Les propriétés dans la tabelle de 1730
La structure des informations données par la tabelle nous oblige à préciser ce que nous entendons par « propriétés » et leurs « propriétaires ».
Nous appelons propriété l’ensemble des parcelles qui sont listées dans la tabelle, groupées sous le nom d’une (ou plusieurs) personne(s) que nous appelons propriétaire que cette personne soit physique ou morale (telle la communauté de Fontcouverte, les ordres religieux, les confréries, les édifices religieux).
Différents types de propriétés doivent être distingués.
Le cas d'Antoinette Adret illustré ci‑dessous est, dans son principe, le plus simple à reconnaitre.
Il s’agit d’une propriété en possession propre (un seul nom de propriétaire) qui comprend uniquement les parcelles en possession personnelle du propriétaire unique.
Un autre cas est une propriété essentiellement en possession propre dont un individu détient la plupart des parcelles en possession personnelle mais aussi une ou quelques parcelles en indivision avec d’autres personnes.
Ici Alexis Boisson possède 24 parcelles (21 parcelles sont listées dans les pages précédentes de la tabelle) en possession propre et une (parcelle 3368) en indivision avec Françoise Augert (notée Vger Françoise).
Cette dernière parcelle est présentée dans la propriété d’Alexis
Boisson. Est‑il celui qui paie la taille ou celui qui est le plus gros
utilisateur de la parcelle ? A moins que Françoise Augert ne
détienne
aucune autre parcelle en propre pour avoir droit à l'ouverture d'une
propriété sous son nom.
Une propriété peut être globalement en indivision c'est à dire que toutes ses parcelles sont en indivision entre les mêmes personnes. Cela est alors indiqué dans le titre de la propriété par le nom d’un propriétaire que nous appelons propriétaire « principal », suivi des noms ou des parentés, voire des relations sociales, de tous les autres copropriétaires.
Il s’agit donc ici d’une propriété de Catherin Adret et de ses frères. Les copropriétaires ont‑ils hérité récemment ou cultivent ils chacun une partie depuis longtemps sans avoir régularisé l’héritage ? Quelles sont les prérogatives de Catherin par rapport aux autres copropriétaires pour que son nom soit porté en tête ?
Enfin un dernier cas de propriétés en indivision est une propriété globalement en indivision entre des personnes données mais qui contient de plus une ou plusieurs parcelles en indivision particulière avec d’autres personnes.
Michel Anselme et ses frères ont en commun une parcelle (1409) en propriété indivise mais également une parcelle (8128) en indivision particulière avec Jacques Buisson et ses consorts. Pour éviter les listes longues des propriétaires en indivision et les situations administratives non réglées, le terme consorts est souvent utilisé sans plus de précisions. Des indivisions familiales peuvent être confirmées dans la mesure où les copropriétaires sont signalés comme enfants, frères, sœurs … du propriétaire « principal » en tête de liste.
Noter qu’une parcelle ne peut apparaitre que dans une seule propriété. La parcelle 8128 (cf ci‑dessus) ne peut apparaitre dans une éventuelle propriété de Jacques Buisson en indivision avec Michel Anselme. Par contre, une propriété en biens propres globale d’un propriétaire peut être suivie d’une autre propriété du même propriétaire « principal » mais cette fois en indivision.
La communauté de Fontcouverte possède deux propriétés (terrains communaux) suivant l’usage qui est fait des parcelles :
Si les fonds destinés à l’usage commun sont clairement des fond d’usage communautaire ou souvent des fonds totalement incultes, les six voués à la culture sont utilisés par des particuliers (non précisés dans la tabelle) sous des régimes que nous ne connaissons pas exactement (parcelles affermées à jouissance héréditaire, louées par la communauté ?) Ils correspondent à des parcelles disséminées sur le territoire.
Certaines des parcelles de la communauté sont sans doute l’héritage de l’époque féodale, des redevances étant encore dues en 1730 à l’évêque de Saint‑Jean-de‑Maurienne.
Les cours d'eau sont cartographiés mais n'ont pas de numéros de parcelle. Ce serait des communaux implicites non susceptibles de supporter la taille.
Les chemins cartographiés comme tels ne comportent pas de numéro de
parcelle. Ils sont dessinés sur la mappe de façon claire soit entre les
parcelles soit recoupant celles‑ci. Qui est propriétaire du chemin et
qui paie l’éventuelle taille ? Sans doute personne.
Pour l’ensemble de la paroisse de Fontcouverte, la notion de propriétaire et la matérialisation de cette notion dans la tabelle apparait, contrairement à ce qu’on pourrait attendre, comme assez complexe.
D’autres cas plus subtils sont à envisager mais très difficilement
contrôlables. Il s'agirait alors de découpage en deux propriétés d'une
seule propriété suite à des erreurs d'écriture des noms de
propriétaires dans la tabelle.
La lecture, même superficielle, de la tabelle met en évidence que le phénomène d'indivision des propriété à Fontcouverte est très fréquent en 1730. Ce phénomène est souvent noté dans la bibliographie concernant les paroisses savoyardes de montagne.
Les règles et coutumes qui regissent en Savoie les successions
expliquent facilement l'indivision. Un testateur peut léguer partie ou
totalité de ses biens en indivision laissant les légataires s'arranger
plus tard, cet état pouvant ne représenter
qu'une phase provisoire avant qu'une répartition définitive
n'intervienne ultérieurement... ou tardivement.
Nous avons tenté, avec les éléments contenus dans la tabelle finale,
de
quantifier ce phénomène
d'indivision
à Fontcouverte. 42 % de la surface de la paroisse sont des terres
de la
communauté en propriété propre mais les 58 % que représentent les
terres privées se
répartissent en 81 % seulement en biens propres contre 19 %
en
indivision.
Alors qui, d'après la tabelle, est exactement le proriétaire d'une parcelle ? Devant la complexité des situations possibles il est bien difficile de le dire tant l'indivision est généralisée ; l'homonymie omniprésente à Fontcouverte n'arrange rien. Si on recherche le propriétaire parmi les Fontcouvertins vivant sur place en 1730, le problème est souvent insoluble à la seule vue de la tabelle par manque des informations nécessaires sur les individus accompagnant le propriétaire dans sa famille voire même sur son propre nom.
Le cadastre de 1730 est assez décevant sur ces points alors que la répartion des biens fonciers est une information fondamentale pour comprendre la vie à Fontcouverte en 1730 et elle nous échappe en grande partie.