Fontcouverte
 

Etat des griefs et oppositions au cadastre,
consignés en avril et mai 1732 à Fontcouverte

L’organisation du cadastre prévoit un contrôle par les Fontcouvertins des travaux de terrain avant calculs et publication de la tabelle générale.

Les documents transmis à Fontcouverte et leur consultation

Suite à la fin des travaux du géomètre et de l’ estimateur d’office, ainsi qu’au manifeste du délégué Deyme du 12 avril 1732, les documents suivants sont mis à la disposition des paroissiens :

Ces documents sont disponibles pour une durée de 15 jours pendant laquelle les propriétaires doivent faire leur remarques au secrétaire de Fontcouverte qui établit un document à transmettre à l’administration du cadastre pour étude et corrections éventuelles. Du fait d’un retard de livraison des documents à Saint‑Jean-de‑Maurienne et du peu de temps laissé aux paroissiens qui sont en pleins travaux de semailles, une semaine supplémentaire est concédée aux Fontcouvertins et aux paroisses voisines.

Il nous faut alors imaginer les centaines de propriétaires tentant de comprendre le plan dont ils n’ont encore jamais vu de modèles si imposants. On doit cependant admettre le bon sens terrien des Fontcouvertins pour s’y retrouver quelque peu. Par contre, comment les paroissiens peuvent‑ils lire la tabelle minute étant en grande majorité illettrés et les noms étant retranscrits de façon peu lisible, souvent largement erronée. Comment Jean Baptiste Augert (normalement situé en début d’alphabet donc de la tabelle) avec une parcelle à l'Arénaz peut‑il se reconnaître (en fin de document) sous le nom Vger à Laragnée ?

Les griefs constatés et leur origine

Quatre oppositions dans une page du livre des griefs.
A  gauche  : décision de l'administration pour correction.

Nous avons analysé les photographies de l'état des griefs de Fontcouverte.

Si certaines paroisses sont fières de n’avoir consigné aucun grief, Fontcouverte se distingue, une fois de plus, avec l’enregistrement de 129 plaintes (certaines autres pourraient ne pas avoir été prises en compte étant enregistrées hors délais voire non enregistrées).

Un grief pouvant porter sur plusieurs erreurs constatées ou sur des séries entières de parcelles, on constate alors que 540 parcelles sont impactées.

24 griefs sont enregistrés comme anomalies topographiques. Il s’agit généralement de formes ou de surfaces de parcelles erronées pouvant être imputables au géomètre. Mais il s’agit souvent d’une mauvaise formulation par les indicateurs des informations qu'ils doivent au géomètre comme une parcelle qui n’a pas été signalée à diviser ou d’une parcelle incluse dans une autre et non mentionnée comme telle. La faute est plutôt à attribuer à l’indicateur qui ne peut bien connaitre toutes les parcelles du terroir. D’ailleurs, en Janvier 1730, alors que les levés du géomètre sont déjà avancés, ce dernier, Benoît Albert Soudan, se plaint de la médiocrité du service des indicateurs et demande qu’une personne soit désignée pour chaque hameau à traiter afin de mieux instruire les indicateurs et accélérer les levés.

Mais toutes les autres plaintes concernent les propriétaires. Le nom peut être manifestement faux du fait des indicateurs (sachant que la plupart des propriétaires n’ont pas assisté aux travaux du géomètre sur leurs parcelles et ne montrent pas, de même que les indicateurs, un zèle particulier envers le cadastre). Bien plus général est le cas très connu à Fontcouverte d’ambigüité des noms. Le géomètre ne peut les imaginer tant ces ambigûités sont nombreuses et même l’indicateur n’en n’a pas conscience quand il s’agit d’être précis. Dans les cas d’homonymie de nom et de prénom, la distinction peut être faite par le prénom du père du propriétaire… encore faut‑il que l’indicateur soit instruit de ce prénom c'est à dire de celui d’une personne probablement décédée depuis un temps certain. Ainsi, parmi les griefs enregistrés, il est rapporté quelques noms de propriétaires qui, au dire des contestataires, n’existent pas à Fontcouverte ! Les erreurs de noms de propriétaires peuvent alors porter sur de nombreuses parcelles.

Une grande difficulté supplémentaire apparait lorsqu’un propriétaire l’est de parcelles personnelles mais également en indivision, phénomène qui crée autant de propriétés différentes sans pouvoir distinguer qu’il s’agit du même propriétaire.

Enfin, il est certain que bien des erreurs n’ont pas été signalées et se seraient alors régularisées progressivement dans le temps. C’est peut‑être pour cela que les notaires ont longtemps refusé d’utiliser les numéros de parcelles du cadastre pour identifier les parcelles concernées par leurs actes testamentaires.