Une propriété dédoublée
Ces deux implantations pourraient avoir constitué deux
collectivités plus ou moins indépendantes avant d’être regroupées dans
une même
propriété suite par exemple à un héritage double paternel et maternel
sans héritier mâle.
D’après l’état civil trois Jean Bonnivard pourraient être propriétaires. Jean fils de Jean Pierre nous parait le plus probable. Si c’est bien lui, il tiendrait 2 vaches, 2 brebis et chèvres dans la consigne du sel de 1734, 2 vaches, 2 veaux, 1 chèvre, 8 agneaux et une demi‑part de mulet dans le recensement de 1734 (les discordances des nombres de bêtes provient de la différence saisonnière de dates et des types de bêtes inventoriées dans chaque dénombrement). Le recensement ne permet pas de savoir où réside Jean (probablement à Charvin), ni qui peut habiter et exploiter les parcelles situées aux Thuiles.
Au tabellion, nous trouvons le testament en 1715 de Jean
Pierre, père de Jean. Celui-ci donne en héritage particulier et en
indivision à ses fils Jean Baptiste et
Jean
une maison au village de Charvin ainsi qu'une parcelle au Mollard
Gévoudaz. Sa fille Catherine
hérite d'un bâtiment à Charvin (peut-être
aux Thuiles ?) que Jean Pierre a acquis d'un beau-frère. Le reste
de la
propriété est mis en indivision des trois enfants.
Par son testament de 1716 Jean Baptiste, célibataire fils de Jean
Pierre, institue son frère Jean héritier universel. La propriété de
Jean Pierre, un instant divisée, est ainsi en grande partie
reconstituée.
Nous n'avons pas le testament de Jean mais celui de son épouse Jeanne Dompnier en 1763. Celle-ci institue Sébastien, Jean, Joseph ses enfants vivants et les deux filles d'Antoine, son fils décédé en 1757, comme héritiers universels.
Le tabellion révèle un épisode intéressant concernant Antoine et Sébastien, fils de notre Jean. Par un acte d'échange passé en 1757, Antoine, dont l'habitation est à Charvin, échange avec Sébastien, au Plan des Rois, une partie de pièce de pré contenant des moulins et une cuisine contre un chemin d'accès et une somme d'argent. Antoine conserverait une cuisine (et peut‑être un moulin s'il existe encore après la crue de 1733) au Plan des Rois. Les frères auraient‑ils acquis ou hérité de leur père Jean certains des 3 moulins qui, en 1730, étaient propriété de nobles et bourgeois n'habitant pas Fontcouverte, moulins endommagés lors de la grande inondation de 1733. On apprend que les moulins étaient autrefois grevés de servis et usages dûs au seigneur (l'Evêque de Saint‑Jean). On découvre aussi qu'il existe à Fontcouverte « un a grémenseur » (un agrimenseur soit arpenteur). Le cadastre de 1730 aurait‑il fait école d'arpenrage à défaut d'orthographe ?
L'histoire d'une propriété peut être bien complexe. Le tabellion révélerait, outre les successions qui tendent à diviser les propriétés, tous les échanges, cessions et achats de parcelles après successions ou entre personnes non liées qui peuvent, au contraire, concentrer les propriétés en particulier celles déjà opulentes.
En tout cas, on ne connait toujours pas la raison de la bi‑polarité
de la propriété de Jean.