Fontcouverte
 

Dispositions prises par le comité de santé pour limiter la contagion

Chaque malade ou mort, étant en principe signalé au commis local, enclenche la procédure suivante.

Les diagnostics

Le commis à la visite des malades et des corps décédés se rend sur place et, avec des précautions variant suivant l’état connu du malade qu’il soit vivant ou décédé, contrôle cet état par un examen, réalisé devant la maison, nécessitant de déshabiller et « retourner le corps de tous côtés » pour reconnaitre des signes de contagion. Des renseignements sont également acquis auprès des parents et voisins sur la nature supposée et l’ancienneté de la maladie.

Si « aucun signe de maladie grave à dire » n’est constaté, la maladie est la plupart du temps estimée a priori non contagieuse et la procédure s’arrête par un compte‑rendu. S'il s'agit d'un décès, l’enterrement peut se faire, dans les meilleurs cas qui sont très rares, au cimetière mais « sans passer par l’église ».

Les dispositions prises

Si des signes de peste ou des soupçons sont reconnus (il s'agit généralement des symptômes anatomiques), la personne, si elle est vivante, est reléguée pour 40 jours dans une construction sommaire en planches et couverte de chaume appelée « cabane ». Elle y est généralement accompagnée des habitants de la maison qui sont mis dans une autre cabane. Les cabanes sont situées au voisinage des villages dispersés ou au Rafour pour les villages du centre de la paroisse. Si elle est décédée, la personne reconnue pesteuse est immédiatement enterrée sur place. Ceux qui habitent la maison sont également mis en cabane ou au moins séquestrés sur place ainsi que l’habitation des voisins voire de toutes les personnes ayant pu fréquenter récemment la maison. Si elles ne meurent pas, les personnes mises en cabane subissent encore au sortir de ce lieu une « quarantaine de santé » de durée variable (10 à 40 jours) avant de retrouver enfin leur logis dont le séquestre est levé. La maison d’un mort doit cependant avoir été au préalable « nettoyée » et « parfumée » suivant des méthodes plus ou moins éprouvées. L’état de bonne désinfection de la maison est constaté quand des personnes en bonne santé qui y sont mises pour « épreuve » pendant une dizaine de jours survivent au test.

Séquestre de Jean Pierre Boisson et de sa famille

Il peut être dangereux d'aller le 15 août chez son notaire si ce dernier arrive, peu après, à être séquestré en cabane suite au décès de son fils... on se retrouve séquestré avec toute sa famille. « Dudit jour et instant a été séquestré Jean Pierre Boisson et sa famille pour avoir aussi été le jour susdit [15 août 1630] en ladite maison dudit Me Claraz. Avec inhibitions requises de moi Jacques Chaudet secrétaire soussigné ».

Les contraintes qui en découlent

Ces dispositions entraînent de nombreuses contraintes logistiques. Elles concernent la survie matérielle des séquestrés qui doivent être nourris et, ce, toujours sur la surveillance d’un garde volontaire nommé et payé pour interdire les entrées et sorties de la maison. Le bétail qui ne peut plus être entretenu est lavé puis réparti chez les parents ou les voisins. Des gardes peuvent également être nommés pour le séquestre général d’un village. Des « éprouveurs » doivent être trouvés, souvent des jeunes dont le bon état de santé a été reconnu… avec les compétences locales ou celle des parfumeurs ! Chaque déplacement de personnes de maison en cabane ou de cabane en maison exige un nettoyage (lavage et changement d'habits) strict de ces personnes pour limiter l’infection. Cela peut nous paraître évident de nos jours mais il faut imaginer que « changer d’habits » ou « se laver » sont des précautions qui ont totalement disparu à l’époque qui nous intéresse. Il faut bien une peste pour changer d’habits et se laver à grande eau !

Répartition du bétail de Jean Augert chez ses voisin

L'organisation de la survie du bétail n'est pas la moindre conséquence d'une séquestration ou d'une mise en cabane. Par exemple, suite au décès de sa femme le 4 novembre 1630, Jean Augert et sa famille sont mis en cabane le 5 et sa maison est séquestrée. Ne pouvant plus assurer la gestion de son bétail, celui‑ci est réparti chez Laurent Crinel et André Covarel, deux voisins. Le bétail est lavé en ces circonstances exceptionnelles.

« Du cinquième jour du mois de novembre année susdite mil six cent trente ont été lavés le nombre de vingt cinq brebis tant à lait que […] et nouvelles, et deux chèvres du bétail de Jean Augert en la présence d’honnête Jean Baptiste Sibué syndic et Me Antoine Girollet commis général de la santé, lequel bétail a été remis en garde à honnête Laurent Crinel dudit lieu et a été lavé en présence de qui dessus deux vaches à lait, […] une paire de bœufs l’un de poil rouge et l’autre bouchard, âgés d’environ trois années, […] une mouge âgée d’environ deux années lesquels vaches, bœufs et mouges ont été remis en garde à André Covarel dudit Fontcouverte. De quoi m’a été requis acte fait au lieu du Villard Dessous en présence de Jean Vincent Adreyt et Barthélémy Sibué dudit lieu et en foi de ce me suis soussigné. »

(Une « mouge » est très certainement en langage du pays une génisse).

 

Enfin, les décisions des instances de Saint-Jean-de-Maurienne nécessitent l’intervention à la Cité des syndics et conseillers. Il en est de même pour la recherche toujours difficile de nettoyeurs.

Les contraintes financières correspondant à toutes ces actions sont à la charge des personnes concernées. Cependant la communauté peut aussi participer aux frais engagés.

Le principe de précaution est, semble‑t‑il, largement appliqué en particulier pour ce qui concerne les mises en cabane et les séquestres malgré les difficultés qui en découlent. Les contestations sont généralement rares mais certaines donnent lieu à des interventions s’étendant sur de nombreux jours.