Fontcouverte
 

Médiocres archives du XVIe siècle… les solutions du XXIe

Avoir directement sous les yeux les originaux des documents dont on veut prendre connaissance est naturellement la meilleure des opportunités possibles. Mais c'est aussi le moyen le plus sûr de détruire ces précieux documents à plus ou moins court terme, documents dont l'état de conservation est, déjà actuellement, plus ou moins bon sans que l'on puisse remédier à cet état de fait.

Par ailleurs, lire, relire et transcrire un acte d'archive nécessite un temps non négligeable. Il est donc pratiquement impossible d'accomplir ce travail là où sont conservés les documents originaux.

Aussi, la solution de disposer d'images lisibles à domicile est certainement la plus efficace.

La première page des actes de 1587
par les Mormons

Actuellement, le problème de la consultation à distance peut être assez facilement résolu de façon satisfaisante par les liaisons qu'assure efficacement internet. Celui de la qualité des documents mis à disposition est, quant à lui, directement dépendant des techniques de reproduction de l'époque à laquelle ce traitement a été fait et des buts qui étaient alors poursuivis. Suit enfin la numérisation des photographies qui, elle aussi, dépend des moyens techniques et sans doute financiers alors disponibles.

Les Archives départementales de Savoie fournissent, en ligne, des registres d'actes photographiés dans le dernier quart du XXe siècle.

Les premiers documents acquis l'ont été, semble-t-il, par les Mormons en 1980. Ceux-ci poursuivaient un objectif qui ne nécessitait aucune qualité particulière. On pouvait admettre qu'une partie des informations soit cachée dans la reliure des registres (les dates en particulier), que des actes soient oblitérés par les papillons apposés par de précédents lecteurs. Pour un baptême mormon, il fallait aller vite, Dieu reconnaîtra les siens ! Les photographies argentiques mormones sont naturellement en noir et blanc mais de qualité technique très correcte. On dispose ainsi en ligne d'une partie du registre d'état civil 1587-1794 de la cure.

Les Archives départementales ont repris la suite avec des photographies en noir et blanc dont la qualité des reproductions liée aux techniques de l'époque reste très variable.

Quant à la numérisation, elle conduit à des résultats qui peuvent être décevants. La « pixelisation » en noir et blanc, et non en niveaux de gris (histoire de taille des fichiers graphiques), conduit parfois à avoir devant soi une peinture pointilliste plutôt qu'un document lisible.

Une page parmi d'autres des actes de 1735...
... dont l'original est voisin de cette photographie !

Enfin, l'élaboration de CDRom se heurte au problème du compactage des informations qui détériore logiquement la qualité des enregistrements. Nous n'avons pas utilisé ce support, quand il est disponibles aux Archives départementales, pour les actes d'état civil.

Pour remédier à ces difficultés, nous avons pu profiter des progrès technologiques des dix premières années du XXIe siècle pour photographier les originaux des archives de la mairie de Fontcouverte puis celles de la paroisse actuellement conservées à l'évêché de Saint-Jean-de-Maurienne. Nous n'avons disposé que d'un matériel photographique d'amateur dont nous avons tenté de tirer le maximum dans l'objectif exclusif d'une lecture facile sans recherche esthétique (images à faible contraste).

La reprise par les Archives départementales de la saisie photographique des actes nécessiterait de gros moyens techniques et financiers peu rentables puisqu'une version même imparfaite existe actuellement. Il est probable que les Archives départementales seront plus intéressées par la saisie d'autres documents avec les moyens techniques actuels. Depuis plus de dix ans (date du début de nos travaux) un effort important est fait pour la diffusion d'un nombre croissant de documents et pour les facilités d'accès.

La couleur

Un point important paraît être l'utilisation de la couleur facilement accessible de nos jours. Qui n'a pas souffert devant des pages illisibles pour la simple raison que les curés d'autrefois ne disposaient que de plumes d'oie pour écrire sur un papier voisin du buvard actuel ? L'écriture du verso est parfois aussi visible que celle du recto ! En noir et blanc, plus rien n'est lisible.

Et en couleur ? Les chimistes et les biologistes dans leurs laboratoires savent bien que les divers pigments d'un colorant ne diffusent pas tous à la même vitesse à travers un buvard, phénomène dont ils se servent pour séparer des pigments. Les anciens curés de Fontcouverte auraient-ils fait de la chromatographie sans le savoir ? Dans leurs archives, le rouge et le brun de l'encre cheminent plus rapidement que les autres couleurs. Ces pigments traversent la page avant que l'encre ne sèche, les autres restant sur la face d'origine. Dans un document écrit à l'encre noire, le texte sera donc en noir au recto tandis que sa trace au verso sera brune. La distinction est alors facile sans même avoir recours à des logiciels de traitement des couleurs.

Pour s'en convaincre voici une page datant de 1631 bien représentative des archives de cette époque, page disponible en noir et blanc depuis les Archives départementales à gauche et en photographie en couleurs sans traitement d'image à droite. A gauche, avec les nombreuses taches, il n'y a guère que la ligne de la sépulture de Pierre Covarel pour être assez facilement lisible. A droite, la moitié supérieure de la page ne pose aucun problème de lecture, la moitié inférieur reste très lisible bien qu'écrite avec une encre qui a viré avec le temps mais se distinguant assez bien des taches brunes du verso.

Archives de 1635
Archives de 1590
On rencontrera souvent, dans les archives du XVIIe siècle, des pages dont une moitié verticale est illisible en noir et blanc et teintée de brun dans son fond dans les photographies en couleurs. Ce phénomène est à rattacher à la conservation des documents d'archives avant la reliure tardive dans un registre. Les feuillets volants des actes, au format voisin de A4, étaient en effet conservés non reliés mais pliés verticalement en deux, les paquets de ces pliages étant réunis par un ruban tenant en contact des feuillets serrés les uns contre les autres. Au XVIe siècle, les actes étaient même rédigés sur ce demi A4 vertical !

L'étendue des dégâts est parfois encore plus grande lorsque l'humidité de la cure a délavé l'encre qui a diffusé dans le papier par propagation dans la porosité du support. Il arrive alors que des pages entières deviennent pratiquement illisibles. Sur ce document de 1635, la comparaison entre les photographies noir et blanc et couleurs montre cependant que la lecture est, malgré tout, extrêmement facile dès que le noir de l'écriture peut être distingué du brun du fond taché.

Les supports informatiques ont fait de tels progrès que le stockage puis la transmission par internet des fichiers couleurs ne présente plus de difficultés.