Fontcouverte
 

Pour comprendre les documents militaires de la fin du XIXème siècle

Nous utilisons les documents particuliers appélés « Fiches matricule » qui retracent globalement la vie militaire d'un individu. Les premières fiches disponibles aux Archives départementales de Savoie remontent à la classe 1867 des jeunes nés en 1847. Les dernières sont de 1921 ce qui nous permet de connaître le devenir militaire des Fontcouvertins nés dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Ces fiches tiennent compte, dans leur diversité, des lois françaises successives concernant la conscription et la vie militaire des conscrits savoyards nés après 1840.

Les lois concernant la conscription et la vie militaire

Ces lois françaises ne s'appliquent pas aux Fontcouvertins nés entre 1795 et 1840 sous le régime sarde entre 1815 et 1860.

Loi Jourdan Delbrel du 19 fructidor an VI (1798)

Elle crée le service militaire :

Lois Cissey du 27-07-1872

Elle instaure le principe d’universalité : tout Français peut être appelé, depuis l’âge de 20 ans jusqu’à celui de 40 ans, à faire partie de l’armée d’active et des réserves. La durée des obligations militaires est fixée à 20 ans :

Les lois suivantes auront après 1872 pour effet principal de modifier la durée des obligations militaires.

Loi Freycinet du 15-07-1889

Elle ramène la durée du service actif à 3 ans. Le service est personnel, obligatoire, universel mais encore inégal (1 an pour les hommes issus des grandes écoles et les séminaristes).

Les hommes de la réserve armée sont assujettis à deux manœuvres de 4 semaines, ceux de l’armée territoriale à une période de 2 semaines.

Des dispenses sont prévues pour soutiens indispensables de famille, certains fonctionnaires et agents ainsi que pour les résidents français à l’étranger.

Loi Bertaux du 21-03-1905

Elle impose le service militaire national, personnel, obligatoire ramené à une durée de 2 ans et exclut toute dispense. Des périodes d’exercice spéciaux de 9 jours maximum sont prévues pendant les 6 ans de service dans la réserve de l’armée territoriale.

Loi du 07-08-1913

Elle réduit la durée du service actif à 8 ans.

Décret du 09-09-1914

Il oblige les réformés et exemptés des classes précédant celle de 1915 à passer devant une commission spéciale de réforme pour classement dans :

Les besoins en hommes lors de la Grande Guerre conduit à une vigilance plus rigoureuse des conseils de révision et des commissions de réforme. C'est ainsi que Claude Séraphin Collet est ajourné pour faiblesse au conseil de révision en 1914 mais sera incorporé au service actif en fin de la même année, sera blessé deux fois, recevra quatre citations et même la Légion d'Honneur en 1956 !

Une taille minimale pour être soldat

Un critère important et surtout très facile à estimer est la taille des conscrits. Cette taille minimale varie suivant les époques mais se situe vers 1,55 mètres environ. Là encore, on est plus exigeant lors de la Grande Guerre. Ce critère est important pour les Savoyards qui sont de taille généralement nettement inférieure à la moyenne française. Cela leur interdit l'accès à la cavalerie pour être versés dans les bataillons de chasseurs à pied (entre autres alpins dans les montagnes des Vosges) où leur courage compensera bien leur défaut de taille.

Les motifs de réforme ou d'ajournement

Ils sont de natures diverses.

D’abord il s’agit de questions physiques. La taille d’abord mais aussi toutes les anomalies de naissance ou acquises lors d’accidents de la vie qui sont fréquents. A ce titre, nombre de conscrits sont ajournés pour la raison de taille insuffisante dans l'espoir que leur état pourrait s’améliorer dans les années suivantes. Il n’est pas rare que ce soit le cas, des gains de 1 cm par an étant alors souvent constatés. Les Fontcouvertins montrent ainsi un retard de croissance qu’ils partagent avec leurs voisins montagnards. Se trouvent aussi les maladies plus ou moins incurables. On peut ainsi mentionner les maladies pulmonaires fréquemment notées à la fin du XIXème et début du XXème (tuberculose, pleurésie…) et les hernies abdominales. Les cas les plus souvent cités sont cependant la faiblesse générale, trace de la vie difficile à Fontcouverte et plus particulièrement, pour ce qui nous intéresse, les cas de goitre qui gênent le port de l’uniforme avec son col ainsi que la surdité.

Il s’agit également de déficiences mentales : aliénation, débilité, idiotie, démence, épilepsie.

Plusieurs de ces symptômes sont directement liés au crétinisme, le terme de crétin n’apparaissant dans les fiches matricule qu’au XXème siècle : nanisme, goitre, développement dentaire incomplet, surdité, débilité, idiotie… Ces derniers états sont souvent difficiles à interpréter exactement.

On doit noter que les diagnostics sont sans doute très succincts et que le motif avancé est celui le plus facile à constater s’il conduit à la réforme ou au moins à l’ajournement, le plus souvent la faiblesse ou la taille, ces derniers oblitérant ceux qui nous auraient le plus intéressés : le goitre et le crétinisme.