceptions. Mais c'est peut-être là son principal intérêt. En effet, traduisant une tendance globale, elle met en valeur des écarts, difficilement perceptibles autrement, qui ont certainement une explication dans la mesure où ils manifestent une discontinuité dans l'évolution de la mortalité avec l'âge.

Des écarts à la loi

Dans tous les graphiques présentés ici le temps est pris en compte sur la totalité de la première année de vie des enfants. Les points sont espacés d'une semaine (cumul hebdomadaire des décès) et les traits verticaux correspondent aux mois.

Les garçons et filles de la deuxième moitié du XIXe siècle donnent parfaitement raison à Bourgeois Pichat  :

D'autres époques conduisent à des résultats presque aussi parfaits.

Cependant, il n'est pas rare de constater des écarts à la loi dans lesquels la mortalité endogène apparaît sur plus d'un mois (et parfois moins) : les conséquence des accouchements difficiles peuvent bien se révéler plus ou moins rapidement.

Plus souvent, il apparaît des ruptures dans la droite des décès postérieurs au premier mois.

Par exemple dans la première moitié du XVIIIe siècle, si les filles (en rouge) suivent assez bien la loi, les garçons (en bleu) montrent un excédent temporaire de mortalité vers le quatrième mois avant de reprendre, ensuite, le rythme qu'ils connaissent auparavant et identique à celui des filles. Pourquoi cet écart qu'on rencontre en d'autres circonstances ? Si la loi de Bourgeois Pichat a le mérite de nous signaler cette particularité, elle ne nous en donne pas la raison. Peut-être pourrait-il s'agir de l'arrêt de l'allaitement maternel (arrêt réservé aux garçons qui mériteraient une nourriture plus substentielle ! ?) conduisant à une nouvelle alimentation artificielle moins sûre.

Extrapolation de la loi

Dans la mesure où la loi de Bourgeois Pichat s'adapte assez bien à la mortalité rapidement décroissante des enfants de moins de 1 an, on est tenté de déterminer si elle est capable de représenter la mortalité lors des années suivantes.

Les graphiques poursuivis jusqu'à 7 ans montrent que, généralement aux époques anciennes qui nous intéressent, la linéarité semble se prolonger bien au delà de la première année. Si ce n'est pas le cas, la diminution de la mortalité cumulée s'organise autour d'un nombre très réduit de segments pratiquement linéaires bien au dela de 1 an jusqu'à des âges où la mortalité devient très faible. Nous pensons donc pouvoir utiliser une extrapolation (sous forme d'ajustements linéaires) jusqu'à des âge pour lequels la mortalité atteint des valeurs très faibles, voire nulles.